Mari Katayama, la différence sublimée
La séduction ne résulte pas d'une adéquation avec des canons esthétiques subjectifs, mais, comme le démontre Mari katayama, d'une force intérieure, de la radiance de l'être libéré de la servitude aux normes.

Mari Katayama, artiste-alchimiste du corps humain.
Son œuvre sonne comme un écho au vers de Baudelaire : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or ». Atteinte par une pathologie aussi rare qu’invalidante, l'hémimélie tibiale, elle a dû accepter l'amputation partielle de ses jambes à l’âge de neuf ans. Ce qui aurait pu être un traumatisme l’entraînant dans les abysses de la dépression est devenu le moteur de sa vie créative et de son épanouissement artistique.
I am wearing a little high heel.
Se mettant en scène, dans un univers délicieusement kitch, Mari Katayama impose son regard noir et puissant, magnétique, dont on ne se détache qu’au bout d’un temps pour découvrir la réalité crue d’un corps supplicié par la maladie. Étrangement, nous ne sommes pas pris d’un mouvement de répulsion ou assaillis par la compassion, mais simplement fascinés par la beauté charismatique de la femme qu’elle est.
You're mine. 2017.
You're mine. 2017.
Mari Katayama donne à repenser la beauté du corps. Son discours artistique cingle les stéréotypes plastiques des top modèles. Son œuvre est cataclysmique et le bouleversement de la pensée qu’elle provoque ouvre un champ de réflexion providentiel sur la séduction.
Cannot turn the clock back. 2017.
L'artiste expose, dévoile, avec un sens accompli de la provocation, la sensualité d'un corps mutilé, d'un corps plein et entier, désirant et désirable, d'un corps qui bat en brèche nos représentations standardisées de la féminité érogène.
Self portrait. 2012.
Dans plusieurs de ses autoportraits elle pose à côté de son double, un mannequin de tissu cousu par ses soins, une forme inerte qui se lit en contre-point de l’énergie de vie qui l’habite. « Renaître de ses souffrances » pourrait être le message sous-jacent de son œuvre, l’illustration parfaite du concept de résilience.
Shell. 2016.
Cependant il ressort de plusieurs interviews que Mari Katayama ne pense pas son travail comme une critique des attentes de la société. Elle confesse ne pas être douée pour cela et que son but premier est de traduire artistiquement ses expériences corporelles et sa façon de vivre le monde contemporain.
You're mine.
Que l'artiste ne désire pas inscrire son œuvre dans le champ politique, n'interdit pas de percevoir son travail comme une interrogation radicale des critères historiques de la séduction et de l'appréhension normée du beau. La beauté n'est pas une valeur absolue, universelle et intemporelle, et finalement personne n'est objectivement beau ou laid. Ce qui rend séduisant, ne résulte pas d'une adéquation avec des canons esthétiques subjectifs, mais, comme le démontre Mari katayama, d'une force intérieure, de la radiance de l'être libéré de la servitude aux normes.
26-06-19
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