Je n’ai jamais eu d’orgasme avec un partenaire et je suis fatiguée de simuler
Diplômé de l'Institut de Sexologie du docteur Jacques Waynberg, Eric Royer répond aux questions des abonnés.es.

Anorgasmie féminine dans le cadre relationnel
Sarah, 32 ans, célibataire, titulaire d'un master 2 en histoire de l'art, témoigne :
Je n’ai aucun problème pour jouir seule, mais je n’ai jamais eu d’orgasme dans le cadre d’une relation, que ce soit lors du coït ou autre. Récemment, je me suis jurée d’arrêter de faire semblant d’avoir des orgasmes, même si je retire un certain bénéfice du fait que cela fait plaisir à mes partenaires. En fait je n’aime pas qu’on me demande si je vais jouir, ça me met la pression et ça me bloque. J’aimerai pouvoir me sentir libre. Je me demande comment je peux leur dire que j’ai simulé sans les blesser et leur faire comprendre que je peux jouir mais pas en dix minutes. Est-ce possible ?
Ce que j'en pense
Tout d’abord, il faut reconnaître que de (très) nombreuses femmes sont dans votre cas, c’est-à-dire qu’elles sont parfaitement orgasmiques dans le contexte solitaire, mais anorgasmiques dans le contexte relationnel. L’orgasme est un processus complexe, à la fois de l’ordre du réflexe et de l’alchimie neurofonctionnelle, émotionnelle. Toutefois, vous l'aurez remarqué, hommes et femmes ne sont pas égaux devant l'orgasme. Chez les hommes la seule stimulation des parties génitales suffit, en général, à déclencher le réflexe orgastique. Associé à l’éjaculation il répond à un impératif de reproduction, il est donc logique, au sens de la nature, qu’il soit rapide et soumis à un minimum de contraintes environnementales. À contrario nous ne serions pas là pour en parler. Chez les femmes, compte tenu de sa non participation à la fécondation, l’orgasme* est un peu la cerise sur le gâteau, une expérience émotionnelle aléatoire qui peut être perturbée, ou favorisée, par de multiples facteurs. Pour autant la grande majorité d'entre elles en connait les secrets et ne rencontre des difficultés pour en savourer la volupté que dans le cadre relationnel.
C’est une évidence, rares sont les hommes qui d'instinct savent caresser le sexe d’une femme et ont conscience que le coït ordinaire, prosaïque, rudimentaire, n’est pas pour elles le meilleur moyen d’accéder à l’orgasme. Vous devez donc comprendre que vous prenez des risques inouïs en livrant à un tiers masculin, sans autre prérequis que la confiance, les clés de votre jouissance. Pour en venir à l'essentiel je dirais clairement que vous revient la charge d'éduquer vos partenaires, et ce d’autant plus que ceux-ci sont en début de carrière. De fait, la simulation est la pire des réactions à avoir face leur malheureuse "incompétence". Imaginons que l’on vous serve une cuisine trop salée, trop cuite ou pas assez, mais qui, quoiqu’il en soit, ne réponde pas à votre goût. Vous conviendrez que, si vous n’en faîtes pas la remarque, vous avez toutes les chances de vous coltinez jour après jour les mêmes repas déplaisants, émotionnellement désagréables. Vous demandez s'il est possible de jouer franc jeu, je vous répondrais que c’est non seulement possible, mais que c’est surtout indispensable et que c'est le meilleur service à rendre à vos partenaires et conséquemment à vous-même. Par ailleurs, si je comprends que vous aimiez leur faire plaisir en les rassurant sur leurs "talents", je crois que cette bonne intention fait partie de votre problème. La sincérité est le meilleur gage de réussite des projets érotiques, il n'y a pas d'autres conduites à tenir, il n'y en a jamais eu. Si vos amants se sentent offusqués, blessés, par votre franchise, dîtes-vous que c'est leur problème et pas le vôtre. Cependant, l'intransigeante que vous devez manifester quant à vos désirs, vos attentes, ne doit pas vous interdire de faire, un tant soit peu, preuve de diplomatie.
Les sexologues remarquent que passé la quarantaine les femmes jouissent mieux de leurs relations érotiques. Le fait n'est pas dû à une quelconque évolution physiologique, mais plus certainement à une prise de conscience que les expériences médiocres ne sont une fatalité, qu'en devenant maîtresses de leur sexualité érogène elles en tirent de bien meilleurs bénéfices émotionnels. N'attendez pas d'avoir quarante ans pour faire le nécessaire, prenez vos responsabilités, assumez-vous. Enfin, on ne peut s’empêcher de prendre note, au travers de votre témoignage, du poids de la culture phallocrate qui prioritise la jouissance des hommes et intime aux femmes de ménager l'égo masculin. Ces temps sont révolus et il est aujourd’hui temps de revoir la copie.
* Pour en savoir plus sur l'orgasme féminin lire l'article de Mia Malisse : "Spéculations non scientifiques autour du clitoris"
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