Sphère émotionnelle

Alexandra Rubinstein, l'iconoclaste

Alexandra Rubinstein, l'iconoclaste

Née en Russie et résidente new-yorkaise, l’artiste Alexandra Rubinstein provoque des réactions contrastées. Galvanisante pour certains.es, offensante pour d’autres, son œuvre fissure les monolithes phallocrates. Et pour cause, le moteur de sa créativité s’alimente d’un désir de challenger les statu quo et notamment ceux qui cadenassent l’expression artistique des femmes.

Alexandra Rubinstein, l'iconoclaste

Alexandra Rubinstein ou l'art de l'humour féministe.

Née en Russie et résidente new-yorkaise, artiste féministe revendiquée, Alexandra Rubinstein use de son talent pour dénoncer avec humour la condition des femmes dans les sociétés occidentales. Si son art s’inscrit dans un courant figuratif classique, il porte un message jubilatoire et puissant. Iconoclaste, la jeune femme s’emploie à déconstruire le mythe du phallus tout puissant, à objectifier l’homme et à inverser les rapports de pouvoir. La phallocratie doit maintenant compter avec des femmes qui sont résolument décidées au passage à l’acte. 


« Mon travail consiste, en quelque sorte, à placer la femme dans le rôle de consommatrice. Si on ne fait que représenter la figure féminine encore et encore sans en faire autant lorsqu’il s’agit de représenter des hommes, alors on ne fait que perpétuer cette idée que les femmes sont des objets à consommer. Une des séries sur laquelle j’ai travaillé s’appelle Thirsty. L’idée consiste à utiliser les hommes pour décorer des objets, ce qui selon moi, a été fait très souvent fait avec le corps des femmes. Dans mon travail les séries invitent à rejeter l’idée de la passivité féminine. Je pense que les femmes ne sont pas passives, nous avons de l’assurance, c’est ce que j’explore aussi. »


Le discours d'Alexandra Rubinstein questionne les fondement des sociétés patriarcales peu disposées à laisser les femmes s'affirmer, artistiquement, politiquement et sexuellement. « En grandissant j’avais l’impression qu’il y avait deux choses que je pouvais apporter à la société : mon physique et ma sexualité ou mon rôle de mère. J’ai commencé à me rebeller contre cette idée en devenant artiste. J’ai ressenti cette colère car j’étais scrutée et perçue comme un objet et n’avais droit à aucune autonomie. Ça me semblait presque interdit, en tant que femme, de traiter ce sujet, d’utiliser un humour cru dans mon travail. Notre culture a tendance à punir les femmes. Les femmes intériorisent tellement la culture du « slut-shaming ». Pas seulement pour leurs actions, mais aussi dans l’expression de leur sexualité. Je souhaite que mon travail pousse les gens à remettre en question leurs réactions, leurs idées et jugement. »

Alexandra Rubinstein provoque des réactions contrastées. Galvanisante pour certains.es, offensante pour d’autres, son œuvre fissure les monolithes phallocrates. Et pour cause, le moteur de sa créativité s’alimente du désir de challenger les statu quo, et notamment ceux qui cadenassent l’expression artistique des femmes dès lors qu'il s'agit de critiquer les sexualité et désir masculins. À l'instar de Betty Tompkins, elle ouvre une voie de résistance. « Nous devons arrêter d’assimiler sexualité et beauté avec le corps des femmes, car cela perpétue l’idée que nous devons paraître et nous comporter d’une façon qui mène inévitablement à l’oppression. »


Alexandra Rubinstein privilégie les séries pour amplifier la perception de son message. Aucun tableau pris en dehors du contexte sériel ne peut revendiquer à lui seul le sens conféré à l’ensemble. Par la répétition d’une même idée, elle attire notre attention sur le procédé discursif qui a prévalu des siècles durant, une récurrence thématique de l’objectification du féminin ayant contribué à la persistance du système de pensée phallocratique. 

Dans la série « Thirsty », elle met en scène des corps masculins à la plastique canonique, affublés de décapsuleur en lieu et place de leur pénis. Ces corps objets, émasculés, amputés de leur symbolique phallique, n’ont plus qu’une utilité basique, une fonction mécaniste. Le message est politique et renvoie en miroir la perception endémique du féminin, ordinairement abordé comme objet de consommation. Son ambition émancipatrice se comprend à l’aune de l'inversion des fonctions genrées, car ici c’est bien le corps de l’homme qui sert le plaisir féminin, en l'occurrence celui de boire une bonne bière. Le dispositif invite le public à l’action et l’artiste semble dire "ne vous contentez pas d’apprécier mon message, agissez !" De fait, à l’instant ou on la décapsule, la bouteille devient pénis et le geste ironiquement émasculateur.


Relevant un paradoxe entre l’omniprésence du culte phallique et l’indigence des représentations du pénis, l’artiste s’emploie à combler ce manque tout en désacralisant le sexe masculin avec l’humour qui affleure l’ensemble de ses créations. "Il y a beaucoup de censure autour du sexe masculin et je pense que c’est parce qu’on a l’habitude de le voir comme quelque chose de menaçant. Mais c’est parce qu’on ne le représente pas assez. Si on le voyait plus souvent, il perdrait son pouvoir sur nous."






Dans la tradition hardcore, les scènes de fellation sont légion et principalement photographiées d’un point de vue masculin. La série « A Dream Come True » opère un renversement de l'iconographie de la soumission via la mise en scène d'archétypes de la domination masculine. C'est très parlant...


Alexandra Rubinstein se joue des conventions et s’épanouit dans la contestation d’un modèle sociétal dont elle répète à longueur d’interviews qu’il est responsable de la discrimination de l’intelligence féminine. Son œuvre ne révolutionne pas l’histoire de l’art, mais s’impose dans celle des artistes politiquement engagées. Par son discours pictural tranchant, elle suscite des réflexions fondamentales sur la sexualité féminine, la représentation du féminin dans l’art et in fine la place de la femme dans le processus de transformation des sociétés occidentales.

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