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Appel à témoignage : La sexualité féminine et la consommation abusive d’alcool

Appel à témoignage : La sexualité féminine et la consommation abusive d’alcool

Comprendre le fondement des dysfonctionnements sexuels et érotiques de la femme alcoolique pour établir de nouveaux protocoles de soin.

Appel à témoignage : La sexualité féminine et la consommation abusive d’alcool

Quand l'alcool empoisonne les relations intimes : comprendre pour mieux agir

Bien que de nombreuses recherches aient porté la focale sur l’alcoolisme des femmes, ses conséquences délétères sur leurs relations intimes sont encore largement ignorées des études et des protocoles de soins. De fait, il n’existe pas de modèles thérapeutiques en mesure de guider les cliniciens dans leur appréhension des problématiques sexuelles féminines induites par la surconsommation d’alcool. Comme le souligne la sexothérapeute Helen Singer Kaplan, sans une vraie estime de soi il est difficile de connaître la plénitude émotionnelle de la sexualité érogène. De fait, l’addiction, qui doit être considérée comme la résultante ou la cause d’un désordre émotionnel, affectif et relationnel, constitue un redoutable obstacle au vécu d'une relation intime épanouissante. 

S'il est généralement reconnu à l'alcoolisation un pouvoir désinhibiteur favorisant les rapprochements physiques, les sous-sols de ce lieu-commun abritent deux axiomes pernicieux : boire rend les hommes plus entreprenants et les femmes plus disponibles. Le rapport que nos sociétés entretiennent avec la consommation d’alcool est donc extrêmement équivoque et genré. Une femme qui a bu « déraisonnablement » est encore considérée comme une « proie consentante », une femme aux mœurs légères et forcément extraverties... une appréciation stigmatisante de l’ébriété qui ne concerne pas les hommes dont l’ivresse est plus volontiers appréhendée sous l’angle de la joyeuse socialisation. En 1982, Richardson et Campbell ont demandé à 187 étudiants, filles et garçons, de se prononcer sur quatre scénarios de viols. Dans le premier le violeur était prétendu ivre, dans le second c’était la victime, dans le troisième les deux étaient censés l'être, quand dans le dernier l'agresseur et sa victime étaient réputés non-alcoolisés. Au final, les étudiants des deux sexes ont fait porter à la victime en état d'ivresse la responsabilité de son agression, même dans le scénario ou son agresseur l’était aussi. Bien que dans ces cas le viol soit le fruit d’un véritable abus de faiblesse, l’état d’ébriété amputant la faculté à réagir avec promptitude et discernement, le préjugé social d’une plus importante exubérance sexuelle de la femme alcoolisée, s’accompagnant d’un présupposé « aguicheur », tendent à dédouaner l’agresseur de ses actes criminels. 

Deux études (Covington 1984 & 1986) ont montré que les femmes alcooliques expérimentaient des rapports sexuels plus fréquemment humiliants, dégradants, violents et non consentis que les femmes sobres. Cette répétition des comportements sexuels abusifs, qui altère leur fonction érotique, ne leur permet plus de vivre sereinement leur sexualité érogène quand bien même elles le souhaiteraient. Il est donc important que le thérapeute ait conscience que, sous la pénibilité exprimée de ses rapports intimes, la femme alcoolique est susceptible de « cacher » un passif d’agressions sexuelles et que d'un autre point de vue les dysfonctionnements de l’érotisme de couple peuvent être sous-tendus par une addiction à l’alcool ignorée du partenaire. Rappelons que la femme alcoolique subissant l'opprobre systématique de la société manifestera une réticence compréhensible à la confession de sa dépendance.

La surconsommation d’alcool n’affecte pas que les comportements. L’abus d’alcool ralentit la congestion des parties génitales et restreint la lubrification vaginale, la réponse sensitive diminue d’autant, dégradant le ressenti, l’accès aux émotions voluptueuses et à l'orgasme. En 1982, Covington et Cohen ont produit une étude montrant des cas de dyspareunie et de spasmes vaginaux interdisant tout coït non-douloureux. Paradoxalement l’état d’alcoolisation s’accompagne souvent d’une plus importante appétence pour la jouissance, un désir d’en jouir qui malheureusement n’est que très rarement contenté. Inversement, il a été constaté que prises dans la spirale de l’addiction nombre de femmes rapportaient une érosion partielle ou totale de leur intérêt pour les relations intimes. 

Les effets toxiques de l’alcoolisation abusive ne se limitent pas à l’instant. Il a été noté dans l’étude Covington de 1982 que les dysfonctions érogènes et sexuelles perduraient pendant les périodes de sobriété, les premiers mois d’un processus de sevrage et parfois bien au-delà. Ainsi, bien qu’abstinentes depuis de longues années, certaines femmes se plaignent d’une sexualité toujours aussi médiocre et pénible. Retrouver la voie de la plénitude sexuelle est un processus dont l’issue favorable n’est pas garantie par le seul renoncement à la consommation. In fine, la question essentielle est celle de l’identité érotique véritable de la femme alcoolique qui a tendance à confondre des comportements sexuels développés sous l’emprise d’alcool et son orientation érotique réelle. Raison pour laquelle de nombreuses abstinentes rapportent se sentir « sexuellement mortes » et que l’empreinte mnésique de leur sexualité érogène antérieure peut les inciter à consommer de nouveau. On le comprend la désintoxication n’est pas qu’une question de sevrage, mais aussi de reconstruction de la personnalité érotique. Le recouvrement d’une sexualité érogène satisfaisante paraît donc indispensable à la réussite du projet de guérison.

Afin de mieux comprendre le fondement des dysfonctionnements érotiques et sexuels de la femme alcoolique, Osphères et Hervé Delecroix, sexothérapeute et sexologue, lancent un appel à témoignage. Vous êtes enfermées dans une addiction à l’alcool et vos relations intimes en pâtissent, n’hésitez pas à partager vos retours d’expériences, vous contribuerez ainsi à l’établissement de protocoles de soins adaptés. Nous vous assurons de la plus totale confidentialité et vous remercions d’avance pour votre participation à une nouvelle forme de prise en charge des femmes souffrant d’alcoolisme.

Contact : Hervé Delecroix 06 04 03 79 55/herve@zenobulles.fr




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