Le point G, une zone plus qu'un point

Le point de Gräfenberg entre doutes et certitudes.
Dans la famille énigmes et mystères de la sexualité féminine, le point G occupe une place de choix, voire prépondérante, ce qui n'est pas usurpé, la "zone" étant aussi complexe que les sujets qui lui sont directement connectés : l’éjaculation et la prostate.
L’existence du point G a été révélée au grand public au début des années 80, suite à la parution du livre : The G Spot and Other Recent Discoveries About Human Sexuality, des scientifiques et sexologues américains, Alice Kahn Ladas, John Perry et Beverly Whipple. Provoquant un emballement médiatique substantiel, ledit point passa en quelques mois du statut de parfait inconnu à celui de star incontestable de l’ésotérisme sexuel féminin. Magazines people, presse spécialisée, tout un chacun voulut disserter sur ce que la majorité des gens croyait être la découverte du siècle susceptible de révolutionner la jouissance des femmes.
Mais, comme nous l’avions souligné dans l’article dédié à l’éjaculation féminine, dès le 17ème siècle le médecin et anatomiste allemand Regnier de Graaf, avait fait mention d’une zone intra-vaginale aux propriétés voluptueuses. Toutefois, c’est Ernst Gräfenberg, médecin, obstétricien et gynécologue allemand qui, dans un article de 1950 paru dans International Journal of Sexology, précisera la nature de cette zone érogène, constituée de tissus érectiles entourant l'urètre et accessible via la face antérieure du conduit vaginal : " Analogue à l'urètre masculin, l'urètre féminin semble également entouré de tissus érectiles [...] Au cours de la stimulation sexuelle, l'urètre se met à grossir et devient facilement perceptible au toucher [...] La partie excitable est située sur l'urètre postérieur, à la sortie du col de la vessie." En outre, il indiquera que l'on pouvait, pendant la phase d’excitation, sentir l’urètre se dilater jusqu’à enfler considérablement au moment de l’orgasme et observer que dans nombre de cas ce dernier s'accompagnait de l'émission, par le méat urinaire, de grandes quantités d'un fluide claire et transparent.
Ernst Gräfenberg.
Notons que la dénomination « point G » n’est pas le fait de Gräfenberg. Elle n’apparaitra qu’en 1981 dans une publication collective de F. Addiego et al. qui, selon toute vraisemblance, ont souhaité par ce biais rendre hommage à ses travaux. Gräfenberg avait nommé "éponge urétrale" les tissus entourant l'urètre, une terminologie que plusieurs sexologues contemporains continuent d’utiliser pour nommer ces tissus qui accueillent notamment les glandes de Skene. Notons aussi que, techniquement parlant, la notion de point est incorrecte et qu’il serait plus juste de parler de zone G plutôt que de point G.
Dans leur livre, Ladas, Perry et Whipple donnaient quelques indications sur l'anatomie du point G : « Au doigt, il ressemble à un petit haricot qui une fois stimulé peut devenir aussi gros qu’une pièce de 10 cents, voire d’un demi-dollar. » Bien qu’il fut précisé dans l’ouvrage que le point en question était avant tout une zone de la paroi antérieure du vagin par laquelle on pouvait atteindre et masser l’éponge urétrale, la presse populaire répandit surtout la notion de point vaginal magique. Cette mauvaise interprétation quant à la nature de la zone a induit en erreur et certainement désespéré nombre d’amoureux en quête de nouvelles sensations. Sans doute la définition la plus limpide a-t-elle été proposée par Robert Crooks, docteur en psychologie, et Karla Baur, sexologue dans Our sexuality : « Le point de Gräfenberg est une zone, accessible via la partie antérieure de la paroi vaginale, logée à environ un centimètre de sa surface et située entre le premier tiers et le milieu du vagin. Elle est présumée être un réseau de glandes et de canaux enveloppant l’urètre, une contrepartie de la prostate masculine qui s’est développée à partir du même tissu embryonnaire. »

Les glandes de Skene ou glandes para-urétrales entourant l'urètre.
Selon plusieurs témoignages et études, la stimulation du point G induirait des orgasmes très différents de ceux obtenus par une masturbation du clitoris, et comme Gräfenberg l’avait observé, potentiellement assortis d’une expulsion urétrale de fluide. En 1988, dans le cadre d’une recherche sur les causes de la stérilité, basée, entre autres, sur une sollicitation de la zone de Gräfenberg, il fût constaté qu’un tiers des femmes sollicitées produisaient un orgasme éjaculatoire. La question du prérequis de ce type de stimulation sexuelle dans le déclenchement du phénomène d'éjaculation fût alors clairement posée. Catalyseur pour les uns, simple facilitateur pour les autres, les réponses divergèrent.
