Sphère émotionnelle

Le fantasme du chiot humain

Le fantasme du chiot humain

Le fantasme du chiot humain

Ces hommes qui vivent comme des chiots.

Personnages d’un documentaire :  La vie secrète des chiots humains, Spot, Bootbrush et Kaz font partie de ces individus atypiques qui intriguent par leur fantaisie. Comme les chiots, ils aiment être en meute, les jouets qui couinent, manger dans une gamelle, frotter leur "truffe" contre les jambes de leur maître.

Le documentaire apporte un regard sympathique sur le monde de ces hommes qui s’amusent à être chiots. Le mouvement, qui a ses racines dans le BDSM, ne cesse de grandir depuis une quinzaine d’années. Bien que la communauté soit ouverte à toutes et tous, les chiots humains sont surtout des hommes, homosexuels, ayant un goût prononcé pour les combinaisons de cuir. Un chiot humain apprécie de se faire caresser le ventre, de s’amuser avec des jouets, de manger dans sa gamelle et surtout, d’entretenir des relations affectueuses avec son maître.

Au fil du documentaire, nous découvrons quelques membres de la société des chiots : Tom, dit AKA Spot, qui participe à l’élection de Mister Puppy Europe à Anvers, un mix entre un concours de beauté canin et un concours de jeunes talents ; David, dit AKA Bootbrush, qui parle face caméra avec son masque de chien ; deux chiots dans Londres feignant d’uriner contre les réverbères et des tas d’autres aboyant et remuant leur queue mécanique.

Tom tient à souligner que le but du jeu n’est pas simplement de se travestir et de se comporter comme un chiot. C’est avant tout une façon de retrouver des sensations simples, naturelles, primales.  "Quand tu es chiot, tu n’as plus de soucis d’argent, de nourriture ou de travail " affirme Tom, par ailleurs technicien dans un théâtre. "C’est une opportunité d’apprécier la compagnie de l’autre, en toute simplicité."

Tom a découvert petit à petit son penchant pour les jeux canins.

Il aimait dormir avec un collier pour chien, avait un faible pour les tenues moulantes en lycra ou en cuir. Puis, il a acheté une combinaison zentaï style dalmatien et une laisse orange, au cas où il trouverait son maître. Sa "transformation", n’a pas été sans répercussions : il a rompu avec sa fiancée pour vivre une relation homosexuelle avec Colin, l’homme qui est devenu son nouveau "patron".

Comme le dit Tom, la rencontre avec Colin ne fût pas le déclencheur mais en quelque sorte la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. "J’en étais arrivé à un point où j’étais angoissé à l’idée d’être un chien sans maître, un chien errant dont personne ne s’occupe. J’ai rencontré Colin sur le net et après quelques échanges, il m’a proposé de veiller sur moi. Je ne suis pas amoureux de Colin mais je suis heureux d’avoir quelqu’un qui prend soin de moi." 

Pour David, écrivain universitaire, devenir un chiot humain est un moyen de s’échapper d’un monde trop cartésien, trop réfléchi : "Nous sommes dans le non-verbal, l’émotionnel, l’instinctif. Une sorte de retour à notre état animal de pré-conscience. Bien sûr, je reste une personne à part entière, mon chiot est une partie de moi mais une partie seulement. Je suis végétarien, je joue du piano, je travaille, j’ai quelques plants de tomates dans un jardin ouvrier, j’ai aussi un perroquet et je peux rester des mois sans revêtir ma combinaison canine".

À en croire le psychiatre Carl Jung, notre conscience s’est élevée sur des structures psychiques primordiales liées à l’émotion, l’intuition, aux sensations, et propres à tout le monde animal.

Peut-on pour autant affirmer que jouer au chiot humain n’est finalement qu’une tentative de re-découverte de ce moi archaïque ? "Absolument", affirme David. "On peut dire ça. C’est très amusant, très jouissif de gambader dans un club en jouant à la baballe. Vous faites rire les gens, vous êtes le petit chiot sympathique. L’univers Gay peut être très sérieux, effrayant et rébarbatif parfois, mais quand tu débarques affublé d’un masque de chiot avec ses petites oreilles et sa petite langue, alors tout change. Tu peux folâtrer avec enthousiasme, te montrer espiègle et amiteux. Tu es si mignon !"

Kaz, un autre chiot humain, aime à répéter que ceci n’est pas un simple jeu mais une façon de s’identifier, de savoir qui il est. "Même au travail il peut m’arriver d’aller vers un collègue et de lui mordiller la chemise" dit-il en riant. "Une fois, j’aurais pu avoir quelques ennuis. Un gars m’a surpris au bureau avec un bout d’ordinateur dans la bouche ! D’une manière générale, les collègues de travail ont compris que j’étais comme tout le monde et ils ne me trouvent pas si bizarre." 

"Être un chien", tel est le slogan de Kaz qui fait partie d’une meute, apprécie le contact d'autres chiots et mange dans une gamelle. "J’adore, je me sens à l’aise" explique-t-il avant d’ajouter "mais quand je suis à table, je me sers d'un couteau et d'une fourchette, comme tout le monde, et puis je bosse et je regarde la télé."

On peut se demander ce qui motive ces "chiots" et leurs maîtres. "Tu essaies de choper les côtés très positifs de la psychologie canine, comme la loyauté" répond David. "Quelques chiots vivent seuls, mais pour moi, l’identité du chien est marquée du sceau de l’attachement à son maître, Sydney en l’occurrence. Je lui suis fidèle depuis 10 ans. Quand on s’approche trop de lui, je grogne comme un petit bull terrier. Dans la vie courante je suis très gentil, j’aime rendre les gens heureux et j’en tire beaucoup de satisfaction."

Côté sexe, les jeux de chiots sont souvent une composante d’un cocktail érotique, cuir, fourrure, BDSM, mais pas toujours.

Comme aime à le souligner Kaz, "Les gens pensent que nous nous travestissons dans le seul but de faire du sexe. Le sexe est une possibilité parmi d’autres. On me pose parfois des questions vraiment horribles comme "tu aimes baiser avec les chiens ?'" Heureusement ce n’est pas le cas !  Avec les autres chiots de la meute, nous passons des heures à ne rien faire d’autre qu’être des chiens. Nous sommes dix et mon compagnon nous sert de maître. Nous veillons les uns sur les autres, nous aimons le sentiment de faire partie d’une grande famille."

Que l’on perçoive la chose comme une bizarrerie, une identité, une réaction à un événement antérieur, une façon de fuir le réel ou un fétichisme, l’important, nous dit Tom, c’est qu’elle soit identifiée, comprise et acceptée. "Je souhaite que notre communauté soit reconnue comme le sont celles des gays, des bis, des trans, des hétéros. Nous ne voulons causer de tort à personne, nous sommes des gens comme tout le monde."


Poster un commentaire

Dans la même thématique

Osphères c'est avant tout...

Une information fiable, objective et diversifiée

Une approche décomplexée, éthique et responsable de la sexualité et de l’érotisme

Un espace privilégié de rencontres et d'échanges

Un univers où prévalent les principes de respect, de courtoisie et d’ouverture.

X