Handicap et sexualité.

Handicap et sexualité, le tabou persiste.
L’Organisation Mondiale de la Santé le souligne expressément, la sexualité répond à un besoin fondamental de tout être humain qui ne saurait être séparé des autres aspects de la vie. Cependant, il ne faut pas appréhender ce besoin sous le seul angle de la relation sexuelle au sens strict, c’est-à-dire des sensations physiques. Vivre une sexualité pleine et entière doit permettre une meilleure compréhension de ce que nous sommes en tant que femme, homme ou transgenre, et de gagner en estime de soi. Que l’on soit ou non porteur de handicap, la sexualité est un facteur clé de bien-être et chaque individu peut en revendiquer le droit.
La reconnaissance de la santé sexuelle comme vecteur de qualité de vie va dans le sens du progrès des consciences, mais les déclarations de bonnes intentions ne s’accordent toujours pas avec la réalité du terrain. La sexualité continue de jouir d’une image négative d’autant plus prégnante qu’elle concerne les personnes porteuses de handicap. La perception de celles-ci, emprunte de préjugés, n’aide pas à accepter la vraie nature de leurs besoins sexuels. Pour le commun des valides, une personne en situation de handicap mental est considérée comme innocente et pure, à l’image d’un enfant, et par conséquent asexuelle, ou alors à l’inverse comme quelqu’un ayant des pulsions sexuelles incontrôlables et dangereuses. Par ailleurs, la société perpétuant l’idée que l’attractivité sexuelle est dépendante des canons de beauté et de perfection physique, écarte de facto du champ de la sexualité ceux qui s’en éloignent. La situation générale des personnes en situation de handicap s’est fortement améliorée durant les dernières décennies, principalement dans les domaines de l’emploi, de l’indépendance, de l’accessibilité de la voirie et de l’espace public. Mais les problématiques liées à la sexualité continuent d’être occultées. Le malaise est profondément enraciné et même les parents les plus ouverts, les plus progressistes, éprouvent des difficultés pour gérer la question de la sexualité de leurs enfants handicapés. Incontestablement la chose n’est pas aisée et loin de nous l’idée de pointer un doigt réprobateur sur des familles qui doivent déjà se battre pour que leurs enfants bénéficient des mêmes opportunités d’intégration sociale que les autres enfants. Pourtant il n’est plus tolérable de nier la réalité des désirs, des fantasmes et de l’envie de jouir de la plupart des personnes en situation de handicap physique et/ou mental. La sexualité n’est pas un domaine réservé aux gens valides et personne ne devrait être exclu du champ des émotions sexuelles.
Cependant, si la société a changé son regard sur le handicap mental et la sexualité, la question de la procréation demeure polémique. Pour l’ensemble des professionnels du secteur, l’adulte déficient intellectuel ne peut assumer la responsabilité de la grossesse, de la naissance et de l’éducation d’un enfant. Cette position est partagée par les parents qui de façon presque unanime s’opposent à l’idée que leurs enfants puissent accéder à une sexualité reproductive. Sur le sujet il serait abusif de militer pour un droit à la procréation des personnes atteintes de déficience mentale, mais plus opportun d’entrouvrir la porte à une réflexion au cas par cas, la variabilité de ce handicap n’autorisant pas la globalisation. À cette heure, malgré les progrès enregistrés, le couple handicap-sexualité reste enfermé dans le cadre de la satisfaction des besoins.
Aborder le thème de la sexualité dans le cadre du handicap ne peut se concevoir sans faire de distinguo entre ses différentes formes.