Peu de temps après la parution du livre de Perry, Whipple et Ladas, quelques chercheurs balayèrent d’un revers de main leurs théories arguant que de nombreuses femmes ne ressentaient absolument aucun effet d’un massage du point G. Il en fût ainsi pour Master et Johnson assurant que Perry et consorts avaient surestimé les cas et que selon leurs recherches seulement 10% des femmes possédaient une zone érogène de type point G.
Alors existe ou pas, le fabuleux point de jouissance ?
Aujourd’hui plus personne ne doute sérieusement de la réalité d’une aire intra-vaginale appartenant au complexe clitorido-urétro-vaginal, par laquelle il est possible de stimuler une zone aux sensations particulièrement voluptueuses. Si l’hypothèse de la sensibilité de l’éponge urétrale, à la pression et au massage, est acceptable du fait de son association avec les glandes de Skene (dont la nature prostatique permet de penser qu’elles réagissent au toucher comme la prostate masculine), une autre conjecture formulée par la gynécologue et obstétricienne Odile Buisson requiert l’attention.
Très impliquée dans la recherche sur les procédés de reconstruction des clitoris excisés, Odile Buisson a réalisé en collaboration avec le docteur Pierre Foldès, les premières échographies du clitoris et du coït. Ces travaux échographiques novateurs ont ouvert une nouvelle perspective de compréhension de la zone de Gräfenberg en montrant l’existence d’une aire de contact entre cette dernière et la partie médiane du clitoris interne. Il a pu être remarqué que lors d’un coït ou d’une masturbation vaginale, les contractions réflexes du périnée poussaient les corps caverneux clitoridiens contre la paroi antérieure du vagin à l’endroit même de la zone de Gräfenberg et ce d'autant plus puissamment que les contractions étaient intenses. En conséquence, on a supposé que dans certaines conditions de pénétration et de contraction du périnée, il était possible de stimuler, par la verge ou les doigts, les terminaisons neurosensorielles du clitoris interne.
La découverte de cette connexion vagino-clitoridienne, spécialement évidente lors des contractions périnéales, résonne avec les enseignements masturbatoires de Betty Dodson, centrés sur la maîtrise des muscles périnéaux ainsi que les témoignages des femmes accoutumées aux orgasmes internes et foncièrement douées pour solliciter leur périnée lors des rapports sexuels.
Sexuellement nous sommes tous idiosyncratiques.
Nous réagissons de manière personnelle et différenciée aux sollicitations sensorielles. Le massage prostatique enchante une partie de la population masculine quand elle en indiffère ou rebute l’autre. Certaines femmes apprécient le cunnilingus, d’autres non. Il en est ainsi de la zone de Gräfenberg, source d’époustouflants orgasmes, d’excitation périphérique, d’indifférence ou de sensations inconfortables, toutes les femmes ne réagissent pas de façon identique à sa stimulation.
Mais, pour apprécier l’effet d’un massage de la zone G, encore faut-il l’avoir située. En mode manuel, elle est facilement localisable lorsque la femme est allongée sur le dos, genoux repliés sur la poitrine ou en position accroupie, avec l’aide d’un sex-toy spécialement étudié et quand l’excitation atteint un niveau relativement élevé. En mode coïtal, la levrette, ou doggy style pour les anglophiles, la position d’Andromaque, l’union du lotus, le lotus renversé ou encore le cheval renversé semblent être les positions les plus propices pour la solliciter.
La stimulation de la zone de Gräfenberg peut provoquer une envie d’uriner impérieuse, mais généralement momentanée. Si tel n’était pas le cas, un passage aux toilettes avant que ne commence les activités sexuelles pourrait être bénéfique.
Ce qu'il faut retenir.
La zone G est accessible via une aire située sur la partie antérieure du vagin (entre trois et huit centimètres de son ouverture) qui se distingue de la muqueuse vaginale ordinaire par un aspect granuleux, rugueux ou strié. Constituée de tissus érectiles (aussi nommés éponge urétrale) entourant l'urètre, la zone G est particulièrement sensible dans sa partie postérieure, près du col de la vessie. Le plaisir ressenti semble provenir d’une stimulation de l'éponge urétrale dans sa globalité et/ou des glandes de Skene en particulier et/ou du clitoris interne. Les orgasmes obtenus peuvent s’accompagner d’une éjaculation ordinaire ou de type fontaine.
Enfin, toutes les femmes n’ayant pas la même constitution anatomique et une zone G avec un potentiel de volupté, il ne sert à rien de s’obstiner en l'absence de réponse aux stimuli. La zone G elle n'est pas pour toutes les femmes le saint Graal de la jouissance.
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