Témoignage : quand l'historique des pratiques onanistes interdit le développement d'une sexualité mature
Diplômé de l'Institut de Sexologie du docteur Jacques Waynberg, Eric Royer répond aux questions des abonnés.es.

Du conditionnement masturbatoire
Coralie, 24 ans, étudiante en biologie
Je suis une jeune fille de 24 ans et j’ai de gros problèmes avec ma sexualité. En résumé je n’aime pas ça, que ce soit la pénétration ou les préliminaires, caresses et cunnilingus compris. Il n’y a que quand je suis seule que j’arrive à prendre du plaisir et seulement en serrant mes cuisses l’une contre l’autre. Une chose que je fais depuis l’enfance. Je me demande si cela a un rapport et si je suis capable de m’adapter à d’autres méthodes. Auriez-vous des conseils à me donner ?
Ce que j’en pense
Votre témoignage est absolument remarquable dans la mesure où il montre l’importance d’aborder les problèmes sexuels de façon holistique. L’historique de la sexualité, dans lequel s’enracinent les réussites comme les échecs érotiques, ne débute pas à l’adolescence, mais bien dans l’enfance avec les premières découvertes purement fortuites puis les explorations sensorielles conscientisées. Ainsi les pratiques masturbatoires portent l’empreinte indélébile des gestuelles inaugurales du plaisir génital et se concrétisent in fine par un subtil et unique modus operandi. C'est pourquoi il y a autant de méthodes que de pratiquants et pratiquantes et qu’il n’y a pas de modèle référence, idéal, en la matière. Notons à ce sujet l’ineptie des représentations pornographiques dans lesquelles la masturbation est systématiquement scénarisée à l’identique.
D’une manière générale la capacitation précoce du clitoris, que l'on doit comprendre comme l'activation de son potentiel émotionnel et sensoriel, se révèle bénéfique au développement d’une sexualité réjouissante à l’âge adulte. Cependant cette même capacitation acquise par la masturbation pratiquée exclusivement cuisses fermées est à contrario contreproductive. La raison en est assez simple. L’ouverture des cuisses étant le préalable à toute activité sexuelle partagée, l’acquisition du réflexe orgastique sur un mode « cuisses serrées » n’est pas raccord avec les exigences du rapport coïtal et ce que vous nommez les préliminaires. Il est par conséquent logique que votre capacité à percevoir des émotions érogènes soit paralysée dès lors qu'il vous est demandé de vous "desserrer".
Si vous souhaitez avoir une vie sexuelle de couple il s'agit maintenant de procéder à un reconditionnement du plaisir et de l’orgasme. Pour ce faire il n’y a d’autres solutions que de changer vos habitudes et d'expérimenter la masturbation en débloquant vos cuisses, autrement dit en les ouvrant symboliquement à l’autre. Je vous interpelle sur le fait qu’il vous faudra être patiente et veiller à stopper les exercices sitôt que pointe le déplaisir. L’idée étant bien sûr de remplacer la pénibilité par la joie et la volupté. N’hésitez pas à convoquer des idées érogènes et autres fantasmes afin de vous connecter pleinement avec la dimension adulte, mature, de la sexualité.
Les réflexions proposées s’établissent sur les faits que vous rapportez. Pour poser un diagnostic il est indispensable d'avoir la vision la plus holistique possible de votre situation et la consultation est la seule option envisageable.
* Crédit image : Emil Ganso, Nu inclinable. 1935.
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