Symbolisme sexuel du lièvre et du lapin
La réputation du lapin et du lièvre les précède et pour cause : on a tous entendu les expressions "être chaud lapin", "courir deux lièvres à la fois". On connaît tous le célèbre logo de Playboy, représentant un lapin au nœud papillon et ses hôtesses aux grandes oreilles blanches. Pourquoi donc le lapin et le lièvre sont-ils, de nos jours, symboles de volupté ?

Symbolisme sexuel du lièvre et du Lapin.
Un article signé Astarthea, Fondatrice.
Lièvres et lapins, bien qu’ils aient l’air de se ressembler, font partie de deux espèces différentes.
Les lièvres appartiennent à la famille Lepus alors que les lapins sont des Leporidae. Cette différence d’espèce s’en ressent dans leur morphologie, mais aussi dans leurs mœurs. Le lapin est territorial et vit dans un terrier creusé sous la terre. Le lièvre lui se repose dans un nid appelé « gîte », dont il change souvent. Le lièvre d’Europe n’a pas de comportement territorial et prend plaisir à parcourir de grandes distances dans les pâturages de nos campagnes. Le lièvre court à des vitesses incroyables. Il atteint trente-sept fois la longueur de son corps en une seconde et peut courir jusqu'à 80km/h.
Le lièvre naît les yeux grands ouverts et couverts de fourrure. Il est capable de prendre soin de lui dans l’heure qui suit sa naissance alors qu’à contrario le lapin est nidicole. Ses petits naissent aveugles, sourds, sans poils et dépendent de leurs progéniteurs.
Les lièvres se reproduisent plutôt en hiver, de janvier à février, ainsi qu’en plein été. La hase (femelle du lièvre) peut avoir jusqu’à cinq portées par an, de trois à six levrauts. Les lapins peuvent se reproduire toute l’année bien qu’un pic ait lieu au printemps et en été. Ils ont une gestation plus courte que celle du lièvre et leurs portées sont de 5 à 6 petits, en moyenne.
Ces animaux, à l’instinct terriblement naturel, ont depuis toujours fasciné l’humain qui n’a eu de cesse de s’en inspirer. Alors que lièvres et lapins peuvent prendre des traits farceurs dans certains mythes et histoires, ils peuvent aussi être capables d’actes héroïques. Par exemple dans les contes Jātaka en Inde, où le Bouddha dans une vie antérieure prend l’apparence du lapin pour se jeter dans le feu et ainsi nourrir un brahmane. Également, il revêt la notion de la figure du Mercure alchimique, esprit insaisissable et informateur du psychisme. Il rassemble les aspects mortels et immortels de l’être. Lapin et lièvre sont dépeints comme guides de l’initié dans le processus menant à l’obtention de l’élixir d’immortalité, dont ils détiennent le secret.
Dans les mythes amérindiens, le lièvre est un héros culturel. Rusé et malin, il est capable de vaincre plus fort que lui. Il peut prendre aussi la forme d’un Démiurge ou d’un ancêtre mythique, à l’instar de Menebuch, le Grand Lapin des Algonquins et des Sioux. Il se fait intermédiaire entre ce monde et le monde spirituel, en contact avec le Grand Manitou, la divinité suprême ouranienne. Tout comme Yahvé en Canaan, il se constitue une représentation archétypale du Père. Lapin/lièvre est donc un Héros-Fils, ce qui le rapproche du Christ.
Pour les Africains comme pour les natifs américains et les Indiens, le lièvre est donc un animal héros et martyr dont la symbolique est à rapprocher encore une fois du sacrifice du Christ.
Néanmoins, la vision symbolique la plus forte du Lièvre et du Lapin se trouve en lien avec la Lune, la croissance et la fécondité.
Apparitions dans les mythes du monde.
Dans la mythologie chinoise, le lièvre est un symbole de vie longue, de renouvellement cyclique et perpétuel de la vie et de la nature.
On dit que la Lune est habitée par un lièvre de Jade - le jade étant un symbole d’immortalité -, un compagnon de la déesse de la lune Chang’e, et qu’il n’a de cesse de préparer un élixir d’immortalité.
Pour les Japonais et les Coréens, il prépare plutôt de la pâte de riz gluante pour préparer le mochi à l’aide d’un pilon, symbole phallique, dans un mortier, qu'on peut assimiler à la matrice féminine. Les Chinois prêtent aussi au lièvre des capacités de clairvoyance, l'animal naissant les yeux ouverts. Il est d’ailleurs le quatrième signe du zodiaque chinois. Au Cambodge, l'accouplement ou la multiplication des lièvres était censé faire tomber les pluies fertilisantes, qui proviennent également de la lune, étant yin, énergie douce et attribuée au féminin.
