Témoignage : sexualité et cannabis
Diplômé de l'Institut de Sexologie du docteur Jacques Waynberg, Eric Royer répond aux questions des abonnés.es.

Le cannabis oui mais non
Caroline, 57 ans, commerciale
J’ai 57 ans et il m’est impossible d’atteindre l’orgasme si je n’ai pas fumé du cannabis avant. Mon partenaire n’apprécie pas du tout et il ne veut pas faire l’amour dans ces conditions. Donc je n’ai des orgasmes que lorsque je me masturbe, parce que je peux fumer, mais c’est triste et frustrant de ne pas pouvoir partager. J’ai entendu dire qu’il existait des crèmes au THC qui augmente la sensibilité et évite d’avoir à consommer. J’ai aussi entendu dire que de nombreuses femmes ont plus de plaisir quand elles ont fumé. J’aimerais savoir ce qu’il en est.
Ce que j'en pense
Tout d’abord, il est vrai que pour certaines personnes, hommes comme femmes, la consommation de cannabis permet une perception plus érogène des comportements sexuels, une plus grande réceptivité sensitive et une plus intense émotivité. Les vertus aphrodisiaques de la plante sont connues depuis plus d’un millénaire, l’érotisme tantrique y fait référence dans le cadre de ses rituels. Remarquez toutefois qu’il est question d’une consommation ritualisée, autrement dit placée sous l’égide d’une perspective spirituelle.
Techniquement parlant, le cannabis, fumé ou ingéré, produit un effet psychotrope. Pour mémoire, un psychotrope est une substance chimique qui agit en priorité sur le système nerveux central par modification de processus biochimiques et physiologiques spécifiques, le tout induisant des altérations, plus ou moins positives, de la perception, des sensations, de la conscience, de l’humeur et des comportements. Contrairement à ce qui est couramment entendu, les effets du cannabis ne sont pas relatifs au seul THC, la plante est composée d’un ensemble de molécules qui interagissent de façon extrêmement complexe. De fait un crème au THC ne produira pas les mêmes résultats, d’abord parce qu’elle n’est composée que de cette molécule, ensuite parce que l’application sur la peau n’entraine aucune réaction psychotrope. Il n’est d’ailleurs nullement prouvé que ces crèmes n’aient d’autres effets que placebo. Cela dit, rien ne vous interdit d’essayer.
Concernant votre partenaire, il est tout à fait compréhensible qu’il n’apprécie pas de vous savoir high. Peut-être cela vous modifie-t-il dans une mesure qui induit un tel changement de votre personnalité qu’il ne vous "reconnait" plus. Peut-être aussi s’inquiète-t-il pour votre santé, à juste titre, notamment si vous consommez quotidiennement. Quoiqu’il en soit de ses raisons, il est important de les respecter.
Vous concernant je comprends que vous puissiez être frustrée de ne pouvoir partager. Toutefois, si la problématique est uniquement celle de l’orgasme, il est toujours possible de faire sans. La qualité émotionnelle de la relation intime ne saurait se juger à la seule expérience orgasmique. Si le défaut d’orgasme est frustrant, c’est surtout parce que l’époque contemporaine réduit la relation intime à sa partie la plus spectaculaire, une ineptie que je dénonce autant que faire se peut, rappelant au passage que l’orgasme n’est pas systématiquement ce feu d’artifice décrit dans les magazines. Notez par ailleurs qu’il est toujours possible d’envisager un reconditionnement comportemental. À dessein, il vous sera utile d’entamer une thérapie avec un ou une addictologue. Enfin, rappelez-vous qu’une relation de couple se pérennise sur la base d’un contrat, ce qui peut nécessiter quelques concessions…
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