Sphère émotionnelle

Témoignage : le fétichisme dans le couple

Témoignage : le fétichisme dans le couple

Diplômé de l'Institut de Sexologie du docteur Jacques Waynberg, Eric Royer répond aux questions des abonnés.es.

Témoignage : le fétichisme dans le couple

Fétichisme : ludique ou pathologique ?

Laura, 49 ans, éducatrice sportive

J’ai 49 ans et je suis très amoureuse de mon compagnon qui lui a 58 ans. Cela fait huit ans que nous sommes ensemble. Quand je l’ai rencontré j’étais enthousiaste à l’idée d’avoir trouvé une personne attentionnée et sexuellement compatible. Nous avons fait de nombreuses expériences toujours très satisfaisantes. Mon compagnon a une attirance pour les jupes serrées, les bas et les talons aiguilles, ce qui me convenait parfaitement il y a encore quelques temps. Mais depuis une année environ, il ne conçoit plus faire l’amour sans que je m’habille comme il aime. Il n’y a plus de sexe spontané, le matin par exemple, et je commence à me sentir mal dans ma peau, j’ai l’impression de ne pas être sexy au naturel, moche, et je perds la confiance que j’avais en moi. Quand je lui dis que j’aimerais ne pas avoir à me "déguiser"  à chaque fois, il me répond : "Tu sais bien ce que j’apprécie." Il est toujours aussi charmant dans la vie de tous les jours, mais notre vie sexuelle est devenue compliquée, il y a moins de confiance. Je ne crois pas que le sexe devrait demander autant d’effort. Pourtant je continue à satisfaire son fantasme, à mes dépends car j’aimerais bien être excitante pour ce que je suis et pas pour ce que je porte. Est-ce que c’est moi qui suis trop coincée ?

Ce que j'en pense

Tout d’abord la question n’est pas de savoir si vous êtes trop coincée. C’est un poncif, mais il est bien de rappeler que les goûts et les couleurs ne s'imposent pas, a fortiori dans le champ des relations intimes. On notera par ailleurs qu’en la matière le moins-disant doit toujours être celui qui a autorité pour délimiter l’aire de jeu, sa nature et ses composantes érogènes. Un principe qui n'interdit pas de cultiver l'audace de la parole et du geste.

Selon vos dires, vous et votre compagnon avez montré, pendant plusieurs années, une coopération complice de vos fonctions érotiques, de vos potentiels aphrodisiaques, un goût partagé pour la manière avec laquelle il convenait d'aborder l'érotisation de la sexualité, de la mettre en scène. Vous manifestez une aptitude à vous émouvoir de la fragmentation esthétisée du corps, ce qui factuellement vous range la famille des couples fétichistes. Toutefois, la théâtralisation de votre corps, aujourd'hui systématique et non négociable, jette un trouble légitime sur l'intérêt que vous porte votre partenaire en tant que sujet érotique et au-delà en tant que personne. Qu'il ne réponde qu'à un seul et unique stimulus érogène présuppose qu'il s’est enfermé dans un fétichisme exclusif et excluant, à la fois les autres scénarios, mais aussi vous en tant que participante active du projet érotique. Si son potentiel émotionnel ne s'exprime plus que dans un contexte aphrodisiaque monolithique, alors a été franchie une des lignes rouges qui séparent le fétichisme ludique, du fétichisme "pathologique". 

Je relève que vous percevez n’être aujourd’hui qu’un objet fantasmatique sans lien avec de ce qui vous fait érotiquement vibrer, ce qui vous épanouit. De toute évidence, le jeu sensuel qui vous animait n'a plus d'existence pragmatique car le "contrat érotique" a été rompu. Le fétichisme qui vous émoustillait n'est plus celui qui vous est proposé, il s'y réfère, mais en diffère par ses ressorts érogènes "pervertis". Vous étiez co-metteuse en scène d'une théâtralité et l'on vous demande d'en être désormais la simple figurante. Exclue de la gestion du jeu érogène, en toute logique, vous n'y trouvez plus de sens.  

Vous dîtes j’aimerai être excitante pour ce que je suis et non pour ce que je porte. Cette revendication traduit la pénibilité de l'image que vous renvoie votre partenaire, image d'un objet et non plus d'un sujet érotique. L'objectification déshumanise, l'objet sexuel est un objet prostitutionnel, pornifié. Bien sûr, en l'état de la situation il est contreproductif, pour votre équilibre émotionnel, de vous soumettre, de consentir sans désir, ne serait-ce qu’une fois de temps en temps. Il faut maintenant agir et consulter rapidement un ou une sexologue.

Les réflexions proposées s’établissent sur les faits que vous rapportez. Pour poser un diagnostic il est indispensable d'avoir la vision la plus holistique possible de la situation et la consultation sexologique en couple est la seule option possible.

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