En Inde, le Kâma-Sûtra reprend la figure du lièvre pour illustrer la classification des types de partenaires suivant la taille de leurs organes sexuels, de leur endurance et de leur tempérament. La femme ayant son yoni (sexe féminin) symbolisé par la hase, la jument ou l’éléphant, le lingam (sexe masculin) sera symbolisé par le lièvre, l’étalon ou le taureau.
Chez les Aztèques, les taches qu’on peut distinguer sur l’astre lunaire par paréidolie provenaient d’un dieu lui ayant jeté un lapin à la face. En poussant le vice, on peut percevoir aisément la signification sexuelle derrière cette symbolique. Les années lapin du calendrier aztèque sont gouvernées par Vénus, frère aîné du Soleil, qui commet l'adultère avec sa belle-sœur Lune.
Pour les Maya-Quiché, ainsi qu'en témoigne le Popol-Vuh, la déesse Lune se trouvant en danger fût secourue et sauvée par un héros Lapin. Le Codex Borgia illustre cette croyance en rapprochant dans un même hiéroglyphe, l'effigie d'un lapin de celle d'une jarre d'eau qui représente l'astre proprement dit. En sauvant la Lune, le Lapin sauve le principe du renouvellement cyclique de la vie, qui gouverne également sur terre la continuité des espèces végétales, animales et humaines.
En Égypte, Osiris est, sous sa forme animale, représenté par un lièvre. Il est tué par son frère jaloux Seth, qui le démembre en quatorze morceaux — 14, la moitié d’un mois lunaire — qui finissent éparpillés dans toute l’Égypte. Isis, sa sœur et épouse, déesse de la lune, retrouve les morceaux épars de son corps. Aidée de sa sœur Nephtys et d’Anubis, ils lavent le corps d'Osiris, accomplissant tous les rites funéraires puis l’enroulent de bandelettes pour reformer le corps. Tout ce rituel se déroula en vingt-sept jours. Le vingt-huitième jour, elle confectionna le phallus qui remplace le pénis perdu. Osiris a retrouvé son intégrité, dieu complet et pouvant à nouveau procréer. Enceinte du dieu-lièvre, elle mettra au monde Horus. On notera encore une fois le rapport au cycle lunaire.
Le lièvre était un animal associé à Dionysos et Aphrodite, notamment pour sa fertilité. Selon une ancienne croyance, on pouvait acquérir sa beauté et sa grâce si l’on mangeait du lièvre sept jours de suite (ce qui a continué à se répandre jusqu’à l’époque moderne en Grande-Bretagne, où il était mal vu de demander à une jeune fille si elle avait mangé du lapin !). De plus, en Grèce antique au VIe siècle avant notre ère, offrir un lapin/lièvre était un gage d'amour et de désir sexuel.
Dans la tradition des Celtes insulaires, le Lièvre/Lapin peut être l’aboutissement d’une métamorphose. Les lièvres étaient autrefois des animaux sacrés de la déesse apportant la chance, la fertilité, la transformation et la guérison. Des figurines de lièvre ont été retrouvées dans de très vieilles tombes. On peut imaginer qu’ils symbolisaient une fois encore le cycle de renaissance de la nature, et donc l’immortalité. En Gaule, la chasse au lièvre était l'une des plus prisées. "La chasse de Cailleach" était permise en Ulster immédiatement après les récoltes, et dans certaines régions d'Angleterre, le jour de Beltane. Les courses de lièvres n'apparurent que plus tard, très probablement avec l'arrivée des Romains. Néanmoins l'image du lièvre poursuivi par le lévrier tient une grande importance dans l'histoire de Taliesin : Gwion s'y transforme en lièvre pour échapper à la déesse Ceridwen, qui à son tour se change en lévrier pour continuer la poursuite. Les Celtes d'Irlande et de Bretagne, sans aller si loin, l'élevaient pour leur plaisir, mais ne consommaient pas sa chair, mentionne César. Des interdits semblables sont attestés chez les Baltes, dans toute l'Asie et jusqu'en Chine.
Le lapin de Pâques, qu'on appelle en anglais "Easter Bunny", était à l'origine un lièvre. Le mot Easter (Pâques) dérive du nom de la déesse teutonique Eostre/Ostara dont l'animal sacré était le lièvre. Sa fête, l’Eostara, avait lieu à la pleine lune de l’équinoxe du printemps. On ignore à vrai dire beaucoup sur la teneur de cette fête, mais on retrouve sa trace dans le nord de l’Europe, dans les pays scandinaves et germaniques principalement. Eostre/Ostara était une déesse forcément liée à la fécondité et à la Nature.
