De l'intimité

La clé d’une véritable relation amoureuse se trouve au-delà de la relation physique.
Dans les sociétés occidentales, le sexe est omniprésent. Les publicitaires l’utilisent à l’excès pour nous faire acheter voitures, cuisines, glaces à la vanille et autres gels douche. L’industrie du cinéma en fait ses choux gras, il ne se passe pas une semaine sans que les magazines nous vantent les bienfaits d’une vie sexuelle pleinement épanouie. Le sexe est un puissant facteur de croissance d’internet et focalise l’attention d’une foule de spécialistes qui en dissèquent les tenants et les aboutissants. En matière de sexe, nous sommes bombardés d’informations et si l’on nous demandait s’il y a encore des choses à savoir dans le domaine, on serait tenté de répondre par la négative. Cependant il faut reconnaître que notre approche de la sexualité s’est éloignée d’une notion qui, pour Adam Wilder, créateur d’un festival d’un genre nouveau, est le "Saint Graal" des relations charnelles, celle qui donne du sens, de la profondeur à la sexualité : l’intimité.
De façon paradoxale, la notion d’intimité est marquée du sceau du tabou.
Paradoxal dans un monde où les corps nus s’exposent à l’envie sur les panneaux publicitaires de nos villes, les écrans de nos télévisions, ordinateurs et autres smartphones. L’intimité est anxiogène, elle demande de tomber les masques derrière lesquels nous nous abritons. Adam Wilder est persuadé que l’intimité est la clé pour être plus libre, plus heureux, plus vivant et surtout qu’elle peut non seulement modifier notre vie mais également nos comportements sociétaux.
Il espère que son festival sera précurseur d’une révolution indispensable, une révolution qui transformera tout ce que nous pensons et croyons connaître en matière d’érotisme.
"Le sexe et l’intimité sont profondément connectés" renchérit-il. "Mais depuis la révolution sexuelle des années 60, nous avons mis la focale sur le sexe, le génital, et absolument pas sur l’intimité. Il est possible de faire du sexe sans intimité, comme être dans une relation d’intimité sans pour autant faire du sexe. Mais il est certain que lorsque le sexe et l’intimité se rencontrent, alors ils ouvrent la voie d’un épanouissement complet." Adam Wilder poursuit : "Les gens ont peur de l’intimité, peur d’exprimer leurs désirs d’une façon réellement intime, pourtant sans elle, comment espérer explorer tout le potentiel de la relation érotique ?"
L’intimité effraie, le mot même effraie, à tel point que Wilder se refuse de l'employer pendant la préparation de son festival : "Quand je parle du festival, je préfère parler de connexion humaine, d’enrichissement de la relation, car il me semble que les gens sont plus confortables avec ces notions."
Le festival met l’accent sur l’acquisition de compétences propres à nous conduire vers l’intimité. "Ce ne sont pas des trucs de hippies, je veux rendre à l’intimité ses lettres de noblesse, qu’elle soit plus acceptée dans notre société, que tout le monde puisse en comprendre l’intérêt."
Le festival veut aussi promouvoir les câlins, une façon d’explorer le toucher, le tactile, en dehors du sexuel.
Différents ateliers sont prévus, comme "La sexualité en pleine conscience", ainsi que des sessions consacrées aux techniques de langage et communication propres à faciliter la construction d’un univers intime. L’un des ateliers les plus excitants pour Wilder se nomme L’illusion de l’âme sœur : "Une des idées que nous partageons presque tous est celle de l’âme sœur, cette personne qui serait tout pour nous et qui transformerait notre vie. Cela existe dans les films Disney, mais en vérité, cette façon de voir est très dommageable pour les relations. Dès que les choses tourneront mal nous penserons : Oh, oh, ce n’est pas mon âme sœur."
Le festival de Wilder semble s’inscrire dans un courant de pensée très actuel. Il y a un an, l’écrivaine Rowan Pelling a lancé un nouveau magazine, Amorist, dont l’objectif est de contrer la tendance actuelle qui ne veut voir le sexe qu’au travers d’un prisme purement fonctionnel. Pour Wilder comme pour Pelling, l’intimité est primordiale : "Est-ce que l’intimité rend l’érotisme plus puissant ? La réponse est presque toujours oui. Je suis étonné par le nombre de personnes qui confessent ne jamais regarder leur partenaire dans les yeux quand ils font l’amour, surtout au moment de l’orgasme. Cela montre combien on peut être proche physiquement de quelqu’un et en même temps, totalement déconnecté."
Wilder pense même que cette façon de vivre en "isolation sensorielle" et l’absence de relations humaines véritables et profondes ont nourri, d’une certaine façon, les chocs politiques du Brexit et de l’élection de Trump. La philosophe Shahida Bari de l’institut Art and Ideas et fondatrice du festival L’amour dans l’ère Tinder, abonde dans ce sens : "L’amour est réparateur et on doit l’utiliser pour changer nos sociétés. Si nous remettons de l’amour dans nos relations, nous pourrons envisager quelques changements politiques enchanteurs" souligne-t-elle. "Nous pensons l’amour en matière d’applications sur nos smartphones, alors qu’il est le sens éthique de toute relation. L’amour nous permet d’être attentif, de prendre soin des personnes qui ne sont pas de notre parenté. C’est le vrai miracle de l’amour, nous devons reconnaître ce miracle et apprendre de lui toute notre vie."
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