Des histoires de piercings, cultures et traditions

Fantaisies érotiques ou esthétiques, signes religieux, distinctions sociales, le piercing à travers les âges et les cultures.
La pratique du perçage corporel en vue d'y insérer un ornement ne date pas d'hier. Le piercing, considéré comme une modification corporelle, remonte aux temps bibliques et même antérieurs ; au néolithique en Afrique, en Égypte antique, en Grèce, en Inde... En Amérique, les civilisations aztèque et maya, arboraient le piercing à la langue comme élément rituel permettant le contact avec les divinités. Chez ces civilisations précolombiennes les différents piercings (nez, oreille, langue) étaient les marqueurs d'une identité sociale élevée.
Dans les années 1970, la perforation d’autres parties du corps a gagné en popularité dans la culture gay BDSM. En 1975, Jim Ward a ouvert The Gauntlet, le premier magasin de piercing des États-Unis, à Los Angeles. Dans les années 1980, la mode punk expose des piercings au style plus voyant avec notamment les emblématiques épingles à nourrice. Aujourd'hui, la mode du piercing est très répandue dans toutes les couches de la société. Voici les différentes origines historiques de quelques un d'entre eux.
Le piercing à la langue
Chez les anciens Aztèques, les Mayas d'Amérique centrale et les tribus Haida, Kwakiutul et Tlinglit du nord-ouest américain, le piercing à la langue était pratiqué sous forme rituelle. Le sang qui s'en écoulait était destiné à satisfaire les dieux et à créer un état de conscience modifié afin que le prêtre ou le chaman puisse communiquer avec eux.
Le piercing à la langue est maintenant l’un des piercings les plus populaires, choquant, provocateur et très stimulant pour le sexe oral, il est aussi des plus discrets.
Le piercing au nombril
Le piercing au nombril, une invention moderne, n'a jamais été enregistré dans les cultures primitives. Cependant, le nombril a longtemps été reconnu comme une zone érogène, en raison de la différence entre les estomacs des hommes et des femmes. Les estomacs des femmes diffèrent de ceux des hommes en ce qu'ils sont plus arrondis dans la partie inférieure, plus longs et sont plus en retrait. Les artistes exagèrent d'ailleurs souvent ces caractéristiques dans leurs oeuvres, peintures ou sculptures, afin d'accentuer la féminité de leurs modèles. Le port d'un piercing au nombril est une coquetterie destinée à mettre en valeur la partie basse de l'abdomen.
Le piercing au mamelon
L'histoire rapporte que les centurions romains portaient des plaques d'armure de cuir munies d'anneaux au niveau des pectoraux, de sorte qu'une cape puisse y être fixée. Cette particularité a conduit certaines personnes à affirmer que ces soldats avaient également les mamelons percés, de manière à pouvoir y fixer la cape en l'absence d'armure. Cette allégation est toutefois peu probable, quiconque ayant fait l'expérience ce ce type de piercing comprendra pourquoi.
Ce n'est que bien plus tard que l'on retrouve les traces historiques de la pratique du perçage des mamelons dans un but purement esthétique. L'anthropologue et historien allemand Hans Peter Duerr dans son ouvrage, Dreamtime, rapporte :
"Au milieu du XIVe siècle, de nombreuses femmes portèrent soudainement un décolleté si bas que l'on pouvait voir près de la moitié de leurs seins, et parmi les classes supérieures du même siècle, la reine Isabelle de Bavière introduisit les 'Vêtements du grand décolleté', où la robe pouvait être ouverte jusqu'au nombril. Cette mode a finalement conduit à l'application de rouge sur les mamelons délibérément exposés et à y placer des anneaux à travers lesquels passaient des chaînes en or ornées de diamants."(5)
À la fin des années 1890, les anneaux de seins sont brièvement devenus à la mode ; ils étaient vendus dans des bijouteries de luxe parisienne. Ces anneaux étaient reliés avec une chaîne délicate. "Les anneaux ont élargi les mamelons et les ont maintenus dans un état d'excitation constante (...), la communauté médicale a été scandalisée par ces procédures esthétiques, car elles représentaient un rejet des conceptions traditionnelles de la raison d'être du corps d'une femme."(6)
Une figure de la presse people londonienne des années 1980 a détaillé son opinion sur cet engouement dans un numéro du magazine Vogue :
"Pendant longtemps, je ne pouvais pas imaginer devoir subir une opération aussi douloureuse sans raison valable. Mais j'ai vite réalisé que beaucoup de femmes étaient prêtes à supporter la douleur par amour. J'ai découvert que les seins de celles qui portaient des bagues étaient incomparablement, plus ronds et plus développés que ceux de celles qui n'en portaient pas. Je me suis finalement fait percer les mamelons et lorsque les plaies ont été cicatrisées, des anneaux y ont été insérés. En ce qui concerne le port de ces anneaux, je peux seulement dire qu'ils ne sont ni inconfortables ni douloureux. Au contraire, leur léger frottement et glissement provoquent en moi une sensation extrêmement émoustillante, et toutes mes collègues ou amies qui en portent également disent ressentir la même chose."
