Sphère émotionnelle

Orgasme multiple, quelle réalité ?

Orgasme multiple, quelle réalité ?

Orgasme multiple, quelle réalité ?

L’orgasme est défini comme un sentiment d’intense plaisir sexuel provocant un état de conscience modifié qui amène une profonde sensation de bien-être.

Mais au-delà de cette description, que savons-nous vraiment de ce moment d’explosion, d’embrasement et de symphonie neuronale ? Certainement guère plus que nous n’en connaissons sur les trous noirs. Nous pouvons affirmer qu’ils existent, nous pouvons en repérer les manifestations, les observer, mais ils restent mystérieux. L’orgasme en général est source de nombreuses interrogations et si les scientifiques travaillent pour lever le voile sur ses mécanismes, ils reconnaissent humblement qu’il leur donne du fil à retordre. La palme des incertitudes revient certainement à l’orgasme féminin, dont le déclenchement et la fonction restent au centre de récurrentes controverses au sein de la communauté des spécialistes de la sexualité. L’appareil génital féminin est d’une grande complexité et il est probable qu’il nous réserve encore de nombreuses surprises. Bien sûr nous en savons plus qu’au XIXème siècle, aucun gynécologue ne se cache plus derrière un voile pour examiner le sexe de ses patientes, et nous avons mis de côté les recherches futiles comme celles qui se proposaient de déterminer si le sang des menstrues contenait ou non une substance toxique, la ménotoxine, capable de faire dépérir les fleurs. Toujours est-il que la sexualité féminine n’est vraiment étudiée que depuis peu, contrairement à sa contrepartie masculine qui a été au centre de toutes les attentions depuis plus d’un siècle. 

Les travaux entrepris depuis les années 1980 n’ont pas encore donné réponses à toutes nos questions mais nous avons progresser. Notamment, nous avons compris qu’il n’était plus possible d’aborder la jouissance féminine par le seul prisme de la jouissance masculine. Les différences étant nettement supérieures aux analogies. Par exemple, aucune barrière neurophysiologique n'interdit aux femmes l’accès à l'orgasme multiple, elles ne sont pas soumises à une période réfractaire post-orgasmique systématique comme le sont les hommes. Nous percevons mieux que la jouissance des femmes n'est pas simple affaire de mécanique, des facteurs cognitifs, historiques, psychologiques et psychiques prenant une part prépondérante dans sa réussite. L’environnement plus ou moins sécure, la qualité du partenaire, l’amour et/ou l’admiration portés à celui-ci, la connaissance qu’elles ont de leur corps, leur disposition émotionnelle, leur éducation, leur vécu, sont à même de faciliter ou de bloquer leur jouissance. 

Pour les femmes d'aujourd’hui, l’orgasme est devenu le symbole d’une sexualité aboutie et pleinement satisfaisante. Toutefois, les statistiques montrent qu’un faible nombre d'entre elles l’atteignent lors du coït et qu’une frange non négligeable de la population féminine hétéro n’en sait pas plus que ce qu’elle peut en lire dans les magazines. Entre la réalité et la fiction il y a parfois des fossés qui ressemblent à des abîmes et il suffit de nous remémorer ces films où des amants fougueux jouissent à plein volume, dans une voiture, puis contre un mur, puis sous la douche, puis sur une descente de lit puis…puis…, pour percevoir à quel point nous fantasmons notre sexualité. L’orgasme féminin est soumis à des lois capricieuses et jouir au moins une fois à chaque rapport comblerait la grande majorité de la gent féminine, quant à enchaîner les orgasmes lors d’un même rapport… Rappelons que l’orgasme par pénétration seule, concerne 20% des femmes, sans être un épiphénomène, c’est peu. Quant à la disposition pour l’orgasme multiple via la pénétration, elle semble réservée à une poignée de privilégiées. 

L'orgasme multiple, mythe ou réalité ?

Quand nous évoquons l’orgasme multiple, nous faisons référence à la capacité d’enchaîner les climax lors du coït, que ce soit avec un ou plusieurs partenaires. Bien qu’il soit difficile de rendre compte du vécu subjectif de la jouissance, il appert clairement des témoignages que ces orgasmes sont d’une nature différente des orgasmes obtenus par stimulation du gland clitoridien. Plus profonds, moins explosifs, d’intensité fluctuante, ils se succèdent à intervalles de temps variables et plongent les heureuses élues dans un bain de volupté absolument délicieux. Cet état de désir continu, que l’on pourrait qualifier d’insatiable si le mot n’était teinté de connotation négative, peut perdurer plusieurs heures et dans ce cas un seul amant ne peut suffire pour accompagner la dame dans son voyage émotionnel. Compte tenu de l’aspect protéiforme de la jouissance féminine, il n’est pas envisageable d’appliquer une recette pour atteindre l’extase prolongée mais nous devons reconnaître que les femmes multi-orgasmiques ont en commun la gourmandise sexuelle, l’absence d’inhibition, la confiance en soi et la parfaite connaissance de leur corps. L’orgasme coïtal pluriel est une spécificité que peu de femmes expérimentent dans leur vie, par contre beaucoup plus nombreuses sont celles qui par des caresses appropriées du gland clitoridien arrivent à enchaîner, sur une ou deux heures de temps, trois ou quatre climax. 

