Témoignage : la pornodépendance, un mal contemporain

Témoignage : la pornodépendance, un mal contemporain

Diplômé de l'Institut de Sexologie du docteur Jacques Waynberg, Eric Royer répond aux questions des abonnés.es.

Dysfonctionnement de la relation intime en lien avec la pornodépendance

Monica, 33 ans, assistante maternelle

Voilà plus de dix ans que nous sommes mariés et nous sommes dans notre trentaine. Nous avons connu une vie sexuelle assez dense, voire très dense. Cela était très satisfaisant pour moi, mais voilà deux ans notre complicité sexuelle s’est détériorée. En gros mon mari n’est plus capable d’avoir d’orgasme sauf à regarder des vidéos pornos en même temps que nous faisons l’amour, ce que je déteste par-dessus-tout. Peu importe qu’il sache que ça me dérange, nous en avons parlé plein de fois. Je me sens mal et plus du tout désirable. Je lui en veux énormément et je me demande comment sortir de cette histoire.

Ce que j’en pense

De toute évidence votre mari, comme nombre d’hommes, a sombré dans la pornodépendance. Autrement dit, la sexualité romantique, consensuelle, bâtit sur le désir et les émotions partagés a perdu toutes ses capacités érogènes. L’expression de son potentiel émotionnel est maintenant dépendante d’un contexte pornifié, d’une objectification du féminin, ce qui marque l'état de pornodépendance. Il est difficile de l’entendre, mais vous en êtes réduite à jouer l’objet masturbatoire, vous avez perdu votre statut de sujet désirant donc une grande part de votre humanité et l’on peut comprendre que vous vous sentiez au plus mal. Il ne pourrait en être différemment. Il est donc tout à fait légitime que vous souhaitiez sortir de cette histoire, on l’envisagerait à moins. 

Votre mari doit reconnaître sa problématique de pornodépendance, la souffrance que vous endurez et accepter de s’engager dans un processus thérapeutique lui permettant de reprendre possession de son potentiel émotionnel. C’est la condition sine qua non pour envisager un retour à une vie intime épanouissante pour lui et vous. La situation n'est pas désespérée, mais je ne vous cache pas que vous devrez faire preuve de patience. Pour l’heure, je vous conseille de refuser toute relation intime et ceci dans le but principal de vous protéger. Comprenez que la nature des comportements sexuels de votre époux doit être qualifiée de pathologique et que vous devez vous en préserver. À défaut vous vous condamnerez à souffrir inutilement, à perdre l'estime de vous, mais aussi à vous enfoncer dans une perception de plus en plus négative de vos relations intimes qui à terme débouchera sur l'éclosion d'un sentiment de dégoût marquant le point de non-retour.

Notez enfin qu’un dysfonctionnement des relations intimes est toujours symptomatique d’une perturbation de l’écosystème de l’individu et/ou du couple et qu’il ne doit pas être considéré comme un évènement isolé sans lien avec l’ensemble des éléments constitutifs des écosystèmes mentionnés. 

Les réflexions proposées s’établissent sur les faits que vous rapportez. Pour poser un diagnostic précis, il est indispensable d'avoir la vision la plus holistique possible de votre situation et la consultation sexologique est la seule option envisageable.

* Crédit illustration : Jacqueline Lamba. La femme blonde. 1930