Disparité, inégalité face à l'orgasme : de quoi parlons-nous ?
Contrairement à ce qu'il est couramment entendu l'inégalité orgasmique est surtout réservée aux hommes.

Au jeu de l'orgasme le gagnant est... une gagnante !
Il est reconnu depuis longtemps que dans leurs relations hétéros les femmes éprouvent moins souvent les émotions orgastiques que leur(s) partenaire(s) masculins. Le constat est documenté depuis une vingtaine d’années par les publications scientifiques et largement discuté dans nombre d’articles dédiés à la thématique. Toutefois, la disparité orgasmique, qui n’est abordée que sur le plan comptable, souffre d'un biais d’interprétation de sa réalité donnant à penser que les femmes sont les éternelles laissées pour compte des joies de la sexualité. Car si elle est indiscutable d’un point de vue de la fréquence la disparité orgasmique l’est beaucoup moins sur celui des qualité et intensité émotionnelles associées aux activités sexuelles.
La pénurie d'orgasme féminin : un problème hétérosexué
Si l’orgasme masculin se distingue par son association systématique avec un donné réflexe de la reproduction (l’éjaculation), qu'il est à ce titre considéré comme un invariant repérable de la sexualité des hommes, le pourquoi de l’orgasme féminin reste baigné dans un flou artistique, la communauté scientifique peinant à trouver l’évènement ou les évènement qui lui sont rattachés. Pour autant qu'il soit énigmatique la plupart des femmes en ont découvert la puissance, les variations et l'aisance d'accès au cours de leurs explorations sensorielles solitaires. Ce n'est finalement que lors de leurs joutes érotiques avec des partenaires masculins qu'elles se confrontent à la problématique de l'orgasme.
Plusieurs hypothèses ont été évoquées pour rendre compte de cet état de fait. En premier lieu il a été suggéré que les réponses sexuelles féminines et masculines sont fondamentalement différentes. Les hommes seraient programmés pour jouir aisément, les femmes non. Les premiers y auraient droit en toutes circonstances, les secondes sous condition. Si de prime abord les faits en attestent, cette appréhension de l’inégalité orgasmique est sujette à caution car fondée sur une conception des relations intimes où le coït, stricto sensu, tient lieu de centralité érotique. De fait la causalité de la disparité n'est pas chercher dans la réponse sexuelle féminine, mais dans la façon dont le couple organise sa relation intime. Le coït est un comportement fondamentalement reproductif qui privilégie, au regard de son objectif, la jouissance masculine. Pratiqué dans une forme primordiale il n’octroie aux femmes que ce minimum de retour sensoriel, émotionnel, les disposant à l’acceptation de la pénétration. Pour jouir du coït au féminin il est donc indispensable que celui-ci soit interprété, traduit sur la scène des rapports intimes en une pratique qui déstructure la gestuelle de va-et-vient, l’agrémente d’attouchements érogènes et l’intègre à un scénario élargi à l’érotisme. Le potentiel aphrodisiaque, soit en l’occurrence la capacité à théâtraliser le coït, à l’engager dans une dramaturgie délestée de son acmé éjaculatoire, est le meilleur remède à l’inégalité orgasmique. Toutes les études le prouvent, dès que les partenaires s’émancipent de leur part du singe, ne serait-ce que par la mise en jeu du clitoris, alors les réponses sexuelles masculines et féminines s’harmonisent. On remarquera en sus que la sexualité lesbienne, a-coïtale par définition, ne génère que d’anecdotiques doléances orgasmiques.
La disparité orgasmique a été plus pertinemment pensée comme résultant de l’adhésion plus ou moins consciente de la gent féminine à la culture de la prévalence de l’orgasme masculin. Plusieurs études ont mis en évidence que nombre de femmes se déclarent sexuellement satisfaites dès lors que leurs relations intimes sont exemptes de douleurs et/ou que leur partenaire a correctement joui. Il est noté que celles qui priorisent la jouissance masculine sont aussi celles qui ne se sentent pas légitimes d’en jouir : une posture sexo-relationnelle ancrée dans la régulation morale de l'accès à l'obscène, autrement dit du droit à exploiter librement les ressorts émotionnels de la sexualité érogène. Cette restriction plus spécifiquement opposée à la liberté sexuelle des femmes est particulièrement prégnante dans les rencontres de type hook-up où la disparité orgasmique se révèle la plus importante. C’est aussi dans ce contexte que les hommes sont les moins enclins à faire des efforts "d’inventivité" et les femmes les moins disposées à faire part de leurs attentes érogènes. Cela dit, d’une manière générale, il est constaté que les hommes ont tendance à s'engluer dans des scripts comportementaux stéréotypés, basés sur les changements de positions et l’endurance, quand les femmes se crispent à l'idée de blesser leur partenaire en leur signifiant qu’elles n’en retirent aucune émotion véritable.
En résumé, il appert clairement que la pénurie d'orgasme féminin est avant tout le fait combiné d'un mésusage du coït et de la réticence des femmes à orienter les débats dans un sens favorable à leur réussite orgasmique.
Alors quid de l'inégalité orgasmique ?
Dans son acception conscientisée, humaine, l’orgasme est vendu comme l’apogée émotionnelle des relations intimes. C’est pourquoi il parait injuste d’en être privé, pourquoi les femmes se sentent lésées vis-à-vis de leurs partenaires masculins qui de prime abord semblent en bénéficier à coup sûr. Or, bien qu’il soit exact qu'ils accèdent sans difficulté à cet évènement émotionnel, il n’est jamais mentionné que celui-ci est souvent d’une puissance toute relative, rarement assimilable à une pure extase. Il s’agirait donc pour rendre compte avec une absolue exactitude de la disparité orgasmique d’intégrer le fait que les ressentis orgastiques masculins ne sont qu’à titre exceptionnel d’une intensité remarquable. Notons que la chose est d’autant plus vraie que les hommes avancent en âge. À l’indigence de l’orgasme masculin s’oppose la luxuriance de la jouissance féminine. Puissantes, diverses, multiples, les émotions orgastiques féminines enterrent toutes prétentions masculines à l’égalité. In fine on reconnaîtra que le concept d'inégalité orgasmique élaboré pour exprimer la carence d'orgasme féminin dans la relation hétéro serait plus adapté à la description du gap émotionnel qui sépare les jouissances masculine et féminine. Il est indéniable qu'en accouplant l'orgasme masculin au terminus d’un programme comportemental prévu pour s’exécuter dans des délais les plus brefs, n'offrant que de faibles récompenses émotionnelles, et empêché dans sa répétition par le recouvrement plus ou moins laborieux de la capacité érectile, la nature a involontairement, mais immanquablement, défavorisé la gent masculine.
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