L’orgasme pluriel existe aussi dans une forme extrême : le syndrome d’excitation génitale persistante (SEGP). Pour les femmes souffrant de cette dysfonction sexuelle, obligées de se masturber plusieurs fois par jour pour résoudre leurs tensions, le nombre d’orgasmes journaliers peut se compter en dizaine. Malheureusement, pour ces dernières, ils ne sont pas synonymes de plaisir mais au mieux, un moyen d’obtenir, pendant un temps relatif, parfois à peine une quinzaine de minutes, un certain répit. 

Bien que leur réalité soit attestée depuis les années 1930, les femmes multi-orgasmiques sont rares. William Master et Virginia Johnson avaient défini que leur nombre oscillait entre 14 et 16% de la population féminine. Remarquons qu’à cette époque, les chercheurs ne disposaient pas des technologies IRM ou électroencéphalographiques actuelles et à défaut de pouvoir saisir avec toute l’exactitude nécessaire les manifestations physiques et neurophysiologiques de l’orgasme, ils devaient s’en remettre aux dires de leurs patientes, méthode aléatoire s’il en est. Aujourd’hui nous possédons cet arsenal d’outils d’investigation permettant d’entreprendre une dissection méthodique et minutieuse de l’orgasme. L’afflux de sang dans les parties génitales, les zones du cerveau impliquées, le cocktail chimico-hormonal dans lequel nous baignons, les changements de rythme cardiaque, les contractions musculaires, tout peut être précisément analysé. 

Toutefois, malgré les performances technologiques, l’orgasme en mode unique est encore loin d’avoir révélé tous ses secrets et dans sa forme multiple, il défie carrément la compréhension des scientifiques. Cela ne les pas empêché, pour autant, de formuler plusieurs hypothèses. Avant l’orgasme, les ondes cérébrales alpha, qui caractérisent un état de conscience apaisé, voient leur fréquence vibratoire diminuer et il aurait été démontré que chez les femmes multi-orgasmiques, la fréquence moyenne de ces ondes serait naturellement basse. En d’autres termes, leur cerveau foncièrement plus calme autoriserait un meilleur accès à la jouissance. Mais cette hypothèse reste pour l’instant une hypothèse. Dans la gamme des possibles vecteurs des orgasme à répétition, nous retrouvons le très contesté point G. Ovni gynécologique pour Terence Hines, professeur de neurologie, ou réalité attestée par quelques femmes, l’hypothèse de son implication dans le processus orgasmique est loin de faire l’unanimité. Que la science n’ait toujours pas découvert le pourquoi du comment de l'orgasme multiple n’empêche pas, d’un point de vue empirique, de souligner qu’au moins une partie des femmes multi-orgasmiques ont une connaissance approfondie de leur appareil génital et une parfaite maîtrise de leurs muscles périnéaux. 

Peut-être serait-il intéressant d’analyser le multi-orgasme à la lumière d’un autre phénomène, l’accouchement orgasmique. À la lecture des récits de ces femmes qui ont vécu cette expérience hors norme, il devient difficile de ne pas se poser quelques questions. En effet, d’après leurs dires, pendant la phase d’expulsion de leur enfant, chacune des contractions d’expulsion s’est accompagnée d’un orgasme intense ou du moins d’une sensation orgasmique intense. Autant de contractions, autant d’orgasmes. En comparant les phénomènes neurophysiologiques qui accompagnent une contraction et ceux qui accompagnent l'orgasme, nous ne pouvons qu’être étonnés par leurs étranges similitudes. Nous nous demandons alors si cet orgasme n’aurait pas pour fonction d’accompagner l’expulsion du bébé, d’amoindrir la douleur générée par la distension des tissus vaginaux. L’hypothèse impliquerait que la multi-orgasmie soit une caractéristique commune à toutes les femmes, certaines pouvant pour des raisons à déterminer, la détourner à des fins de jouissance pure. Hypothèse qui permettrait aussi d’appréhender la fonction de l’orgasme féminin, dans le cadre de la reproduction, sous un nouvel angle. Les recherches entreprises pour déterminer si oui ou non l’orgasme féminin à une fonction dans le cadre de la reproduction se sont jusqu’à présent focalisées sur le temps coïtal. Mais nous n’inventons rien, le processus de reproduction commence avec le coït et se termine par l’accouchement et le restreindre à la première étape ne peut qu'être le résultat d’une conception androcentrée de la sexualité. Pas forcément surprenant quand on sait que jusqu’à ces dernières années, les spécialistes du domaine étaient majoritairement des hommes. 

Pour terminer cet article nous voudrions attirer l’attention sur le matraquage médiatique qui tend à faire de l’orgasme féminin le symbole de l’excellence des rapports intimes. Si nous ne nions pas qu’il est un plus, il ne doit pas à contrario transformer en échec des relations sexuelles qui jusqu’à lors donnaient entière satisfaction. Pour autant qu’on le sache, les femmes sont capables de prendre énormément de plaisir sans pour cela atteindre l’orgasme et se sentir lésées ou frustrées. La compréhension de la sexualité féminine qui passe par le prisme de celle des hommes ne peut que nous conduire à des erreurs d’appréciation et de mettre en évidence de fausses problématiques. La volupté et ses raffinements subtils se savourent de différentes manières, aucune femme ne ressemble à une autre, mais toutes doivent s’autoriser à explorer les potentialités de la jouissance sans tabous ni idées reçues. 

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