Sexualité féminine, terra incognita
Tant que les paradigmes sociaux misogynes encadrant encore la vie des femmes ne seront pas tombés en totale disgrâce, que leur sexualité sera vue par le prisme pénien il n'y aura point de place pour la découverte du féminin.

Désir, monogamie et tutti quanti.
Que savons-nous vraiment de la sexualité féminine ? À dire vrai, pas grand-chose. Par exemple, à la question : "Les femmes ont-elles une libido moins dévorante et un goût plus prononcé pour la monogamie que les hommes ?", nous serions nombreux.ses à répondre par l’affirmative et tout aussi nombreux.ses à nous tromper.
Les recherches en matière de sexualité ont essentiellement concerné sa partie masculine. Le pénis a fait l'objet d'innombrables études ce qui n'est pas le cas du clitoris. Les sexologues référents étant très majoritairement des hommes, Magnus Hirschfeld, Alfred Kinsey, Sigmund Freud, William Master, etc., l'analyse de la sexualité féminine a été corrompue par une perception androcentrée du sexuel. Pourrait-on en douter ? Ainsi, parce que l’orgasme est un invariant de la sexualité masculine, ont-ils eu tendance à appréhender la complexité de l'orgasme coïtal féminin sous l'angle du malfonctionnement sexuel. Les études sur sexualité féminine ont souffert d'une contreproductive analogie avec leurs pendants masculins, c'est ainsi.
Si pour la grande majorité des hommes de moins de 40 ans, le désir peut surgir ex nihilo et ce plusieurs fois par jour, il en va autrement pour les femmes. En rapport avec un cocktail hormonal qui se modifie au cours du cycle menstruel, leur désir est plus souvent motivé par un contexte, une situation, une pensée ou une sollicitation qu'une injonction hormonale. Cette particularité a étrangement conduit à conjecturer que leur libido était moins active. Pour faire bonne mesure, l'hypothèse a légitimé l'appétence de la gent masculine pour l'infidélité et pointé que la monogamie n'était pas en phase avec sa structuration psychosexuelle. Qu'on se rassure, elle ne l'est pas plus avec celle des femmes et, dans une relation de couple qui s'enlise dans la monotonie et le plan-plan cul-cul, elles sont les premières à manifester une perte d'appétit pour les choses du sexe. Pourtant, conditionnées à la monogamie innée, la plupart d'entre elles se résignent à penser qu’elles n’ont plus envie quand elles n’ont simplement plus de désir pour leur partenaire. En catimini, on se réjouira quand même du nombre croissant d'adultérines, le prenant pour preuve que les bonnes questions commencent à infuser les esprits. Les récentes recherches en neurochimie ont très clairement mis en évidence que la nouveauté, la surprise, l'inattendu étaient des essentiels de la naissance et de l’expansion du désir féminin. Même si ces facteurs contribuent à l'éveil du désir masculin, la majorité des hommes peuvent composer avec une sexualité routinière. Ce n'est pas le cas des femmes qui, soyons honnêtes, se lassent rapidement de la redondance.
L'origine de l'univers. Rita Lenoir.
Quand la socialisation patriarcale a tout mis œuvre pour inhiber l'expression de la sexualité féminine, formaté les femmes à l'autocensure et au réflexe de culpabilisation, peut-on leur reprocher de ne pas parler franchement de leurs fantasmes ? Il serait pourtant bon qu'elles le fassent, principalement pour elles, cela leur permettrait de mieux se comprendre et— pour celles qui le souhaitent— de vivre sereinement leur condition fantasmatique. Pour Shere Hite, sexologue et essayiste allemande, "notre définition de l’amour physique appartient à un mode passé. Le scénario sexuel présenté aux femmes comme aux hommes, ce que nous devons ressentir, ce que nous sommes censés désirer, est trop normatif." Clairement. Comme précédemment dit, l'omniprésence des hommes dans l'exploration savante des facettes de la sexualité a conduit à des biais cognitifs. Leurs réflexions entachées de subjectivité ont produit des interprétations regrettables de la sexualité en général, de celle des femmes en particulier. Si vous rajoutez à ça une couche de socialisation patriarcale, vous obtenez un mélange de préconçus, d'idées reçues et d'incompréhensions qui rendent la sexualité aussi hasardeuse qu'un jeu de gratte-gratte. Les baisses de désir, les infidélités ne sont que les révélatrices d'un exercice généralement laborieux de la sexualité de couple. Pas tant par la faute des partenaires que par l'enracinement du scénario sexuel dans des croyances contreproductives. C'est triste, parce qu'il y aurait beaucoup mieux à faire si les femmes pouvaient librement exprimer leur sex-power.
Ainsi faut-il rebattre les cartes. Les femmes ont une libido tout aussi intense que celles des hommes et sans doute une fantasmatique plus luxuriante. Comme leurs partenaires, elles font avec un système monogame qui leur convient ni plus ni moins. Alors, faut-il revoir le modèle de la vie à deux à l'aulne d'une nouvelle perception de la sexualité, de l'amour, qui ferait du polyamour la base de l'organisation conjugale ? Sur le papier, l'idée est séduisante. Pragmatiquement on peut douter, en dehors d'une révolution dans la perception de la sexualité féminine, que puisse éclore un système d'union qui chamboule tout. On parierait même que les problèmes, au lieu de se dissoudre dans la multitude, ont tendance à s'y multiplier. En réalité tant que les paradigmes sociaux misogynes qui canalisent toujours la vie des femmes ne seront pas tombés en totale disgrâce, que leur sexualité sera vue par le prisme pénien il n'y aura point de place pour la découverte du féminin.
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