Plaidoyer pour l'abolition de la prostitution 1/3
Alors que le phénomène prostitutionnel gagne en ampleur, qu'en Europe des dizaines milliers de femmes se trouvent esclaves de réseaux proxénètes internationaux, certains dissertent sur le droit à disposer de son corps. Mais La prostitution ce n’est pas du baratin intello libéral, ce n’est pas le monde des idées, c’est du pragmatique nauséabond et dégueulasse à souhait.

Il n’y a pas de prostituées heureuses.
« La prostitution est le plus vieux métier du monde ». Par cet énoncé laconique et rebattu on tend à faire entendre que la marchandisation sexuelle du corps est une fatalité contre laquelle il est vain de se battre. La volonté d’abolir la prostitution ne serait donc que le vœu pieux d’utopistes humanistes ou de réactionnaires anti-sexe, ne comprenant pas que de tout temps elle s’est exercée par choix et non par contrainte. Or, l’imparable argument de la liberté de choix n’est en définitive que pure mystification, un procédé rhétorique de propagande, destiné à légitimer des activités marchandes mafieuses qui se chiffrent en milliards et suscitent étrangement la convoitise des grands argentiers de la zone euro. Rappelons que la Commission européenne avait suggéré en 2014 que tous les pays de l’Union intègrent à leur PIB les revenus de la prostitution ! Un encouragement à peine voilé à une légalisation de l’activité qui contenterait aussi bien les proxénètes que les grandes banques européennes. Mais la prostitution n’est pas une profession comme une autre, c’est une activité lucrative dans le meilleur des cas et une forme d’esclavagisme en règle générale. Selon les estimations les plus plausibles, 90% des prostituées vendraient leur corps contraintes et forcées, par des réseaux proxénètes, une dépendance aux drogues dures, une situation financière désespérée et/ou des antécédents traumatiques. Certes, quelques prostituées sont sincères en affirmant trouver dans la vente de prestations sexuelles à la fois le moyen d’assurer leur existence et une voie d’épanouissement. Toutefois elles sont si peu nombreuses que leurs cas ne peuvent servir de référence pour mener la réflexion sur la question prostitutionnelle.
L'empowerment de la prostitution.
Comme le chantait Brassens : « Bien que tous les jours elles fassent l’amour, qu’elles se marient vingt fois par jour, la noce n’est jamais pour leurs fioles… ». Plus prosaïquement nous dirons que la réalité de la prostitution est tristement sordide, qu’elle s’inscrit dans un système violent, coercitif, aliénant et destructeur. Si quelques clients peuvent se montrer « aimables », pour la plupart la caution de l’achat justifie la maltraitance sexuelle. Pour s’en convaincre il suffit d’une visite sur un des sites dédiés aux amateurs de sexualité tarifée, tel Youppie.net. On s’y félicite d’avoir « défoncé », d’avoir « pris par tous les trous », d’avoir «tout lâché sur le visage », d’avoir « cassé les pattes au canard », on se persuade qu’une telle est une « authentique salope qui encaisse bien », qu’une autre aime sucer « une fois qu’on lui la mise dans le cul », qu’une dernière n’est pas professionnelle parce qu’elle « ne bouge pas ses fesses quand on la baise ». La prostitution ce n’est pas du baratin intello libéral, ce n’est pas le monde des idées, c’est du pragmatique nauséabond et dégueulasse à souhait. On ne s’émancipe pas en se prostituant, on ne renverse pas les rôles de pouvoir. Dans le commerce le client est roi et plus encore lorsqu’il s’offre le corps d’une femme.
Parce qu’ils en sont généralement de grands consommateurs, les clients exigent de plus en plus souvent des prestations porno-hardcores. C’est le constat qui ressort des différents témoignages rapportés par les survivantes. La prostitution et la pornographie étant deux expressions d’une même conception de la sexualité où le corps féminin est objectivé au seul bénéfice des désir et plaisir masculins, il est logique qu’un amateur de relation tarifée soit aussi adepte de porno. Qu’il veuille rejouer les scènes qui l’excite particulièrement est tout aussi logique au regard des mécanismes en jeu dans le circuit de la récompense sexuelle. Car cette dernière s’organise autour de trois composantes inaliénables : affective, motivationnelle et cognitive. La première correspond globalement à la jouissance orgasmique. La seconde, est liée à la motivation qui pousse à la quête de récompense et qui s’alimente en l’occurrence de la fantasmatique. La troisième fait référence aux apprentissages, ce qui dans le cas du client pornophile se traduit par un conditionnement aux contenus pornos qu’il consomme pour déclencher excitation et orgasme. Affecté par ce conditionnement, dont il peut difficilement se départir pour trouver motivation et jouissance, le client pornophile cherchera de facto à imposer ses comportements mimétiques. Les trois piliers de la pornographie mainstream hardcore : violence, humiliation et dégradation, paraissent donc aujourd’hui faire partie intégrante de l’activité prostitutionnelle. Certaines prostituées se sont d’ailleurs spécialisées dans la Porn Star Experience (PSE) et proposent des prestations en mode « gonzo », une des formes de X les plus dégradantes. La loi du marché reste maîtresse du commerce et module à sa convenance la teneur de l’offre.
