Amour, empathie et sex-robots

"Objets inanimés avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ?" (Lamartine)
À en croire le nombre d’articles traitant du thème des sex-robots, il est certain que le sujet passionne et déconcerte. Aujourd’hui nous aimerions débattre autour de la triade amour, empathie et sex-robots.
Une des nombreuses questions qui semblent agiter la communauté des blogueurs est : "Un humain peut-il tomber amoureux d’un robot ?" ou dit sous une autre forme : "Si un robot est capable de s’occuper de nous, de nous parler, de nous serrer dans ses bras, être sexuellement ouvert et disponible, comment ne pourrions-nous pas tomber amoureux de lui ?" Quelle que soit la façon de formuler la question, elle interpelle par son étrangeté.
Oui, bien sûr et de tout temps, l’homme s’est montré capable de tomber amoureux d’objets inanimés, d’objets dépourvus d’âme.
Mais si les objets n’ont pas d’âme, les hommes ont cette surprenante faculté à leur en prêter une. Dès lors que l’objet est porteur d’une âme, il prend une dimension humaine et devient ipso facto objet d’amour et de haine. C’est pour cette raison que certains tombent amoureux de leur voiture, de leur moto, leur donnent un petit nom, ils ont conféré à l’objet un statut humanisé. Nous ne pouvons donc pas douter du fait que certains d’entre nous tomberont amoureux de leur robot.
Si nous pouvons nous éprendre d’un objet, un objet ne saurait s'éprendre de nous, la relation amoureuse est donc à sens unique. Le robot, même doué d’intelligence artificielle, ne pourra que feindre l’état amoureux. Au mieux, il sera un fabuleux fake-lover. L’amour n'est pas programmable, il est de nature divine et nous ne sommes que des hommes.
Une autre question taraude les blogueurs : "Les sex-robots vont-ils nous déshumaniser, nous faire perdre toute capacité d’empathie ?"
La question est beaucoup plus pertinente que la précédente et exige une réflexion sereine et non partisane. Pour être constructifs, nous éviterons l’écueil de la globalisation, parce qu’il est évident que de nombreux cas de figures se présenteront. Nous ne serons pas tous attirés par le techno-érotisme. Il est par ailleurs certain que les individus composant l'ensemble des utilisateurs auront des profils bien différents. Il y aura ceux qui adopteront les sex-robots à des fins palliatives. Ayant des difficultés relationnelles, ils trouveront par ce biais le moyen d’assouvir leurs besoins primaires. D'autres se prêteront à l’expérience pour le fun, sans pour autant être ou devenir des aficionados, des consommateurs réguliers. Enfin, ceux qui constitueront le bloc des accrocs au techno-érotisme préféreront, pour de multiples raisons, avoir des relations sexuelles avec des sex-robots plutôt qu'avec des êtres humains. La question de l'empathie, de son érosion, concernera surtout et avant tout cette dernière famille d’utilisateurs.
Les sex-robots sont des objets, des "choses". Même dotés d’une quasi apparence humaine et d’intelligence artificielle, ils resteront des objets sans âme. Le sex-robot, comme tout objet, est par nature soumis, on l’utilise comme bon nous semble, il n’a pas son mot à dire, il est parfaitement docile et constamment prêt à l’emploi. Il ne peut être violé puisqu’il n’a pas de volonté ni de désirs propres, il est foncièrement consentant. Mais ce consentement accordé d’office ne peut-il pas engendrer une modification des schémas relationnels chez le pratiquant assidu ? N’ayant plus besoin de requérir le consentement du partenaire, puisqu’il est acquis de fait, l’utilisateur n’aura plus à se poser de questions quant au bien fondé de ses préférences sexuelles. Quelles que soient les pratiques imposées, le sex-robot appréciera, il est programmé pour cela, pour jouir de tous les caprices et fantaisies de son propriétaire. L’empathie est cette faculté intuitive de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent, en bien ou en mal. Si l’autre ne réagit que positivement à nos exigences sexuelles, la question de son déplaisir ne se pose plus et par voie de conséquence, celle d’une souffrance associée non plus. Il est donc possible que la force d’empathie s’émousse chez les individus qui n’auraient de relations sexuelles qu’avec des robots, mais cela reste encore à prouver.
En conclusion, ne mettons pas la charrue avant les bœufs. Chaque innovation amène son lot de peurs et d’angoisses, certaines sont justifiées, d’autres non. De notre point de vue, les sex-robots ne présentent aucun danger ni avantage, ils sont et resteront des masturbateurs élaborés, ni plus ni moins. Les seules choses qui nous interpellent sont d’une part, l’argumentation développée ci et là pour justifier la production de ces love-machines et d’autre part, la détresse relationnelle dans laquelle l’homme contemporain semble s’enfoncer inexorablement.
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