Nikki Pecasso, satire et militantisme
Jeune plasticienne et féministe canadienne, Nikki Pecasso, envoie un message clair : "Fuck le patriarcat".

La féminité érotique sans fard.
La sexualité n’est plus taboue. En théorie sûrement, en pratique la nuance s’impose. Car c’est avant tout celle des hommes que la société accepte... et promeut au travers de la pornographie. Si le sexuellement explicite envahit tous les espaces médiatiques, laissant croire que nous nous sommes émancipé.es des carcans moralistes, l’appréhension des désirs et fantasmes féminins, dès lors qu’ils se montrent dans leur dimension autonome, indépendante des représentations masculines, suscite une palette de réactions allant de la méfiance au dégoût.
C'est une réalité, la plupart des hommes sont terrifiés par la nature vraie de l'érotisme féminin. Trop puissant, trop exigeant, pour que ne soit pas mise en évidence la faiblesse endémique de leur virilité. Dans le secret des alcôves se joue et se rejoue la tragédie de l'échec érectile. L'humiliation guette les machos. S'impose alors un impératif : objectifier le corps féminin pour sauvegarder les apparences de la domination.
Toutefois, l'époque est à la rébellion, l'hostilité à la masculinité un combat pour la révélation des vérités enfouies. Dans cette perspective, de jeunes plasticiennes montent aux créneaux et dévoilent l'invisibilisé. Il en est ainsi de Nikki Pecasso, artiste canadienne, vivant et travaillant à Vancouver.
Manifestant un intérêt prononcé pour la critique acerbe de la société contemporaine, l’artiste pourfend ses contradictions. Comme le double standard sexuel, une position de jugement qui veut qu’à comportement identique les hommes soient indulgés quand les femmes sont blâmées, un sexisme qui autorise aux garçons d'exprimer librement leurs désirs et enjoint les filles de les taire.
Dans une interview donnée au site Kaltblut, elle avoue que ses illustrations s’inspirent principalement de ses expériences, de son combat pour accepter son corps et accéder à un érotisme débarrassé des à priori. C’est donc un récit autobiographique, une mise en scène de ses émotions sensuelles, qu’elle propose au regard des spectatrices...et spectateurs, un récit dénué de faux-semblants et d’autocensure.
Nikki Pecasso c’est du cash, une monstration sans équivoque de l'ob/scène féminin, et un objectif socio-politique clairement affirmé : « N’arrêtez pas de vous révéler. Ne bridez pas votre sexualité, d’aucune manière. La culture occidentale tente de faire obstacle à la libre célébration de la féminité. Celles qui s’y risquent, subissent le slut-shaming, le harcèlement moral, les agressions sexuelles et sont déconsidérées. Trop c’est trop ! Nous avons besoin de plus d’art et d’espaces sexpositifs pour rendre les femmes sexuellement libres…Fuck le patriarcat. » Le message est clair. Si la plasticienne recueille dans l’ensemble des réactions enthousiastes, elle n’échappe pas à la violence de certains commentaires et sans surprise, à la censure. Son compte Insta a été supprimé à plusieurs reprises : plus que simples avatars, de vrais coups d’arrêt à l'exposition de son travail, des tentatives de silencier sa voix contestataire. L'authenticité de son propos dérange, il est donc indispensable !
Pour aborder le travail de la plasticienne, il est nécessaire de souligner l’importance du point de vue : celui d’une artiste contemporaine, féministe, qui interroge la figuration érogène du nu féminin dans l’histoire de l’art. Car jusqu’à un passé récent, le sujet, confisqué par les artistes masculins, a eu pour dessein de capter l’attention, de gagner l’intérêt du mâle hétéro en mobilisant la fascination quasi irrésistible qu’il exerce sur lui.
Aujourd’hui, sur le même principe, le nu féminin sert essentiellement la cause des publicitaires. Réifié à des fins mercantiles, sa réduction à un objet de désir vise la satisfaction du « male gaze ». Mais s'emparer du nu féminin, pour lui donner d’autres perspectives, le libérer de l’emprise phallocrate, en reprenant les codes visuels qui aiguillonnent la fantasmatique masculine, est un pari risqué. Car il n’est pas évident de différencier, de prime abord, les intentions qui animent la figuration d’un corps féminin érotisé. Il faut donc contextualiser pour comprendre le message de Nikki Pecasso, entendre que l'artiste ne cherche pas à contenter le « male gaze », mais à signifier, par la provocation satirique, que les femmes investiront désormais le champ érotique sans complexe ; que leurs corps ne sont plus objectifiables, mais libres d’expérimenter désirs et fantasmes. Fuck le patriarcat !
{reply-to}{comment}{status-info}
Poster un commentaire