La rhétorique transactiviste à l'épreuve de la raison
La lutte transactiviste est aujourd’hui minée par sa frange transféminine qui impose une idéologie mortifère visant la négation de la femme en tant qu’être biologique, émotionnel, spécifique. Il est question d’effacer la femme, littéralement… le mot même est maintenant tabou.

L'incarnation du corps de l'autre, un rêve inaccessible
C’était un sujet tabou, il est aujourd’hui médiatique. Il était cas particulier, il interroge maintenant, sur un plan globalisé, la validation de ce que nous sommes en tant qu’être humain : femme, homme, l’un et l’autre, ni l’un ni l’autre... Notre vision de l’humanité se métamorphose avec en filigrane la question du genre et l’hypothèse d’une mécompréhension historico-culturelle des entités masculines et féminines affectant la vérité acquise, ou supposée l’être, de qui je suis. La théorie d’une construction sociale du genre avait ouvert une relecture pertinente des notions femme/féminin, homme/masculin, féminité/masculinité, et permis une meilleure appréhension de la question transidentitaire. Dévoyée au profit de la cause transactiviste elle sert maintenant à la production d’un discours aussi confus qu’inaudible et l’impossibilité de formuler une définition s’imposant à toutes et tous de ce qu’est une femme, un homme, un/une transidentitaire.
Quel est ce corps que l'on désire ?
« Dès de mon adolescence, j’ai su que je n’habitais pas le bon corps, je me sentais femme, pas homme. » Cette déclaration liminaire à nombre de coming out suppose que le concerné ait connaissance de l’exacte nature de la condition de femme. Or, sans en avoir expérimenté l’incarnation, son identification à cet autre corps, dont il ne sait rien des joies et des tourments, repose sur la spéculation, l’idéalisation et le fantasme, sur une représentation biaisée par la subjectivité. On admettra, par exemple, qu’aucun homme, quand bien même se sentirait-il féminine, n’éprouvera la gestion des menstrues. L’expérience de la douleur, de l’invalidité, de la gêne, de l’irritabilité, de la prévoyance, de l’attente anxiogène, est pourvoyeuse d’émotions qui modulent la perception de la vie. On nait femme et on le concrétise par l’expérimentation d’émotions singulières, dont celles liées à la perspective de porter la vie, de la porter et d’en accoucher, sont inaccessibles au sexe masculin. L’expérience du corps biologique est une expérience d’autant plus déterminante qu’elle est une expérience malgré soi.
Toutefois, il demeure légitime de croire que la génitalité n’est pas un fait prédominant à la métaphysique de l’être, qu’il est possible de penser la femme, l’homme, comme des principes, complémentaires, primordiaux, mythologiques, spirituels et non comme des réalités de chair et de sang. On conviendra cependant qu’exclure la génitalité du champ des déterminants porte le débat sur le plan de la chose en soi et présume de la possibilité d’un ressenti, d’une identification à ce qui serait dissocié de la matérialité des choses. Mais la femme et l’homme, en tant que chose en soi, hors de l’expérience humaine, dans leur nature métaphysique, n’ont d’existence que dans un au-delà hypothétique et quoiqu’il en soit inaccessible à la raison. De fait, la métaphysique de l’être s’aborde sur un mode culturel, pluriel, au regard des croyances et non croyances, et aucune société, aucune religion, n’a jamais démontré, par la raison, l’unicité de sa perception du féminin et masculin sacrés. Les ressentis femme, homme, reposent sur des spéculations métaphysiques, variables dans le temps et l’espace, incompatibles avec une définition universelle de ce qu’est une femme, un homme. Comment alors s’identifier à un principe qui n’existe pas dans une expression absolue ?
Finalement les seuls déterminants objectivement accessibles à l’appréhension de l’autre se réduisent à des représentations esthétiques, vestimentaires et comportementales. Désirer changer de corps ne peut donc se comprendre que comme le désir d’incarner la représentation sociale de l’autre sexe, de prendre une apparence, féminine ou masculine, de s’ajuster aux normes en vigueur définissant la féminité ou la masculinité.
Confusion. Laurent Folco. 2021.
La transition ou la théâtralisation du corps
Depuis la nuit des temps les transidentitaires sont composante des sociétés humaines. L’époque moderne n’invente rien, si ce n’est une remise en cause de l’ordre naturel et le recours aux traitements chirurgico-hormonaux pour modeler son corps. Mais par l’opportunité offerte d’une transformation radicale il est sous-entendu que l’apparence fait la substance. Là se porte le questionnement sur les chirurgies de réassignation sexuelle. Car les désillusions sont nombreuses et passée l’euphorie post-opératoire nombre de candidats, candidates à la transition sombrent dans la dépression. Le réel est cruel, des seins hormonés, une vulve artificielle, un pénis reconstitué sont des compromis esthétique, sensoriel, émotionnel, dépourvus de fonction. De fait la transition se révèle rapidement pour ce qu’elle est : une théâtralisation du corps. Pour la transféminine, le transmasculin, l’enjeu est alors de s’épanouir dans l’incarnation d’un rôle dont la crédibilité sociale ne tient qu'à un fil. En aucun cas la transition ne devrait être promue sur l’idée d’une vie forcément meilleure. Il ne faut pas abuser celles et ceux qui sont en proie au doute, au mal-être identitaire. La solution miracle pour y répondre n’existe pas. En tout cas pas dans une société qui pense en binaire. La transition reste un compromis forcément insatisfaisant.
Le désir du corps de l’autre n’a pas de réalisation holistique. Hormis dans sa dimension fétichiste, la transition est une incomplétude qui au mieux satisfait aux normes esthétiques et comportementales de l’autre sexe. Si l’on ne peut mettre en doute la parole des transidentitaires quant à leur malaise, il semble qu’il faille le repenser comme un trouble associé à l’impossibilité de s’identifier authentiquement dans une société binaire. C’est en cela que le désir de réassignation sexuelle signe la compréhensible reddition de l’individu en tant qu’être singulier, sa capitulation devant les injonctions à se conformer à une polarité ou l’autre. Ni homme, ni femme, tout en étant les deux à la fois, voilà l’authenticité de la transidentité, sa richesse au naturel.
La lutte transactiviste est aujourd’hui minée par sa frange transféminine qui impose une idéologie mortifère visant la négation de la femme en tant qu’être biologique, émotionnel, spécifique. Il est question d’effacer la femme, littéralement… le mot même est maintenant tabou. Le combat pour l’abolition des concepts de femme et d’homme passant par la négation du donné naturel au profit d’une fiction du genre, dont les constituants sont nourris des étalons morphologiques, des attributs stéréotypés des femmes, des hommes, reste pour le moins discutable. Faire promotion de l’acquisition de caractères sexuels dont on réfute par ailleurs l’évidence de causalité dénote un mélange d’ambitions antinomiques. Le discours transactiviste est inentendable et on reconnaîtra que dans la plus grande confusion le paraitre cherche à se confondre avec l’être.
Cela dit, persiste la perspective d’une reconnaissance de l’existence des réalités transidentitaires, de leur statut socio-émotionnel unique et d’une vision de la transidentité à l’aulne de la pluralité et non de l’amalgame. C’est par l’acception de la diversité, au sens de la richesse, de l’affranchissement des représentations historiques, culturelles de l’humanité, que la transidentité trouvera sa propre voie d’épanouissement. Devenir femme, homme, ou vivre sa vérité quand bien même on ne saurait la définir, la conceptualiser, là est finalement la question.
Crédit illustration : Laurent Folco.
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