À priori, le handicap physique, lorsqu’il n’altère pas les fonctions sexuelles, n’empêche en rien l’émergence d’une vie sexuelle épanouie. On le comprend aisément lorsqu'on se réfère aux handicaps visuels et auditifs par exemple. Toutefois, quand le handicap physique se traduit par une impotence fonctionnelle et/ou s’accompagne d’une malformation sévère, il devient entrave à la liberté sexuelle. Les standards de séduction, de plus en plus contraints par l’apparence esthétique, ne facilitent pas les rapprochements entre valides et invalides, et cela est d’autant plus vrai que le handicap est important. De fait nous pouvons affirmer que le handicap restreint, proportionnellement à son importance, les possibilités de rencontres et donc celles de vivre une sexualité normale.
L’activité sexuelle pour les personnes dont le corps souffre de diverses malformations n’est pas une sinécure. Elle ne l’est pas non plus pour celles qui partagent leur vie. Il faut adapter les gestes, les positions, inventer des façons de faire l’amour et renoncer à certaines pratiques. Devant les difficultés beaucoup renoncent et se contentent d’auto-érotisme quand cela est toutefois possible. En résulte d’énormes carences affectives, émotionnelles et un lot de souffrances qui s’ajoute à la pénibilité de la situation de handicap.
Le handicap mental, en fonction de son importance, des particularités physiques qui l’accompagnent, induit des problématiques d’un autre ordre et le cas de la trisomie 21 condense l’ensemble des aprioris qui accompagnent la sexualité des personnes souffrant de déficience intellectuelle. Dans les années 60, la question de la sexualité des trisomiques était clairement rejetée par l’ensemble des spécialistes. On estimait alors que leur incapacité à concevoir des idées abstraites, de faire la différence entre les sexes, ne leur permettaient pas d’éprouver de sentiments érotiques. Considérés comme de grands enfants, on leur prêtait volontiers une nature angélique donc asexuée. L’approche du handicap évoluant, le déni s’effaça au profit d’une acception teintée de dédain. Au début des années 70 se valide peu à peu l’idée que la personne trisomique est aussi un être sexuel. Mais sa sexualité est considérée comme aberrante, foncièrement onaniste, homosexuel et peu regardante sur l’objet du désir. En clair, on estime à cette époque que la sexualité des personnes trisomiques s’arrête au premier temps du besoin, qu’elle n’est pas érotisée et se cantonne à une expression quasi animale. Fin des années 70, les personnes porteuses de handicap mental sortent de leur enfermement social, on les considère enfin comme des êtres humains à part entière et on leur reconnaît un droit au développement personnel marqué par une meilleure prise en considération de leur sexualité. Aujourd’hui, de nombreux éducateurs sont convaincus que la trisomie ne saurait empêcher l’accession à une sexualité épanouissante et militent pour que les structures d’accueil, à défaut de faciliter, ne s’opposent plus aux relations sexuelles entre personnes trisomiques et par extension entre individus souffrant de défiance intellectuelle.
La sexualité des personnes porteuses de handicap mental à l'épreuve de la morale.
La sexualité des personnes portant un handicap mental sévère est dérangeante car elle s'exprime en dehors de tous les codes de vie en société. Par exemple elles ne montrent aucune gêne à se masturber en public lorsque le désir les submerge. Il semble que leur sexualité soit libre de toute représentation malsaine et honteuse. Se masturber devant des tiers ne leur cause par conséquent aucune gêne. Pour un observateur lambda, cette sexualité débridée s’assimile spontanément à un comportement pervers.
Si nous savons aujourd’hui qu’il n’en est rien nous continuons à éprouver embarras et malaise devant une personne à la sexualité ouverte et innocente. Dans l’inconscient collectif, l’activité sexuelle porte toujours les stigmates de la laideur, de la saleté, de la répugnance et son confinement dans la sphère de l’intimité répond à une logique d’éloignement du regard public. Dès lors qu’elle s’expose au grand jour, elle devient perturbatrice de la bienséance morale et suscite la réprobation. Pour les adultes porteurs de handicap mental, ces considérations n’ont pas lieu d’être, ils ne vivent pas le sexe avec culpabilité, mais avec une spontanéité et une joie évidente.
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