Jalousie v/s Désir

Le sentiment de jalousie serait un puissant stimulateur du désir.
L'un des facteurs les plus courants responsables de la perte de désir au sein du couple serait l'absence de jalousie. Citée parmi d'autres raisons telles que le stress, la fatigue, les griefs non résolus et le manque de confiance en soi, le sentiment de jalousie serait un puissant stimulateur du désir. Si la jalousie devient pathologique - quand elle n'est pas adaptée à la réalité, qu'elle n'est fondée sur aucune menace réelle et est accompagnée d'une perte de contrôle - dans des proportions rationnelles, elle contribue à maintenir le couple dans une dynamique de séduction basée sur la perception du danger hypothétique ou réel, de "perdre" ce que l'on croyait acquis. En effet, dans une certaine mesure, la jalousie est une émotion normale qui informe l'individu du danger d'une rupture affective et de la nécessité de renforcer le lien en réactivant les divers mécanismes de séduction afin de focaliser de nouveau toute l'attention de son/sa partenaire sur… soi !
La jalousie est avant tout une affaire d'ego, lequel se trouve constamment sollicité par des influences intérieures comme extérieures. Pour Bernadette Costa-Prades, journaliste spécialisée dans le domaine du couple et de la famille, le désir animant les jaloux prendrait des airs de lamentation et ne serait plus l'expression d'une attirance physique enjouée mais celle d'une souffrance liée à la peur de perdre, d'être détrôné. Elle estime que dans ce climat d'inquiétude identitaire, la jalousie nie plus que jamais l'autre en tant que sujet et le réduit à l'état d'objet. Mais cette position, qui toutefois se défend, semble davantage s'exprimer d'un point de vue individualiste et court-circuite la notion d'altruisme relationnel, notion inhérente à toute communication amoureuse, qui implique la responsabilité de l'un sur le bonheur de l'autre. La réflexion proposée par la journaliste n'est pas sans rappeler la pensée du mouvement libertaire polyamoureux pour lequel l'individu serait le seul et unique responsable de ses sentiments, dont la jalousie qu'il "fabriquerait" lui-même.
Mais cette croyance nous fait oublier que nous sommes en constante interaction avec le monde qui nous entoure, interdépendants de nos proches, nos collègues, nos voisins, à plus forte raison de la personne qui nous est la plus intime et dont le bonheur détermine nécessairement le nôtre. Si l'amour est le principal ciment du couple, alors chacun est susceptible, non seulement d'être concerné par le bonheur de l'autre, mais aussi responsable de celui-ci car la nature, la qualité de l'investissement affectif ne manquera pas de l'impacter. Que nous le voulions ou pas, nous sommes à la fois inspirateurs de notre propre bonheur et de celui de notre conjoint. Au-delà du principe minimum de non-agression, de respect de l'autre, de sa compréhension en tant que sujet et non en tant qu'objet (de son propre plaisir et bien-être), doit s'exprimer naturellement et sereinement dans le cadre d'une relation riche et épanouissante, le plaisir de faire plaisir, la joie de rendre heureux. Dans un couple construit sur ces bases, la jalousie, qui ne prend pas des formes exagérées ou carrément pathologiques, devient un moteur de la relation, un stimulus source de régénération, un empêcheur de tourner en rond. Dans une manifestation légère, la jalousie peut même être franchement excitante.
Est-on vraiment jaloux que de ce que l'on aime ou aime-t-on l'objet de sa jalousie ?
La nuance paraît sensible d'autant que généralement, les sentiments liés à la jalousie oscillent entre les deux. "On est jaloux que de ce que l'on aime" nous dit l'adage et en effet, la jalousie est souvent assimilée à l'amour, au point de parfois le remettre en question lorsque elle parait inexistante : "S'il elle n'est pas jalouse, c'est qu'elle ne m'aime pas". S'il est vrai que tel constat peut sembler réducteur, il n'en demeure pas moins détenteur d'une vérité : l'amour et la jalousie sont des expériences indissociables.
Si la plupart du temps la jalousie est perçue au minimum comme un inconfort affectif générant un certain malaise au sein du couple, il arrive que ce sentiment soit volontairement recherché, notamment dans le cas de pratiques candaulistes. Dans ce type d'expérience, c'est précisément la jalousie suscitée par la vision de son partenaire en d'autres mains que les siennes qui excite d'autant plus que la situation est sous contrôle. On retrouve d'ailleurs cette mécanique de contrôle de la jalousie dans les relations échangistes où beaucoup avouent préférer s'accorder ensemble des relations sexuelles inter-conjugales plutôt que s'adonner à des relations extra-conjugales adultères, perçues comme une trahison.
Sans aller aussi loin, l'expérience de la jalousie au sein d'un couple exclusif normalement stable est parfois provoquée par certains comportements, plus ou moins volontaires, et relevant de la séduction. Il s'agit alors d'envoyer un signal à son partenaire, destiné à lui rappeler que l'on est susceptible de plaire et d'être attiré par d'autres que lui, tout en le rassurant quant à la primauté de sa position : "Je trouve cet homme très séduisant, mais c'est toi que j'aime." L'effet escompté consiste à la fois, à susciter la fierté de son partenaire, tout en se rassurant quant à ses sentiments à travers sa réaction.
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