L'autonomie érotique à l'aulne de la Lumière
La philosophie des Lumières trouve dans l’érotisme une application sans doute inattendue. Mais c’est bien par le savoir, au sens le plus général du terme, que nous pouvons accéder à la joie d’être érotiquement nous-même.

De la liberté d'être unique
La libération sexuelle nous a certainement délivré du poids de la tradition et de ses restrictions morales, mais pour autant nous a-t-elle permis d’accéder à l’épanouissement et au bonheur conjugal ? C’est ce que l’on aimerait croire si les faits ne nous montraient un réel, plus sombre, moins glamour. L’utopie du bien jouir ensemble ne s’est jamais réalisée. Pour preuve le cahier des doléances du couple qui, plus que jamais, se remplit de demandes et d’attentes non satisfaites. Les désillusions se sont substituées aux espoirs et les amants cherchent désespérément des réponses au pourquoi de leurs déconvenues sexuelles. La consultation sexologie se fait le reflet de ces discordances érotiques, de ces inaptitudes à la jouissance qui fragilisent la relation jusqu’au point de rupture.
Cependant, le malheur des uns fait le bonheur des autres. Les autoproclamés experts et expertes en sexualité, persuadés de leur bon droit à conseiller, se répandent en leçons oiseuses et coûteuses, chacun, chacune, y allant de son manuel de l’érotisme. Pour faire un bon cunnilingus, une bonne fellation, réussir un coït il suffirait d’appliquer à la lettre leurs bonnes recettes, et pour s'accomplir pleinement, oser le libertinage, l’échangisme, le mélangisme ou encore le BDSM. Présentés comme des ouvertures sur la liberté érotique, la liberté de s’aventurer sur les terres fécondes de la volupté, ces guides du prêt-à-jouir, ne sont en réalité qu’un mélange hétéroclite de croyances issues d’expériences personnelles qui en aucun cas ne peuvent se prévaloir d’une portée universelle. Dans l’érotisme il n’y a de vérité que celle que l’on est en mesure de s’inventer pour soi-même. La démarche érotique est une chose rigoureusement personnelle, intransmissible, inaliénable.
Le constat est pénible, définitif et sans appel : la jouissance ne répond pas à l’injonction. L’état de subordination au vécu érotique d’autrui n’autorise pas l’apprentissage au sens productif du terme. Les activités érotiques ne sont pas affaire de psittacisme, de reproduction mécanique de gestuelles, de gesticulations relationnelles. Jouir est un art exigeant qui s’acquiert par la connaissance de principes fondamentaux, objectifs, incontestables, mais aussi par les tâtonnements et les expériences élaborées dans le secret de la complicité. Il est donc question d’accéder à la « majorité » érotique, de sortir de l’obscurantisme, de se forger une autonomie intellectuelle, une capacité à penser, agir, par soi-même, pour devenir érotiquement autonome, inventif et créatif.
La liseuse ou lampe de lecture. Félix Vallotton.
C’est en ce sens que le projet Osphères se différencie de tout ce qui est proposé aujourd’hui. Car nous sommes guidés par une seule et même ambition : enseigner l’indépendance érotique, casser les représentations schématiques, pourfendre les normes et les idées reçues. Combien de fois doit-on faire l’amour par mois, quelle est la durée idéale d’un rapport sexuel, doit-on pratiquer la fellation, le cunnilingus, la sodomie, quelle est la meilleure position, est-ce que le libertinage peut sauver le couple de l’ennui, etc… ? Autant d’interrogations auxquelles nous ne refusons à répondre de façon généraliste, parce que chaque couple est un écosystème original et qu’il doit, à ce titre, faire l’objet d’un discours singulier. Et au final, l’enjeu éducatif n’est pas tant d’apporter des réponses que de susciter les bonnes questions.
Notre vision de l’épanouissement sexuel repose sur l’acquisition d’une culture érotologique, un travail d’investigation de soi éclairé par la connaissance. Ainsi, pour atteindre la maturité érotique et réaliser le dessein d’en jouir pleinement il nous parait fondamental de comprendre ce qui, dans le cadre des relations intimes, nous fait femme ou nous fait homme. Peu importe que cela soit conforme à la doxa. « Je pense donc je suis » disait Descartes. Agir par et pour soi-même c’est s’offrir l’opportunité d’exister en conscience en tant qu’individu libre, indépendant de tous modèles préétablis. La philosophie des Lumières trouve dans l’érotisme une application sans doute inattendue. Mais c’est bien par le savoir, au sens le plus général du terme, que nous pouvons accéder à la joie d’être érotiquement nous-même.
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