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L'érection, l'orgasme, la vie érotique après une prostatectomie

L'érection, l'orgasme, la vie érotique après une prostatectomie

L'érection, l'orgasme, la vie érotique après une prostatectomie

Cancer de la prostate : l'espoir plutôt que la désespérance.

En France quelques 70.000 nouveaux cas de cancer de la prostate sont diagnostiqués tous les ans. On estime globalement qu’au cours de sa vie un homme sur huit sera confronté à ce cancer. Si cette pathologie a maintenant un taux de curabilité important ou, comme le disent les médecins, qu’elle est « de bon pronostic », elle est aussi redoutée pour ses effets collatéraux sur la qualité de l’érection. La possible perte de virilité est une réalité avec laquelle les hommes ne sont pas vraiment à l’aise et peu préparés. Bien sûr, elle n’affectera pas de la même manière un cinquantenaire et un septuagénaire, mais restera quoiqu’il en soit un moment difficile à vivre et dépasser. Heureusement, les progrès dans le dépistage, les chimiothérapies et la chirurgie ont permis de réduire les conséquences fâcheuses du traitement de la pathologie. Cependant reste le cas épineux de la prostatectomie radicale et de ses suites opératoires.

La prostatectomie radicale.

Lorsque les biopsies de la prostate ont mis en évidence une ou des tumeurs malignes, la prostatectomie radicale fait partie des traitements de référence pour les hommes de moins de 70 ans. Cette intervention chirurgicale délicate consiste à retirer l’ensemble de la glande prostatique, l’urètre qui la traverse ainsi que les deux vésicules séminales (glandes reliées à la prostate impliquées dans la formation du sperme). Quel que soit le stade d'évolution du cancer, les chirurgiens tenteront de préserver au maximum la fonction érectile, sans toutefois pouvoir garantir un résultat optimal. Tous les hommes concernés par cette intervention seront légitimement anxieux de l’apparition de dysfonction érectile, car l’écrasante majorité y sera confrontée sur une période allant de quelques mois à plus d’une année. 


Au cours de l’opération, le défi pour le chirurgien consiste à ne pas endommager les bandelettes neurovasculaires, structures anatomiques par lesquelles passent les vaisseaux prostatiques et les nerfs érecteurs (un réseau de fibres microscopiques) situées sur les faces latérales de la prostate et collées à la capsule prostatique. Si la finesse du geste chirurgical est déterminante dans la sauvegarde des liaisons nerveuses, le fait que le cancer soit localisé, c’est-à-dire circonscrit à l’intérieur de la capsule, facilitera la tâche du chirurgien. Quand la ou les tumeurs cancéreuses l’ont franchi et s’étendent hors de la prostate, il procédera à une prostatectomie élargie et de fait, sacrifiera les bandelettes neurovasculaires. Ce n’est que dans ce cas que la verge perdra de façon quasi certaine toute capacité d’érection. 


Ablation de la prostate et suture entre la vessie et l'urètre

De la qualité de l'érection.

La préservation des bandelettes droites et/ou gauches est donc essentielle pour que les suites post-opératoires ne soient pas synonymes d’impuissance totale. Pour un homme qui ne manifestait aucune dysfonction érectile avant l’opération, les chances de retrouver une bonne érection sont de l’ordre de 68 à 95% quand les deux bandelettes ont été sauvegardées, de 30 à 47% si une seule a été préservée et moins de 5% lorsqu’aucune n’a pu l’être. Même dans l’hypothèse où le chirurgien aurait réussi à ne pas les endommager, l’intervention affectera momentanément la capacité à produire des érections, qu’elles soient spontanées (nocturnes et matinales) ou provoquées par stimulation. Le phénomène est naturel et directement lié aux traumatismes que les bandelettes subissent au cours de l’intervention. Cette absence d’érection dans le temps post-opératoire n’est pas inquiétante en soi, mais doit être la plus courte possible. En effet les corps caverneux, tissus érectiles de la verge, ont besoin d’être sollicités et oxygénés régulièrement pour garder l’intégralité de leur potentiel d’engorgement sanguin. À défaut, l’individu pourrait développer une fibrose qui contrarierait les futures érections quand bien même les bandelettes neurovasculaires auraient retrouvé toute leur vitalité. L’expérience a montré que plus le délai de reprise des érections était bref et plus la probabilité de récupérer une rigidité pénienne totale était importante, c’est pourquoi certains traitements à base de sildénafil ou tadalafil qui accroissent le flux sanguin vers le pénis sont préconisés pour accélérer sa rééducation. 