Sous l’influence de la christianisation, ce culte de la déesse de la Nature va être absorbé et les symboles d’Ostara vont se fondre avec l’image de la Vierge. En tant qu’image liée à la Déesse, le lièvre a donc longtemps symbolisé le paganisme dans la chrétienté. Sa capture par un chasseur était autrefois une métaphore du paganisme vaincu. Néanmoins, dans l’iconographie chrétienne, trois lièvres unis par les oreilles dans un cercle finiront par être un symbole de la trinité. Ils peuvent rappeler aussi les trois phases de la lune (montante, pleine, descendante). Un lièvre blanc couché aux pieds de Marie (Notre-Dame) incarne la victoire sur la « tentation de la chair ».

Les lièvres dorment dans des nids qui ressemblent à s'y méprendre à ceux des vanneaux. Lorsque les vanneaux pondent leurs œufs dans ces nids au printemps, on pourrait croire que les lièvres les ont fait apparaître par magie et on les assimile aux dons du Lièvre Sacré. Lors de l'équinoxe de printemps, la déesse et le lièvre apportent aussi la vie nouvelle et la renaissance.
La fête de Pâques, dont la date est fixée par le calendrier lunaire, est une assimilation chrétienne de ces idées celtiques. Pâques marque la résurrection du Christ. L’apparition des lapins et des œufs en chocolat ou décorés vient d’Allemagne avec l'Osterhase, le lièvre mâle qui pond des œufs et influence toujours de nos jours cette période de l’année. Le lièvre réapparaît à l'équinoxe d'automne, époque où les récoltes signalent que le printemps a tenu ses promesses. On appelait les derniers pieds de maïs récoltés "le lièvre" et on les coupait rituellement, disant qu'on "tuait ou coupait le lièvre". Si un lièvre s'en échappait au moment de la cérémonie, c'était un très bon présage.
Lièvre et lapin, un folklore érotique.
Le « Lapin » était l’un des surnoms du diable en Grande-Bretagne. Il appelait parfois les sorcières au sabbat sous cette forme. Le lapin est dès le Moyen-Âge associé à la lubricité à cause de sa sexualité explosive, presque vulgaire.
On racontait au Moyen-Âge que les sorcières se transformaient en lièvre pendant la nuit pour aller traire, ou pour voyager sur de grandes distances. Les "parlements de lièvres", dans lesquels ces animaux s'assoient en rond, rappelaient sans doute à leurs observateurs les cercles de sorcières, chaque lièvre y tenant la place d'une sorcière métamorphosée. Au Moyen-Âge toujours, le lapin ne se nommait pas encore ainsi, mais portait le nom de « connin ». Le nom « con », donné au sexe féminin date de cette époque. On estime que le terme « lapin » s’est substitué au connil entre le XVe et le XVIe siècle. L’utilisation du mot connil étant devenu inutilisable du fait de sa connotation hautement sexuelle. Le connil est, quant à lui, issu du « cuniculus » latin signifiant « lapin », « terrier », voire « cavité ». À noter que le « cuniculus » n’a donc pas été conçu de l’agglutination du con (« cunnus ») et du cul (« culus »).
Ils n’ont également aucun rapport avec le cunnilingus, bien qu’étrangement les mots soient incroyablement proches. Il n’y a pas de mauvais hasard…
Ainsi, la dimension archétypale du lapin et du lièvre dévoilera son plein potentiel en lumière de son histoire autour des mythes du monde, mais aussi grâce au travail de l’animal magique selon C.G. Jung. La relation de l'homme archaïque à l'animal suit donc un double parcours. Celui de la participation mystique où l'homme reste dans une identité inconsciente avec sa nature instinctive. Puis l'affrontement de l'animal qui permet à l'Homme de se dégager de sa fusion avec la mère-nature et d'accéder à son humanité par ce sacrifice qui l'ouvre au divin.
SOURCES :
- Jean Chevalier & Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Robert Laffont
- Ami Ronnberg et Kathleen Martin, Le livre des symboles, Taschen
- Sabine Heinz, Les Symboles des Celtes, Guy Trédaniel Editeur
- Christiane Fonseca, L'animal, ombre des dieux et frère de l'homme dans Cahiers jungiens de psychanalyse n° 126, pages 7 à 20
- Nadia Julien, Dictionnaire des symboles, Marabout (Belgique), 1989.
- Jean-Claude Belfiore, Croyances et symboles de l’Antiquité, Larousse
- Jean-Paul Ronecker, Le symbolisme animal
- Alain Rey, Le Dictionnaire Historique de la langue française, Le Robert
- Gilles Gras, Le symbolisme lunaire du lapin et du lièvre à partir du blog booksofdante.wordpress.com
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