Les avantages : les seins seraient plus sensibles, plus attrayants sur le plan sexuel et le port d'un piercing procurerait une stimulation constante. Une coquetterie aussi très efficace pour augmenter la taille des petits mamelons, ce pourquoi en Angleterre à l'époque victorienne, les médecins recommandaient souvent de percer les tétons pour faciliter l'allaitement.
Le piercing des seins était également pratiqué par les Indiens Karankawa du Texas, et il l'est toujours dans les montagnes algériennes par des femmes de la tribu nomade kabyle.
Le piercing au clitoris
Bien que l'origine du perçage du capuchon du clitoris ne soit pas déterminée avec certitude, le clitoris a été identifié pour la première fois par les Grecs de l'Antiquité il y a plus de 2 500 ans. Ils ont utilisé le mot Kleitoris - κλειτορίς - pour décrire une partie des organes génitaux féminins, très probablement les Labia Minora ou petites lèvres.
Le mot "clitoris" est apparu pour la première fois en anglais en 1615 ; il a été utilisé dans un livre d'anatomie pour décrire un petit organe sensible situé sous l'apex supérieur des petites lèvres. Par la suite, dans les années 1800 (sans doute au même moment où les avantages sexuels des piercings au mamelon ont été découverts), sont apparus les piercings clitoridiens. Le capuchon du clitoris a très vite été considéré comme étant la zone la plus sûre à percer pour augmenter la sensibilité sexuelle sans endommager le clitoris, puis le gland lui-même a été percé.
Le piercing "Prince Albert"
Le piercing Prince Albert, comme son nom l'indique, se rapporterait à une légende, popularisée dans les années 1970, celle du prince Albert, mari de la reine Victoria d'Angleterre, réputé avoir fait faire ce piercing avant son mariage vers 1825. À cette époque, Beau Brummel avait lancé l'engouement pour les pantalons ultra serrés pour hommes. Comme le pantalon était très serré, il fallait tenir le pénis d'un côté ou de l'autre pour ne pas créer de renflement disgracieux. Pour ce faire, certains hommes se sont fait percer le pénis pour pouvoir le tenir par un crochet à l'intérieur du pantalon. Ce piercing s'appelait à l'époque un "anneau de pansement", les tailleurs demandaient si un gentleman s'habillait à gauche ou à droite et ajustait le pantalon en conséquence.
Le PA est un accessoire très efficace pendant les rapports sexuels ; c'est pourquoi c'est le piercing génital masculin le plus populaire. Pendant le coït, il stimule davantage les deux partenaires que les autres piercings génitaux masculins. De plus, il rend le pénis plus esthétique.
Le piercing fraenulum (piercing du frein)
Le piercing du frein est probablement le deuxième piercing génital masculin le plus populaire. Le frein est la petite crête de chair reliant le prépuce au gland du pénis. Dans la plupart des cas, la circoncision l'enlève ou la détruit. Cependant, dans de rares cas, il existe toujours après la circoncision.
Nous n'avons pu trouver qu'une seule une tribu indonésienne, les Timorais, pratiquant le perçage du frein à l'aide d’anneaux de laiton ayant pour fonction d’améliorer la stimulation pendant les rapports sexuels. (7)
Histoire du piercing du prépuce (Kuno)
Le perçage du prépuce destiné à l'insertion de bijoux est aussi ancien que la circoncision; c'est une pratique immémoriale, qui remonte bien au-delà de la plus ancienne histoire enregistrée.
Au cours des jeux de la Grèce antique, les athlètes combattaient nus et pour empêcher leur pénis de bouger, ils attachaient le prépuce avec un ruban à la base de celui-ci. Ce ruban, ou lanière de cuir, s'appelait le "Kynodesme" du grec "Kuon" (prépuce) et "Desmos" (bande de fixation). Cette pratique temporaire a probablement conduit à la perforation permanente du prépuce, soit pour empêcher les esclaves et les athlètes d’avoir des rapports sexuels, soit pour interdire toute érection. Les Romains utilisaient une pratique appelée infibulation, qui consistait en deux piercings traversant le prépuce (ou les lèvres chez les femmes) et en y plaçant une mèche (fibule).
L'historien romain Mensius déclare qu'il est possible que l'infibulation remonte à l'époque du siège de Troie (XIIe siècle av. J.-C.), car, souligne-t-il, selon "The Odyssey" (Bk. VIII, Ligne 477), Agamemnon partit pour la guerre de Troie en laissant son épouse, Clytemnestre, sous la garde du chanteur Demodecus, sachant qu'il avait été infibulé.
La prédominance du piercing kuno est attestée par le nombre de références trouvées dans les écrits anciens. Les écrivains romains Juvenal, Martial, Strabon, Fallopio et Hieronymus Mercurialis font tous mention de cette pratique. Le processus de perçage du prépuce est décrit en détail par le célèbre médecin romain du 1er siècle, Celsus, dans son traité de médecine "De Medecina".