Lorsque la rigidité pénienne est malgré tout insuffisante pour assurer la pénétration, le rapport à la virilité et la centralité du coït se trouve bouleversé. Pour nombre d’hommes, la perte de l’érection se vit comme une humiliation et la tentation de renoncer à toute activité sexuelle, pour éviter de se voir renvoyé une image corporelle dévalorisée, ne fera pas que leur effleurer l’esprit. Cette réelle souffrance liée au deuil de la masculinité sexuelle n’est cependant pas une fatalité si l’on accepte l’évidence d’une nouvelle conception des rapports intimes. L’opéré pourra alors accueillir avec bienveillance l’homme nouveau qu’il sera devenu, laissant s’exprimer des talents que sa toute puissante érection avait mis sous l’étouffoir. La perte de l’érection ne sonne-t-elle pas finalement l’avènement d’une nouvelle sexualité du plaisir ?

L'orgasme en question.

Si la question de l’érection centralise l’attention, qu’en est-il de l’orgasme après une prostatectomie totale ? L’erreur courante est de croire que l’érection complète est nécessaire pour obtenir un orgasme. 

L’orgasme masculin se décompose en trois parties. Tout d’abord des sécrétions en provenance des testicules, de la prostate, et les vésicules séminales affluent dans l’urètre, créant un sentiment de plénitude associé à une sensation d’inéluctable. Puis survient l’éjaculation, accompagnée par les contractions des muscles du plancher pelvien. Enfin, quelques dixièmes de secondes plus tard, l’expérience émotionnelle de l’orgasme résultant du traitement par le cerveau des informations en provenance du pénis. 

Suite à une prostatectomie, les deux premières composantes de l’orgasme n’ont plus lieu d’être, ainsi perd-il une part de ce qui le constituait avant l’opération. Mais l’expérience psychique de l’orgasme peut perdurer sans que son intensité ne soit forcément altérée. De nombreux témoignages font d’ailleurs mention d’orgasmes d’une puissance émotionnelle jusque-là inconnue. Pour autant, il serait exagéré de prétendre que les opérés recouvreront de façon immédiate la complétude orgastique. La disparition des sensations pré-orgastiques et le défaut d’éjaculation représentent des changements importants. Un processus de réapprentissage du plaisir basé, entre autres, sur la fonction de l’oubli dans une perspective d’effacement de la trace des anciennes sensations, s’impose donc aux hommes qui souhaitent renouer avec les émotions orgasmiques. Pour faciliter le retour de l’orgasme, le recours à des traitements d’ajustements hormonaux, à base d’ocytocine par exemple, peuvent être prescrits par les urologues. Toutefois les facteurs psychologiques ne doivent pas être minorés au profit d’une approche purement organiciste du rétablissement de l’orgasme. L’envie d’aller de l’avant, de ne pas succomber aux regrets mélancoliques d’une existence passée, la complicité des partenaires, la qualité de leur communication, leur potentiel érotique, seront tout aussi déterminants que le recours à la pharmacopée. 

Enfin, comme le souligne souvent le docteur Jacques Waynberg, l'orgasme de l'opéré, qui du fait de la disparition de la prostate devient un orgasme sec, s'apparente à un orgasme féminin. La période réfractaire se trouve ainsi réduite et les perspectives de multiorgasmie sont réelles.

En conclusion.

La prostatectomie ne signifie donc pas l’arrêt de la vie érotique. Bien sûr, chaque cas sera différent et il serait inapproprié de dresser des généralités. La seule conséquence négative certaine concerne l’orgasme prostatique qui pour le coup sera définitivement perdu. Pour le reste, l’espoir de revivre de belles et fortes émotions doit prévaloir sur la désespérance. 

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