Le choking, une pratique à hauts risques
Cet article est clairement destiné à mettre garde et alerter sur les dangers inhérents à l'expérience du choking.

La contamination porno, le choking ou l’asphyxie érotique
Depuis une dizaine d’années se multiplient les productions pornos dédiées à la thématique de la strangulation. La pratique était, à juste titre, confinée dans les derniers sous-sols de l'érotisme BDSM et l’affaire d’une frange très marginale de la population. Aujourd’hui vulgarisée par la pornographie mainstream sous l'estampille "Choking", exposée comme un acte érotique vaguement kinky, elle est particulièrement en vogue chez la jeune gent masculine contemporaine. Sa contrepartie féminine y est nettement moins sensible. En cause des expériences d’étranglement non consenties, initiées par des partenaires profanes singeant cette gestuelle de domination sexuelle omniprésente dans le hardcore. Le choking, qui s’inscrit dans le répertoire asphyxie érotique des "jeux" BDSM, n’a rien d’anodin et sa banalisation est d’autant plus inquiétante qu’il peut occasionner des dommages cérébraux irréversibles et dans le pire des cas conduire au décès.
L’érotisation de l’asphyxie, asphyxiaphilia de son nom savant, navigue dans les eaux les plus sulfureuses, les plus redoutables, de l’univers BDSM. Car son objectif est d’intensifier le rendu émotionnel de la volupté et de l’orgasme en combinant les effets euphorisants de la privation d’oxygène à l’excitation psychique induite par le simulacre érogène de la mort. Contrairement aux autres scénarios BDSM ceux qui intègrent l’asphyxie se jouent sur une scène où le risque est bien réel. On notera que dans leur quasi-totalité les accidents mortels qui surviennent lors de séances BDSM ont pour fond des jeux de contrôle de la respiration.
L'asphyxie et le choking
L’asphyxie est un terme médical qui réfère à la réduction partielle ou totale de la quantité d’oxygène et à l’augmentation du taux de dioxyde de carbone présents dans le sang. Elle se manifeste d’abord par une perte de connaissance, prélude à une mort certaine si rien n’est entrepris pour oxygéner le sang. Provoquent l’asphyxie :
- la fausse route ;
- la noyade ;
- la suffocation ;
- la strangulation ;
- l’inhalation de gaz toxiques ;
- la compression du thorax ;
- la rétrécissement du larynx ;
- le confinement excessif de la bouche et du nez.
Dans son acception érotique l’asphyxie est sciemment provoquée, il s’agit :
- d’empêcher l’air d’entrer dans les poumons via l’usage de masque à gaz, de sac en plastique, en plaquant les mains sur la bouche et le nez, en comprimant la trachée ou encore en compressant la cage thoracique ;
- ou de compresser, par la strangulation, les artères carotides et les veines jugulaires.
Le choking est un étranglement manuel qui en théorie épargne les voies respiratoires pour ne compresser que les artères carotides et les veines jugulaires. Techniquement parlant, une pression de 2 kilos/cm2 sur ces dernières provoque une stase veineuse c’est-à-dire un blocage du retour sanguin vers les poumons, lequel induit une élévation du taux de CO2 dans le sang nommée hypercapnie. Lorsque la pression atteint 5 kilos/cm2 les artères carotides sont suffisamment comprimées pour faire chuter dramatiquement la quantité d’oxygène apportée par le sang au cerveau. Le phénomène génère une hypoxie cérébrale. L’asphyxie résulte de la combinaison hypercapnie-hypoxie.
Les premiers symptômes de l’asphyxie se traduisent par des bourdonnements et/ou des sifflements d’oreille, des coups sourds au niveau des tempes, une vision troublée, des hallucinations, des jambes lourdes et un rougissement du visage. S'en suit la perte de connaissance, l’asphyxie s’aggrave et s’accompagne de mouvements convulsifs qui témoignent de la souffrance cérébrale. Puis survient le coma, avec ralentissement du rythme cardiaque. Si l’étranglement se poursuit, l'hypoxie se commue en anoxie, soit l’absence totale d’oxygène dans le sang, qui entraîne l'arrêt cardiaque. Lorsque celui n’est pas récupéré rapidement par un massage externe efficace, les chances de survie sans séquelles sont quasi inexistantes. Dans la plupart des cas l’individu souffrira à vie de déficiences cérébro-motrices majeures, avec perte d’autonomie et nécessité d’être assisté par une tierce personne pour tous les actes courants de la vie. Enfin dans le pire des scénarios l’asphyxie se conclut par la mort. Il est à noter que la répétition des épisodes d’asphyxie érotique, même maîtrisée, engendre des destructions cellulaires qui altèrent immanquablement les fonctions physiques, psychiques et cognitives de l’individu.
L'inconscience de la banalisation
La dépathologisation des pratiques BDSM, indispensable à une juste appréhension des sexualités alternatives, à une déstigmatisation légitime de ses adeptes, a malheureusement ouvert la voie à un discours prosélyte, porté par les pornographes, dont la toxicité se révèle au travers de la recrudescence des dérapages tragiques. Le fait a été mis en exergue dans l’article « The fatal, hateful rise of choking during sex » paru dans Le Guardian en juillet 2019. Comme tous les " jeux " érotiques qui s’organisent autour de la privation d’oxygène, le choking ne peut en aucun cas être présenté comme une simple variante de l’érotisme BDSM, totalement inoffensive dès lors que certaines règles de sécurité seraient respectées. Experts médicaux et initié.es confirment qu’il est illusoire de croire à la possibilité d’expérimenter le choking sans prendre de risques. Car ici le moindre faux pas gestuel, la moindre erreur de lecture des réactions de la personne soumise au choking mettent en péril son intégrité cérébrale et à l’extrême sa vie elle-même.
Mais plus encore, cette expérience érogène du dépassement des limites qui entretient un rapport assumé avec le droit de vie et de mort, devrait, avant tout passage à l’acte, être assortie d’une consultation sexologique afin de s’assurer que le désir s’inscrit dans une dimension ludique et non pathologique. En clair si des enjeux cathartiques se cachent derrière ce à quoi l’on aspire expérimenter dans la transgression, il est alors expressément conseillé de s’abstenir. Remarquons que la validation éthique de la mise en scène du scénario érotique ne peut présentement se contenter de l’expression, aussi claire soit-elle, du consentement, laquelle se montre insuffisante pour écarter l’existence d’une tentative inconsciente de lutter contre un état dépressif, suicidaire, ou de remédier à un traumatisme vécu et resté latent.
Selon une étude parue dans « National Library of Medicine », 58% des 24 jeunes femmes (18-33 ans) impliquées dans l’enquête ont reconnu avoir expérimenté le choking, dont la plupart pour répondre à une demande expresse de leur partenaire. Il est incontestable que nous assistons à la vulgarisation d'une pratique qui ne manquera pas de faire des dégâts. Comment pourrait-il en être autrement quand des individus, dont la fonction érotique pornifiée à été formatée à l'adoption de comportements érogènes violents, non consensuels, non ludiques, conséquemment pathologiques, autrement dit pervers, s'engagent dans le BDSM ? Les pouvoirs publics doivent prendre leurs responsabilités pour endiguer la mode du choking, sanctionner les pornographes et ceux qui en font l’ostensible publicité, tel le site REDBUBBLE qui propose des tee-shirts on ne peut plus prosélytes. Tout n'est pas acceptable au nom de la liberté d'exploration des champs de l'érotisme...
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