Comprendre (enfin) la sexualité érogène des HPI, personnes à Haut Potentiel Intellectuel
C'est un fait, le cerveau des HPI réagit mal aux activités prosaïques, dépourvues d’intérêt, non stimulantes, raison pour laquelle, le cas échéant, leurs pensées se dérobent et fuient vers des pôles d’attraction extracontextuels.

À nulle autre pareille... la personnalité érotique forcément atypique des HPI
Que certains individus montrent des capacités intellectuelles hors norme n’est pas un marqueur spécifique de notre époque. La seule nouveauté réside dans l’estampille apposée sur cette population ; HPI : Haut Potentiel Intellectuel. Que l'on s'évite toute universalité de ses caractéristiques, n’empêche pas de noter, que dans le champ de la sexualité érogène, se dégage, chez une partie des HPI, une prévalence des troubles du désir et de la jouissance. La question du pourquoi n’avait jamais été traitée du point de vue écosexologique, c’est chose faite.
Ces troubles, jusqu'à présent appréhendés sous l'angle psychologique, ont souffert d'une incompréhension coupable. Un constat révélé par l’injonction faite aux HPI de débrancher leur cerveau, de lâcher prise pour un mieux vivre la relation intime. Mais requérir d'un haut potentiel intellectuel la déconnexion cérébrale est aussi incongru que d’enjoindre à une personne hypersensible au bruit de débrancher son écoute. Faire l'économie de la complexité en suggérant aux HPI de déserter leur moi authentique ou prendre en compte leurs spécificités et les accompagner sur la voie qui est la leur, l'écosexologie a tranché.
Dans nombre d’articles dédiés à la sexualité érogène des HPI il est souligné que, pour un grand nombre d’entre eux et d’entre elles, la cérébralité exacerbée entrave la pleine expérimentation de leur sexualité, au motif qu’elle leur interdit de se mettre à l’écoute de leur corps. Les HPI présenteraient les signes d’un rapport conflictuel au corps, une distanciation, une intellectualisation envahissante laissant peu de place à l’expression de la corporalité.
C’est justement ce corps, mu par des pulsions bestiales, avec lequel les HPI sont en souffrance. La relation intime est de facto perçue comme une mascarade, un enchainement de gesticulations génitales, une pantomime vide de sens, une comédie du désir en tout point insupportable. Un HPI confesse se décorporaliser lors du coït, se voir de haut comme un chien copulant, être assailli par le dégoût de lui-même et instantanément mis dans l'incapacité de poursuivre les ébats amoureux. Une autre parle de l’ennui mortel qui la gagne lors de l’acte sexuel et de son impuissance à contrecarrer les tentatives d’évasion de sa pensée. C'est un fait, le cerveau des HPI réagit mal aux activités prosaïques, dépourvues d’intérêt, non stimulantes, et en toute logique, le cas échéant, leurs pensées se dérobent et fuient vers des pôles d’attraction extracontextuels.
Myths and mortals. Marlène Dumas.
Dans son acception érotique courante, le lâcher-prise, synonyme d'extinction de la cérébralité, convie à l’incarnation d’un état animal. En ce sens il n'est qu'une désolante négation de l'érotisme, la prescription saugrenue d'une régression à la case départ de l'humanité interdisant de goûter à la revanche jubilatoire sur nos instincts primaires. Si lâcher-prise il doit y avoir c'est uniquement au regard de l'ambition de se départir des préjugés, des aprioris, de la honte, de la vision dégoûtante que les religions monothéistes et les cultures associées ont attachée à la sexualité érogène. Car c’est l’immoralité et la répugnance acquises de la relation intime qui nuisent le plus à son développement harmonieux et non la prééminence d'une quelconque intellectualisation envahissante.
L’hyperintellectualisation, contrairement à ce qui est rabâché aux HPI, ne gêne en rien l’expérimentation d’une sexualité érogène pleinement satisfaisante. Pour s'en convaincre, il suffit de se référer à ce privilège typiquement humain qui dessine un horizon à la sexualité reproductive : la fonction érotique. Rappelons qu'elle se compose de trois entités : potentiel émotionnel, potentiel cognitif et potentiel aphrodisiaque. Les deux premières sont idéalement symbiotiques pour que la troisième donne sa pleine mesure. Les relations entre les trois déterminants de la fonction érotique sont circulaires, interdépendantes et complexes.
Le potentiel émotionnel reflète l’aptitude à s’émouvoir, à aiguiser ses innés sensoriels et à s’éduquer à la perception de la subtilité. On peut s’émouvoir de multiples façons, il n’y a pas de prérequis en la matière. Quand les mathématiciens évoquent l’élégance d’une théorie, d’une démonstration, ils sous-entendent que leur lecture a engendré un afflux d’émotions... et peut-être fait couler quelques larmes.
Le potentiel cognitif se définit comme la somme des compétences intellectuelles qui permettent de se penser en tant qu’individu singulier, de procéder à l’introspection du moi, de comprendre le monde dans lequel on évolue, de conceptualiser, de synthétiser, d’analyser, etc., et dans l’occurrence qui nous intéresse d’être inventif, créatif, authentique.
Le potentiel aphrodisiaque traduit le niveau de symbiose des potentiels émotionnel et cognitif, autrement dit leur capacité à entrer en résonance pour produire, à des fins érogènes, une mise en scène et une dramaturgie comportementale, une théâtralisation captivante de la relation intime.
Pour les HPI qui ne parviennent pas à investir sereinement la sexualité érogène, et qui en souffrent, la question n’est pas celle de l’absence de lâcher-prise. Elle est celle d’une symbiose inaboutie de leurs potentiels émotionnel et cognitif, de l'atrophie induite de leur potentiel aphrodisiaque alors rendu inopérant dans l'élaboration de scénarios à même de satisfaire leur complexion émotionnelle et leurs exigences cognitives. Le fait est que l'on constate, en pareil cas d'insatisfaction, une résistance honteuse opposée à l'implication de leur intelligence dans la recherche de la volupté et de l'émotion orgastique, dont les conséquences se traduisent immanquablement par une raréfaction du désir, voire un dégoût, pour une activité dont ils ne peuvent, en l'état, retirer que de piteuses émotions et de maigres bénéfices. C'est pourquoi, en réponse à la plainte, l'orientation thérapeutique devrait avoir pour objectif de les inviter à jouer dans la cour qui est la leur, de leur faire entendre que telle est la condition sine qua non de leur complétude émotionnelle.
Le rapport coïtal classique, la relation intime décérébralisée, n’a aucun avenir érogène chez des individus à haut potentiel intellectuel. Les inviter à l'amputation de leur fonction érotique, au motif qu’en court-circuitant leur potentiel cognitif tout s’éclairerait, est un non-sens qui marque une incompréhension de leur dynamique érotique, mais surtout de leur nature qui ne s’épanouit jamais mieux que dans la complexité. C’est dans la scénarisation la plus audacieuse, la singularité et la subtilité érotique, qui leur ait envisageable d’apprécier sans faux-semblant et avec enthousiasme l’expérience de la sexualité érogène. L'atypie intellectuelle engage l'individu dans la quête et la réalisation de son atypie érotique. Il n'y a pas d'autres options. Sauf à devenir asexuel/le...
Crédit illustration : Alana Kate/ Bonds.
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