La sapiosexualité, un concept obscur
Les concepts d’hétérosexualité, homosexualité, pansexualité et consorts renvoient à des modes d’attirance pour un sexe et/ou un genre, la sapiosexualité est quant à elle fléchée sur une attirance pour une qualité au pouvoir érogène, l’intelligence.

Sapiosexualité ou sapiophilie ?
Un nombre grandissant de personnes se déclarent sapiosexuelles. Mais qu'est-ce que la sapiosexualité ? Depuis que Marlène Schiappa a prétendu être sapiosexuelle, le terme s’est frayé une place dans le paysage médiatique. Du latin « sapiens », qui réfère à l’intelligence, la raison et la sagesse, ce néologisme marque-t-il la découverte d’une nouvelle orientation sexuelle, d’une attirance pour des pratiques érotiques spécifiques ou est-il un concept aussi flou que confus ? Notion ambigüe, inquantifiable dans son acception holistique, l’intelligence ne se révèle à autrui que par le filtre de sa propre subjectivité. Nous pouvons ainsi être intelligents pour certains et stupides pour d’autres. Le sujet de cet article ne sera donc pas de débattre autour de cette notion. Nous l’accepterons simplement comme une réalité évanescente.
Bien que la science ait porté un éclairage sur nombre de mystères de la sexualité, les voies de la rencontre amoureuse et les moteurs du désir restent des sujets complexes qui n'ont pas livré tous leurs secrets. Si la pensée populaire attribue aux « atomes crochus » le pouvoir de réunir deux êtres, plus pragmatiquement nous dirons que c'est la compatibilité de leurs traits particuliers qui fait naître leur désir de s'engager dans une relation intime. Apparence physique, charisme, statut social, niveau de culture, intelligence, originalité, sex-appeal, sont les principaux paramètres de l’attractivité amoureuse que chacun.e priorise en fonction de ses aspirations. Toutefois cette dernière se différencie des préférences sexuelles, c’est-à-dire des facteurs déclenchant le désir, et d'ailleurs aucun des éléments motivant la rencontre ne saurait garantir le succès de l'aventure sexuelle.
Depuis le début des années 2000, le champ lexical des orientations sexuelles s’est enrichi de plusieurs termes ayant l’ambition de nommer avec précision les diverses affinités sexuelles. Ainsi sont apparues, bisexualité, asexualité, pansexualité, allosexualité, altersexualité, une kyrielle de termes censés définir des catégories de personnes évoluant en dehors des cadres de l’hétérosexualité et de l’homosexualité traditionnelles. La mise en lumière de ces « subsexualités », la plupart regroupées dans le mouvement queer, n’est pas la conséquence d’un quelconque changement fondamental de la nature des orientations sexuelles, mais le symbole d’une lutte politique pour la reconnaissance et l’acceptation des différences au sein de sociétés attachées à la norme hétéro. Si le combat de ces minorités ne porte pas des enjeux identiques à celui des gays ou des transgenres, il permet de prendre conscience de l’extraordinaire diversité des aspirations et attirances sexuelles.
Hétéro, homo, sapio : trouvez l'intrus.
Les concepts d’hétérosexualité, homosexualité, pansexualité et consorts renvoient à des modes d’attirance pour un sexe et/ou un genre, la sapiosexualité est quant à elle fléchée sur une attirance pour une qualité au pouvoir érogène, l’intelligence. Il serait donc indu de l'incorporer au vaste ensemble des orientations sexuelles. Si nous ne pouvons considérer la sapiosexualité comme telle, il est toutefois intéressant de remarquer que les érotismes tantrique, BDSM, kinbaku, cyber ou encore méditatif reposent sur une dynamique sexo-relationnelle où l’intelligence joue un rôle principal. Basées sur l’intellectualisation du plaisir, ces démarches érotiques seraient pour le coup véritablement en phase avec la notion de sapiosexualité. Notion que l'on pourrait d'ailleurs affiner en lui préférant la dénomination de sapio-érotisme.
Un fétichisme de l'intelligence.
Selon modèle triphasique d'Helen Kaplan la réponse sexuelle suit un processus initié par le désir, entretenu par des stimulations psycho-génitales et résolu par l'orgasme. Si l'intelligence du ou de la partenaire est en mesure d'alimenter le désir, déclencher une érection ou une lubrification vaginale, on doutera qu'elle puisse produire un orgasme en l'absence de stimulations psycho-génitales. In fine, le concept de sapiosexualité montre que l'intelligence peut être un catalyseur du désir qui, au même titre que certaines parties du corps, matières ou tenues vestimentaires, a la couleur du fétichisme. De fait il serait plus juste de nommées sapiophiles les personnes qui sont séduites et excitées par l'intelligence de leur partenaire.
Genre et sapiophilie.
Il ressort des sondages et études que les femmes sont plus sensibles que les hommes à la qualité intellectuelle au point d’en faire parfois leur premier critère de sélection. Si cela ne les empêche pas d'apprécier un corps bien fait, son potentiel de séduction restera tributaire de l'intelligence de son propriétaire. Plus trivialement on dira qu'un « beau mâle » qui ne saurait aligner deux mots sans faire une faute de syntaxe n'aurait aucune chance de les séduire et encore moins de susciter leur désir. Remarquons que si la plupart des hommes manifestent, à l'inverse, une attention première pour l’esthétique, il n’en demeure pas moins que pour une partie d’entre eux l’esprit prévaut sur le physique.
En conclusion, le concept de sapiosexualité s'apparente à une approximation sexologique qui a cependant le mérite de mettre en exergue une forme d’attirance sexo-romantique dans laquelle nombre de femmes et d’hommes se reconnaissent. Enfin on constatera que les sapiophiles possèdent un avantage sur ceux et celles qui accordent une primauté à la beauté et l’apparence physique. L’intelligence, contrairement à l’esthétique, est une qualité durable. Les couples formés sur cette attirance réciproque sont donc moins exposés aux affres du temps et présentent de meilleures perspectives de pérennité.
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