La perruque pubienne ou merkin redevient tendance !
En septembre 2018 à New York, se déroulait la Fashion Week. C'est à cette occasion que le merki a fait une apparition remarquée sur les podiums, via les créations de la designer coréenne Kaimin. Ce postiche intime n'est cependant pas une nouveauté.

Nommé à tort perruque vaginale, le merkin, qu'il soit moqué ou plébiscité, traduit la persistance d'un rapport au poil ambigu.
En 2016, une étude a confirmé que, dans leur grande majorité, les femmes se conformaient à la mode de l’épilation intégrale, marquant un désamour des poils pubiens amorcé vers le milieu des années 70. La mode estivale promeut alors des maillots de bain à taille basse et échancrure prononcée qui ne peuvent parfaitement contenir les débordements pileux de la zone génitale. Les poils dépassent de toute part et de nombreuses femmes, par pudeur ou souci esthétique, optent pour une réduction de leur pilosité. Une pratique qui, en se généralisant, deviendra une spécialité des esthéticiennes sous la dénomination « épilation du maillot ». Concomitamment, les magazines dits érotiques se lancent dans une surenchère : dévoiler toujours plus le sexe féminin. Les pornographes suivent le même chemin et les hardeuses sont contraintes de s’épiler jusqu’à faire totalement disparaître, vers la fin des années 90, leur toison pubienne. Avec la pornification de la société, l’épilation intégrale se transformera en un incontournable enjeu de séduction, qui ne sera questionné que récemment sous l’influence salutaire de la pensée féministe.
L’aversion pour les poils n’est cependant pas un phénomène récent. Le rasage et l’épilation du pubis ont été attestés en Égypte au moins 3000 ans avant notre ère. Ils étaient alors associés à un rituel de pureté, mais on peut supposer qu’ils visaient aussi à limiter les invasions parasitaires. La pratique perdurera en Grèce ainsi qu’à Rome, mais disparaîtra officiellement des us et coutumes avec la dislocation de l’Empire Romain et l’avènement de l’Église catholique. Nombre de théologiens condamnent, en ces temps médiévaux, toutes pratiques de modification corporelle rappelant que si Dieu nous a créé avec des poils, les retirer reviendrait à s’opposer à sa divine volonté . Paradoxalement, jusqu’au 19ème, la représentation artistique du nu féminin fera, à de rares exceptions près, abstraction de la pilosité du mont de Vénus. Dans les sociétés islamiques, les poils pubiens sont marqués du sceau de l’impureté qui justifie l’épilation rigoureuse des parties intimes. Si les opinions divergent quant à la symbolique du sexe glabre, voire sa fonction érogène, l'absence totale de poils reste toutefois le moyen le plus efficace de se prémunir contre une infestations de morpions.
Le merkin au 19ème siècle.
Jusqu’au début du 20ème siècle, puces, punaises, poux et morpions faisaient partie intégrante de la vie. On peut même dire qu’ils pullulaient dans toutes les strates de la société. Comme il n’était pas simple de s’en défaire, on essayait de ne pas en attraper. Vers le milieu du 15ème siècle, la population des prostituées, de loin la plus exposée aux contacts délétères, adopte la pratique de l’épilation intégrale. Toutefois, pour ne pas offusquer une clientèle qui, à l’époque, semble ne pas apprécier les sexes imberbes, les dames recouvrent leur pubis d’une perruque spécifique, le merkin. Facile d’entretien, le dispositif préserve des morpions. Plusieurs historiens ont cependant prétendu que l’artifice pileux avait pour objectif de masquer les signes d’une éventuelle maladie vénérienne et particulièrement ceux de la syphilis. Mais l’argumentation ne tient pas, car pragmatiquement parlant, il suffisait au client suspicieux de vérifier si la zone était saine en soulevant le merkin. Les symptômes visibles liés à la syphilis se développant rapidement sur l'ensemble du corps (entre deux et huit semaines), on doute que le merkin ait pu avoir la moindre chance de les dissimuler. Généralement fabriqués à partir de cheveux ou poils d’animaux, une légende veut que certains merkins bon marché l’aient été à partir de vrais poils pubiens prélevés sur des cadavres.
Avant 1966, les films produits à Hollywood ne contiennent que peu, voire aucune scène de nu intégral. Ce n’est pas par frilosité que les producteurs se l’interdisent, mais parce que la moralité de l’Amérique puritaine est protégée par une puissante association interprofessionnelle de producteurs, la Motion Picture Producers and Distributors of America, devenue en 1945 la Motion Picture Association of America. S’appuyant sur « The Production Code », qui définit ce qui est moralement acceptable de voir à l’écran, elle contraint les réalisateurs à une stricte réserve concernant la nudité. Abandonné en 1966, ce code est remplacé par un système de classification volontaire qui libère théoriquement la création de ses carcans moraux. Pour autant, les films qui ne se soumettent pas à l’examen de la MPAA, estampillé « unrated », ont peu de chance de toucher un large public. La nudité reste sujette à caution, particulièrement dans sa version féminine, et les réalisateurs évitent de tourner des scènes laissant ostensiblement apparaître les parties intimes. Au tournant du 21ème siècle, évolution des mœurs oblige, la MPAA lâche du lest et autorise le classement « grand public » de films comprenant des scènes de nu féminin intégral. Mais comme il n’est pas question de montrer des sexes imberbes en mode porno, les actrices sont invitées à présenter des toisons un minimum fournies. Pour une grande partie d’entre elles, après plusieurs années de rasage et d’épilation le retour à la normale est impossible et le port d’une perruque pubienne s'impose. C’est le grand retour du merkin.
Le merkin lors de la New-York Fashion, 2018.
Le merkin, principalement créé pour des causes d’hygiène, n’a pas eu qu’un rôle pratique. Parce qu’il peut être décoré de perles, de rubans, se présenter dans une variété de coloris et de matière, il est aussi un accessoire apprécié des fétichistes. En 2018 lors de la New-York Fashion et d'une exhibition au goût douteux, l’artiste modéliste coréenne Kaimin a remis sur le devant de la scène médiatique cette perruque intime. Aujourd’hui, on en trouve facilement sur des sites de ventes en ligne, déclinés dans de multiple formes, textures et présentés comme l’opportunité d’une expérience sensorielle unique. Quoiqu’il en soit de sa fonction, le merkin est avant tout le symbole d’un rapport aux poils pubiens féminins historiquement ambigu. Vénérés pour leur potentiel érogène, rasés pour les mêmes raisons, honnis pour leur rapport à la bestialité et la saleté, les poils du mont de Vénus ont subi toutes sortes d’attentions contradictoires. Depuis quelques années se précise un retour en grâce du naturel, non sous l’impulsion d’un désir masculin, mais celui des femmes qui ne souhaitent plus se conformer au male gaze. Pour le merkin c’est déjà le début de la fin.
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