Digisexualité, une orientation sexuelle ? (2/3)
Le développement de la digisexualité est corrélé à quatre évolutions technologiques majeures. Le retour haptique, la commande à distance d’objets connectés, la réalité virtuelle et l’intelligence artificielle.

Le retour haptique.
Par analogie avec l’acoustique ou l’optique, l’haptique désigne la science du toucher. L'objectif du retour haptique est de générer des sensations corporelles aussi réalistes que possible, de créer un mode de communication sensitif grâce auquel la digisexualité pourra nourrir l'ambition de produire de véritables expériences érotiques à distance.
Le retour haptique est une affaire de haute technologie et nécessite la conception de costumes sensoriels équipés, à même leur tissu, de complexes systèmes de stimulation corporelle. De nombreuses firmes s'activent dans ce domaine promis à une expansion fulgurante dans la décennie à venir. Certaines marques commercialisent déjà des produits permettant de faire ressentir un panel de sensations allant jusqu'à la chaleur du soleil, le froid de la neige, le vent et la pluie. Revêtu d’une combinaison haptique, d’un casque de réalité virtuelle et investi émotionnellement dans un avatar, il devient possible d'accéder à une réalité dissociée.
La combinaison haptique Teslasuit.
La télédildonique.
Depuis 2006 et l'apparition des premiers vibromasseurs connectés, la technologie qui permet de prendre le contrôle de système électromagnétique via internet ne cesse de se réinventer. À la fin des années 1980, l’auteur italien de bandes dessinées Milo Manara avait préfiguré dans la série d’albums « Le déclic » ce que pourrait être un acte érotique cybersexuel. Aujourd’hui la chose porte le nom de télédildonique, néologisme formé de dildo (la version anglaise de godemiché) et de télé (à distance). Notons que les masturbateurs connectés ont leur version masculine, des vagins artificiels dotés de mécanismes de stimulation de la verge. C’est principalement au travers des jeux de rôle en ligne et par avatars interposés que les internautes utilisent la télédildonique.
Sextoy connecté.
La réalité virtuelle.
En théorie, la réalité virtuelle offre aux amateurs de digisexualité l'opportunité de s'immerger dans des mondes entièrement dédiés à leurs fantasmes aussi extravagants et subversifs soient-ils. L’industrie de la pornographie s’est emparée de cette technologie qui révolutionne la manière de regarder ses productions. Nanti d'un casque de réalité virtuelle le pornophile vit les films de façon active et s’introduit au cœur même de leur contenu. Pour l'heure le principal frein au développement de la réalité virtuelle reste la commodité et le confort des casques. Les récentes études montrent qu'en moyenne leur utilisation ne dépasse pas la demi-heure. Parce qu'il n'existe pas de limites à la réalité virtuelle, son mode érotique ne manquera pas de soulever des problèmes éthiques lorsque seront mis sur le marché des programmes clairement ciblés sur les paraphilies perverses.
L'intelligence artificielle.
Pièce maîtresse de la digisexualité, l’intelligence artificielle autorisera, à terme, la production de sexbots ayant des capacités de traitement de l'information comparables à celles d'un humain. Pour une frange des transhumanistes, les robots sexuels remplaceront avantageusement hommes et femmes dans le jeu érotique. Programmés pour répondre précisément aux attentes de leur propriétaire, ils n'auront ni désirs personnels, ni tabous. Pour l’instant ce sont des applications basées sur l’intelligence artificielle qui paraissent les plus prometteuses pour le business du sexe. Si elles n’ont pas de corporalité, elles peuvent générer des entités virtuelles ayant, aux dires de leurs promoteurs, les compétences requises pour créer une relation érotisée.
En mode interactif ou connecté.
Il est possible de vivre des expériences érotiques « augmentées » soit en créant une relation intime, communicante avec une machine (cybersexe interactif), soit en faisant intervenir dans une relation entre humains un programme informatique ou un outil cybersexuel (cybersexe connecté).
Dans le premier cas de figure, il s’agit de relations sexuelles avec des applications informatiques ou des sexbots. Dans une avenir proche, ces applications et robots sexuels, capables d’analyser toutes informations produites par leurs utilisateurs et utilisatrices, pourront apprendre des expériences vécues, s'adapter à leurs attentes et leur proposer des scénarios érotiques évolutifs. C'est exclusivement au travers du cybersexe interactif qu'il conviendrait de penser la digisexualité comme une orientation sexuelle à part entière.
Le cybersexe en mode interactif
L’option « cybersexe connecté » est moins novatrice que la précédente. Si elle autorise la mise en place d'interactions érotiques avec n’importe quel individu ou groupe d’individus sur la planète, elle reste dans le domaine de la sexualité entre humains. Le couple informatique-technologie n'étant qu’un médiateur, on comprendra qu'utiliser un vibro connecté ou un vibro traditionnel ne change pas la quintessence de la relation intime. En outre, aussi perfectionné soit-il, l’outil restera tributaire de ceux et celles qui l’utilise, autrement dit de leurs talents érotiques.
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