Sphère émotionnelle

Réalisme vs idéalisme romantique

Réalisme vs idéalisme romantique

Le talent amoureux ne suffit pas pour assurer l'efflorescence du couple, pas plus que l'amour de la danse ne saurait à lui seul garantir l'exécution d'un voluptueux tango.

Réalisme vs idéalisme romantique

L'art d'aimer n'est pas inné.

Quand presque la moitié des mariages se terminent par un divorce, se pose la question du pourquoi d'un si grand nombre de ratés. Censé consacrer l'amour que deux êtres portent l'un à l'autre, le mariage semble n'être que rarement source d'inépuisables satisfactions. On estime à 44% le taux de divorces en France et il est à peu près identique dans tous les pays d’Europe. Par ailleurs, 30% des gens vivant en couple se déclarent pas ou peu heureux, mais avouent ne pas avoir le courage de mettre un terme à leur union. Le divorce et la séparation restent des constats d’échec, des faillites qui cependant ne sont pas le fait d'une malédiction, mais d'une perception certainement trop optimiste des vertus de l'amour et du mariage.

Il faut l'accepter, le rituel marital est avant tout symbolique et ne porte qu'une dynamique limitée dans le temps. Passée l'euphorie de la fête, les jeunes mariés.es doivent affronter le pragmatique et les effets délétères de la vie quotidienne. D'une manière générale, dans le domaine des relations de couple, la principale erreur que nous commettons est de croire que la passion amoureuse permet de surmonter toutes les difficultés, sans effort, du simple fait de sa force naturelle. Cette façon de penser relève de l'idéalisme romantique, un concept de conte de fées qui nuit à la bonne perception et la pérennité de la vie à deux.

Au regard de l'idéalisme romantique l'union se conçoit comme un accord parfait entre deux individus qui par la grâce de leur amour donnent forcément le meilleur d'eux-mêmes. Paradoxalement la bienveillance qui anime les relations amicales est rarement de mise dans les relations de couple fondées sur l’amour idéalisé. Car ce dernier tend à rendre les partenaires hyper exigeant.es, attendant de l'être aimé qu'il soit immanquablement compatible avec leur conception de la vie, qu'il soit leur amour exclusif, leur meilleur ami, leur confident et bien sûr leur complice érotique. Un cahier des charges démentiel qui a peu de chances d'être honoré sans rapidement épuiser les meilleures volontés. 

Pour les idéalistes romantiques la relation doit se nourrir d'émotions et d'expériences enrichissantes. Mais la vie de couple a plus à voir avec la gestion d’entreprise qu'autre chose. Il faut planifier, organiser, prévoir, anticiper, gérer et surmonter les situations de crise. Cela n'a rien d'excitant, mais c'est pourtant ce qui occupe l'essentiel du quotidien. Alors pour affronter l'aventure maritale avec les meilleurs atouts et lui donner toutes les chances d'ouvrir sur un épanouissement mutuel mieux vaut se convertir au réalisme romantique, une approche de la relation où le/la partenaire idéal.e est celui ou celle qui fait preuve d'adaptation, de créativité, d'empathie et de pragmatisme.


Milonga sur parquet flottant. Jean-Louis Mendrisse/2018.

Si l'amour en reste la condition sine qua none, le réalisme romantique n'envisage pas le mariage et l'union comme des croisières de plaisance menées par des partenaires aussi parfaits.es qu'infaillibles. Il s'agit de voir la réalité en face et de comprendre que pour voyager sereinement sur une mer aux humeurs changeantes, il faudra innover, développer de nouvelles compétences, amender ses comportements émotionnels, ne pas tout attendre de l'autre et en résumé parfaire, jour après jour, sa façon d'aimer. 

Dans la vie, nous commençons par être aimés.es. Enfants, nous recevons l’amour inconditionnel de nos parents qui, entièrement dévoués, nous nourrissent, nous soignent, nous amusent tout en restant chaleureux et aimants. Être aimé.e nous paraît absolument normal, nous en intégrons parfaitement l’idée, mais personne ne nous enseigne l’art d’aimer en mode romantique. Mal armés.es nos premières expériences amoureuses se soldent souvent par de retentissants fiascos et si nous ne prenons pas conscience qu'aimer demande travail, efforts, patience et persévérance nous nous condamnons à vivre une kyrielle d’échecs. 

Lorsque la relation s'enlise dans le conflit, les idéalistes romantiques pensent qu'il est trop dur d'aimer. Les difficultés rencontrées ne sont pas seulement sources de souffrances, elles contrarient leur conception de l'amour et les poussent au renoncement. À contrario, les réalistes romantiques qui n’imaginent pas l’amour sous l'angle d'un sentiment dynamique, mais d'une compétence perfectible, sont plus à même de surmonter les épreuves qui ne manqueront pas de jalonner l’historique de leur relation.

Si la vie de couple est une expérience que le plus grand nombre souhaite éprouver pour le meilleur, notre perception fantasmée de ce qu'elle devrait être conduit plus facilement à la déception et l'échec qu'à la réussite et l'épanouissement. Finalement le talent amoureux ne suffit pas pour assurer l'efflorescence du couple, pas plus que l'amour de la danse ne saurait à lui seul garantir l'exécution d'un voluptueux tango. Le talent sans travail n'est-il pas qu'une sale manie ? Évidemment moins glamour que la version idéalisée de l'amour, le réalisme romantique est cependant l'approche la plus lucide, la plus sûre pour installer la vie à deux dans la durée et la plénitude, ce qui, nous en conviendrons, est l'objectif recherché.

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