Légaliser : l’exemple catalan.
La légalisation, contrairement à ce que prétendent ses fervents défenseurs ne résout aucun des problèmes induits par la prostitution. Elle aurait plutôt tendance à les multiplier. Car, la dépénalisation de l’activité prostitutionnelle entraîne irrémédiablement une augmentation de la demande, nourrie principalement par le flot de ceux qui, trop frileux pour prendre des risques en période de prohibition, saisissent l’opportunité pour assouvir leurs fantasmes en toute impunité. Du pain béni les réseaux proxénètes qui peuvent faire travailler plus de filles, multiplier les bénéfices et accroître leur pouvoir de nuisance via la corruption. Au temps de la prohibition, le célèbre Georges Remus, avocat et bootlegger, aimait à déclarer devant les journalistes : « Chaque homme à un prix et j’ai les moyens de le payer. » Ce qui était vrai dans les années 20 l’est toujours et les mafieux modernes ne procèdent pas autrement pour développer et sécuriser leurs business.
La Jonquera, Eldorado du sexe tarifé et paradis mafieux.
En 2002, le gouvernement catalan a libéralisé l’activité prostitutionnelle. En quelques années, la petite ville de La Jonquera, située à la frontière entre la France et l’Espagne, est devenue un des plus grands bordels d’Europe. Le week-end, des hordes de clients, français en majorité, se divertissent dans un des nombreux puticlubs et macroprostibulos où les attendent des centaines de filles venues essentiellement d’Europe de l’est et d’Amérique Latine. Présentées comme des lieux festifs, où l’on vient s’amuser entre amis, enterrer une vie de garçons, arroser la prime de fin d’année, ces usines à sexe n’ont en réalité rien de réjouissant. L’ambiance entre clients et prostituées est tendue. Les filles, la plupart sous contrôle, sont là pour faire du chiffre. Elles savent exciter et régler un michton en quelques minutes. Les clients qui ont l’impression de n’être que des portefeuilles sur pattes ne leur montrent en retour aucun signe d’empathie ou de respect. Car eux en veulent pour leur argent (80 euros la demi-heure) et n’hésitent à se doper à la coke, à la MDMA pour tenir le plus longtemps possible avant le « finalshot ». Oubliez donc l’image d’Épinal du gentil client qui a tissé des liens d’amitiés avec sa professionnelle préférée. En sortant, les clients passablement éméchés relatent leurs exploits ou mésaventures. On rit d’une telle qui aura du mal à s’assoir pendant quelques jours, parce qu’on l’a « pécho à plusieurs ». On en maudit une autre pour son manque d’implication, « du fric jeté par la fenêtre », et on jure de lui faire la publicité qu’elle mérite. À La Jonquera, c’est du brutal.
Les effets pervers de la légalisation.
Si la volonté des législateurs catalans était d’encadrer la prostitution, d’en réguler les excès, d’éviter qu’elle ne s’exerce sur l’espace public, de sécuriser les filles et d’endiguer le proxénétisme, force est d’admettre qu’elle n’aura pas été suivie d’effet.
Les patrons de ces boîtes à sexe, peuvent clamer haut et fort ne pas être des macs mais d’honnêtes loueurs de chambres qui mettent gracieusement à disposition des filles des infrastructures top-niveau, l’opacité qui a toujours régné dans le milieu de la prostitution et les liens historiques qu’elle entretient avec les mafias, ne laisse pas l’ombre d’un doute. Ici comme ailleurs, ce sont des gangs mafieux qui organisent la traite, la formation et l’assujettissement des prostituées. La Jonquera est un eldorado pour les proxénètes internationaux qui ne se privent pas de l'opportunité de faire leur business et d’amasser des fortunes en toute légalité. Le samedi soir, dans un des établissements les plus renommés de la petite ville frontalière, 250 filles sont au service d’un millier de clients. Le cocktail, sexe, drogue, alcool, n’autorisant pas une gestion rationnelle des budgets, on dépense sans compter. Un tenancier avouera avec un petit sourire stocker en permanence 100 000 euros de boissons alcoolisées ! À La Jonquera l’argent coule à flot continu.
