La masturbation féminine, l'apprentissage du plaisir

La masturbation féminine, ça s'apprend !
Ironiquement, la masturbation, activité la plus répandue et la plus sécure de la sexualité, a pendant des siècles été dénoncée pour ses conséquences supposées néfastes sur la santé physique et mentale des individus la pratiquant. Péché contre le corps dans la tradition judéo-chrétienne, pire que le viol, l’inceste et l’adultère pour Saint Thomas d’Aquin, elle reste encore pour beaucoup symbole d’une sexualité primaire et honteuse. Mais comme le faisait remarquer un humoriste anglo-saxon, « si Dieu n’avait pas souhaité que l’on se masturbe, il nous aurait doté de bras plus courts ». Plaisanterie mise à part, il convient de redonner à la masturbation quelques lettres de noblesse et de reconnaître les vertus qui sont les siennes. Que ce soit pour déstresser, faire tomber la tension artérielle, maintenir la prostate en bonne santé ou acquérir une maîtrise satisfaisante de la jouissance, la masturbation se révèle être une excellente pratique. Dans les années 70, Betty Dodson, féministe engagée et convaincue que la frustration sexuelle des femmes était principalement corrélée à une méconnaissance de leur corps intime, a initié un projet d’éducation à l’orgasme, nommé « Bodysex Workshop », centré sur la pratique intelligente de la masturbation.
L'empreinte masturbatoire.
Incontestablement chaque femme possède une technique de masturbation qui lui est propre. Héritée des premières explorations sensorielles de l’enfance, elle perdure souvent à l’âge adulte et demeure parfois l’unique voie pour atteindre l’orgasme. Les conséquences de cet apprentissage du plaisir en solitaire sont multiples et quelques fois contre-productives dans le cadre de la sexualité partagée. Il en est ainsi lorsque adolescente, une femme a pris l’habitude de se masturber et de jouir allongée sur le ventre en serrant les cuisses. En dehors de ce cas particulier, et d’une façon générale, les expériences onanistes de l’adolescence, guidées par la recherche d’une jouissance rapide, marquent de leur empreinte plus ou moins profonde l’expression de la sexualité adulte. Toutefois, rien n’est gravé dans le marbre et motivées par le désir de s’offrir des émotions plus intenses, toutes les femmes peuvent acquérir le savoir-faire ad hoc.
Hegon Schiele. Reclining Female Nude. 1918.
Le concept "Rock'n Roll Orgasm".
Comme le défend Betty Dodson, la masturbation peut avoir d’autres vertus que celles du soulagement express des tensions génitales. Pratiquée en conscience, dans un esprit de découverte et d’exploration des potentialités émotionnelles de la jouissance, elle permet d’ouvrir en grand les portes de la perception et d’accéder à de somptueux orgasmes. Les « Bodysex Workshop » sont organisés avec cette intention claire : permettre aux femmes de découvrir des méthodes de masturbation en adéquation avec l’avènement d’une sexualité épanouissante. Il en est ainsi de la technique du « Rock’n Roll Orgasm », un must si l’on en croit sa créatrice pour sublimer l’expérience érotique. Sur son blog, sa collaboratrice, Carlin Ross, en décrit les différentes phases.
- Les muscles du plancher pelvien. Exercices de Kegel.
En prenant plusieurs respirations profondes, portez votre conscience sur la relaxation des muscles vaginaux. Puis, introduisez votre majeur dans le conduit vaginal pour en parcourir les contours. Prenez une respiration profonde tout en détendant la musculature vaginale et plus particulièrement celle qui contrôle la miction (muscle pubo-coccygien). Contractez maintenant les muscles autour de votre doigt et relâchez. Vous devez sentir que votre vagin le saisit littéralement. Contractez à nouveau puis détendez, faîtes cela plusieurs fois de suite.
- La respiration.
Allongez-vous confortablement sur votre lit ou sur tout autre support à votre convenance. Placez un oreiller sous votre tête. Pieds à plat sur le sol, genoux repliés. Faîtes une série de profondes inspirations par le nez suivies d’expirations sonores par la bouche, à la manière d’un soupir. L’oxygénation du sang est essentielle pour obtenir une réponse sensorielle optimisée.
- Le balancement du pelvis (Presley).
À la manière d’Elvis faites roulez vos hanches, prenez soin de ne pas vous contracter inutilement. Exécutez de la sorte, sur une musique de votre choix, une petite danse du bassin toujours en position allongée sur le dos. Ne forcez jamais. Les mouvements doivent être souples et accompagnés de profondes respirations. Concentrez votre attention sur les contractions et détentes naturelles de votre muscle PC.
- La pénétration vaginale.
Ce n’est qu’après avoir pris pleinement conscience de la réalité du muscle pubo-coccygien, qu’il convient de procéder aux exercices de pénétration vaginale, à l’aide d’un doigt pour les novices de la pratique, d’un sex-toy ou d’un Barbell pour les autres. Une fois inséré, contractez puis relâchez le muscle PC autour de l’objet, et observez les sensations. Recommencez plusieurs fois. La pénétration peut se faire par étapes successives. Lorsque l’objet est bien en place, que vous êtes assurée que les contractions vaginales ne pourront l’expulser, vos êtes prête pour le final.
Un Barbell.
- La stimulation clitoridienne.
Vous pouvez à présent commencer à stimuler le clitoris à l’aide de vos doigts tout en continuant de contracter et relâchez votre muscle PC autour de l’objet inséré. L’utilisation d’une huile de massage est fortement conseillée. N’anticipez pas les sensations, observez juste ce qu’il advient sans émettre de jugement. Si vous éprouvez le désir de plus fortes émotions vous pouvez utiliser un vibromasseur. Prenez votre temps, goutez les ressentis, sans objectif d’orgasme à atteindre. N’oubliez jamais de respirer profondément en sonorisant vos expirations.
Pour Carlin Ross qui avoue utiliser cette technique en solo et en duo, les principaux objectifs de l’entraînement sont :
- d’habituer le corps à tolérer des niveaux de volupté de plus en plus élevés sur des temps de plus en plus longs ;
- d’intégrer la technique jusqu’à ce qu’elle devienne une seconde nature.
Elle affirme qu’une fois assimilée, la méthode donne de superbes résultats en matière d’orgasmes.
La masturbation en conscience ou l'éducation au plaisir.
On sait depuis longtemps que les femmes multi-orgasmiques présentent, dans leur grande majorité, la particularité d’une maîtrise complète de leur musculature interne. La méthode « Rock’n Roll Orgasm » qui cherche par un renforcement et un meilleur contrôle du muscle pubo-coccygien à magnifier la jouissance, paraît de ce fait tout à fait logique. Techniquement, il appert que la contraction du muscle PC est en mesure de stimuler la partie interne du clitoris.
Si le militantisme de Betty Dodson en faveur de la masturbation n’a pas été bien compris en son temps, aujourd’hui aucun sexologue digne de ce nom ne remettrait en cause la pertinence de son enseignement. La masturbation se défait peu à peu de son image dégradée et c’est une bonne chose. Il ne reste plus qu’a souhaiter qu’elle devienne désormais un incontournable outil d’éducation à la sexualité du plaisir.
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