Histoire du piercing à Palang et Apadravya
Le perçage du gland du pénis destiné à l'insertion de bijoux est une pratique très ancienne. Le piercing Apadravya est mentionné dans le Kama Sutra (700 après JC) et le piercing à Palang est pratiqué en Asie du Sud-Est depuis plusieurs centaines d'années. Plusieurs piercings génitaux sont originaires d'Asie, où il est pratiqué depuis l'Antiquité.
La citation suivante du Kama Sutra décrit le processus pour percer un Apadravya, ou une barre verticale à travers le gland du pénis : "Les peuples des pays du Sud pensent que le vrai plaisir sexuel ne peut être obtenu sans perforer le Lingam, et ils le font donc percer comme les lobes des oreilles d'un nourrisson pour des boucles d'oreilles."
Le Palang (souvent appelé à tort percement d’Ampallang ) est un perçage qui s’est pratiqué parmi les tribus Kayan, Kenyah, Kelabit, Dayak et Iban du Sarawak sur l’île de Bornéo. Il consiste à percer le gland du pénis horizontalement et à insérer une barre. Le terme "Palang" se traduit en iban par "barre transversale" en référence aux supports de toit en bois des longues maisons des tribus de la région. Il symbolise le pouvoir protecteur du mâle sur la famille.
Le piercing Guiche (geesh)
Le piercing guiche consiste au perçage du périnée masculin, situé entre l'anus et les testicules. Il est supposé être un rituel de la puberté au Samoa, mais Derek Freeman, professeur émérite du département d’anthropologie de l’Université nationale australienne, l’une des plus grandes autorités en la matière, a déclaré qu’il n’avait trouvé aucune trace de cette pratique à Samoa. Le rituel de puberté y étant pratiqué est la subincision, c'est-à-dire que le prépuce et coupé par le dessous jusqu'au frein.
Doug Malloy a voyagé à Tahiti juste avant la Seconde Guerre mondiale, il y a rencontré un marin australien du nom de Reggie Jones qui avait quitté le navire. Reggie a parlé à Doug de piercing guiche, affirmant que cette pratique était originaire de Tahiti. La procédure réalisée entre 12 et 14 ans était effectuée par un "Mahu"; à Tahiti, un Mahu est un homme travesti en femme. Ce sont des membres très respectés de la société et qui, selon l'ancienne religion tahitienne, détiendraient des pouvoirs magiques. Cependant, comme aux Samoa, il n'y a pas de littérature documentant ce type de perçage à Tahiti.
Les anciens marins polynésiens avaient l'habitude de déterminer leur cap en fonction du mouvement des vagues. Le meilleur moyen d'évaluer ce mouvement était de s'accroupir et de le ressentir via le balancement des testicules. Le raphé périnéal où s'effectue le perçage contient un grand faisceau de nerfs, et un poids suspendu à un piercing aurait pu aider les anciens marins à suivre leur direction, mais il ne s'agit que de spéculation.
Le piercing Hafada (piercing du scrotum)
Un piercing Hafada est généralement effectué sur le côté du scrotum, où il y a un pli. Il est supposé provenir d'Arabie et se propager à travers l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Le piercing est effectué comme un rituel de la puberté ; cela se fait généralement sur le côté gauche du scrotum, bien que les piercings Hafada modernes puissent être réalisés à divers endroits sur le scrotum ou sous forme d'échelle, avec plusieurs anneaux alignés. Le perçage aurait été rapporté en Europe par des légionnaires étrangers français alors qu'ils étaient stationnés dans l'actuel Liban et la Syrie.
Il n'y a aucune preuve que les piercings au scrotum soient pratiqués par des tribus primitives. Il s'agit vraiment d'une invention occidentale moderne. Certaines personnes ont un nombre incroyable de piercings à travers leur scrotum. Le marin Sid, l'un des premiers pierceurs, avait 120 piercings au scrotum au moment de son décès et il comptait en avoir plus !
Sources et références :
© Cheyenne Morrison, The Piercing Temple, Australie 98. Complétée par des informations supplémentaires provenant de :
1 - bijoux et femmes; La romance, la magie et l'art de la parure féminine. Marianne Ostier. Horizon Press. New York, 1958.
2 - Le Dr Muraz faisant référence à la tribu Saras-Djinjas, qui insère des lèvres de 24 cm de diamètre dans les deux lèvres. Rivière Chari au sud du lac Tchad dans "Nudity to Raiment". Hilaire Hiler, Londres, 1929.
3 - Notes de terrain de David G. Fitzpatrick, 1977, dans "Bundi, la culture du peuple de Papouasie-Nouvelle-Guinée". Ryebuck Publications, Nerang Queensland, Australie, 1983.
4 - Discours d'un aîné d'une tribu à de jeunes hommes qui subissent le rituel de la virilité (Kangi Poroi).
5 - "Dreamtime" de Hans Peter Duerr.
6 - "Anatomy & Destiny" de Stephen Kern.
7 - Les connaissances sur les actes de justice du peuple battu. Zeitschrift fur Ethnologie 16: 217-225 1884.
8 - Mantegazza, relations sexuelles de l'humanité .
9 - Tom Harrisson, Journal du musée du Sarawak , vol VII, décembre 1956.
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