Les infrastructures mises à la disposition des prostituées.
Disséminé aux alentours de La Jonquera, se perpétue le traditionnel « tapinage ». En bordure de route, sur les parkings routiers, les aires de repos pour camionneurs, des dizaines de « tapineuses » s’activent pour contenter les michés les moins fortunés. Si les caïds œuvrent désormais dans le « légal » et le « glamour », les petites frappes ont pris la relève sur le terrain du prohibé, plus risqué et moins rentable que le tapinage à l’ancienne. De fait, il persiste toujours autant, si ce n’est plus, de filles qui vendent leur corps dans l’insalubrité et l’insécurité la plus complète. Et à voir leurs visages défaits, on devine qu’elles ne le font pas pour le fun, l’empowerment, ou l’expérience du renversement des relations de pouvoir par le sexe.
L’ouverture des méga-bordels de La Jonquera a également provoqué un bouleversement de la vie de ses administrés. Habitués à la présence massive, mais relativement tranquille des Perpignanais et des vacanciers opportunistes venus faire le plein d’alcool et de cigarettes, les habitants de cette petite ville doivent maintenant composer avec une marée de touristes sexuels et de fêtards pas toujours respectueux des règles de bonne conduite. De plus, en annexe du marché du sexe a fleuri celui de la drogue. Un peu partout à La Jonquera se sont installés des narco-appartements, où les dealers écoulent, au vu et su des autorités, toutes sortes de produits stupéfiants.
Aux alentours de La Jonquera.
En marge des grandes enseignes de la prostitution de masse, s’est développé un réseau de maisons-closes traditionnelles. Les tenancières y gèrent quelques filles, généralement trois ou quatre, dans de petites villas discrètes. Par l’intermédiaire d’un contact perpignanais, nous avons pu obtenir un rendez-vous avec Monika, 21 ans et Christina 32 ans, deux sud-américaines qui travaillent depuis quelques semaines dans l’une d’elle.
Elles sont d’accord pour faire part de leur expérience et fixent le tarif, 120 euros chacune pour par heure d’entretien. Après quelques banalités d’usage, nous entrons dans le vrai. On parle de leur choix, les deux affirment ne pas être sous la contrainte d’un proxénète. Leur motivation est exclusivement financière, Christina veut poursuivre des études dans une grande école de commerce et Monika, esthéticienne de formation, veut financer l'ouverture d'un institut. La première pense faire le job pendant six mois, la seconde une année maximum. Au fil des échanges, nous comprenons qu’elles sont toujours en mouvement, qu’elles ne restent pas plus de trois semaines dans la même villa, ni le même pays, parce que disent-elles, les clients se lassent vite aujourd’hui, il leur faut constamment de la nouveauté. De toute évidence existe un réseau européen de maisons-closes connectées les unes aux autres, qui s’échangent les filles et se répartissent entre l’Allemagne, la Belgique, la Hollande et l’Espagne. Les deux se prostituent 12 heures/jour et six jours sur sept. Premier client 10h00, le dernier vers 21 heures. Une pause déjeuner aux alentours de 13 heures. On peut les louer à la journée ou pour des soirées privées, ce qui parfois les amène à enchaîner bordel et soirée libertine. Elles reversent environ 30% de leurs gains à la daronne, sous forme de loyer et de rallonges en espèces. Elles n’ont pas de spécialité, car les clients veulent tout faire : sodomie, éjaculation faciale, godemichés, gorges profondes, etc. Avec une coloration porno si possible. Les deux pratiquent la « fellation naturelle », sans préservatif donc. Elles disent se désinfecter la bouche avec un liquide antibactérien soi-disant garanti 100% efficace. On parle SIDA et risques vénériens, mais le sujet est tabou et « porte-poisse ». Fin du sujet. Si leur clientèle semble être similaire à celle qui fréquente les puticlubs, se sont les rapports avec celle-ci qui diffèrent. Moins d’hommes alcoolisés et/ou cocaïnés et donc moins d’agressivité. Cependant elles confessent, qu’il faut quoiqu’il en soit composer avec des corps rebutants, des odeurs parfois répugnantes, les réflexions crasses, les insultes et la brutalité devenues monnaie courante. En résumé, 12 heures par jour d’empowerment !
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