Contrôler l'éjaculation, dominer ses émotions
L’hypothèse d’éjaculation prématurée n’a finalement de sens que dans une conception sommaire et normative des relations intimes.

L'éjaculation rapide est un donné naturel, pas un trouble de la sexualité
En préambule rappelons que la notion d’éjaculation précoce ou prématurée stigmatise un donné naturel. L’économie du geste fait partie des objectifs de l’évolution, l’énergie est un bien précieux et l’optimisation de sa consommation un élément clé de la pérennité des espèces. L’éjaculation est rapide parce que la nature veille à la dépense et que rien ne justifie qu’il en soit autrement. Néanmoins on admettra, à la seule et unique condition qu’elle se produise en amont de l’intromission et dans le cadre de la fécondation, que l’éjaculation puisse être qualifiée de précoce, de prématurée.
La précocité, un concept flou
C’est au cours des années soixante que le donné naturel devient un trouble de la sexualité masculine. Émerge alors l’idée que les rapports sexuels doivent apporter un minimum de satisfaction, que le plaisir des femmes n'est pas la cerise sur le gâteau des relations intimes. Dans le discours l’iniquité de la jouissance perd son caractère tabou et ces messieurs sont enjoints à l’endurance. Fait remarquable, en un demi-siècle la durée d’un coït dit "satisfaisant" passera de trois à vingt-cinq minutes et on se demande si, au sens contemporain, la précocité ne qualifierait pas toutes éjaculations qui précèdent l’orgasme coïtal féminin.
Si pour un homme normalement constitué, trente secondes de stimulation pénienne suffisent pour déclencher une éjaculation, on comprend qu’en dehors d’un objectif reproductif la brièveté du rapport soit vécue par certaines partenaires comme une source de frustration. Toutefois, comment jauger la précocité d’une éjaculation autrement qu’au regard de la subjectivité d’un désir insatisfait ? Comment définir une durée idéale quand chaque couple en a sa propre et unique appréhension ?
L’éjaculation rapide a mauvaise presse car la sexualité érogène est prisonnière de ses représentations traditionnelles, historiques, organisées autour de la performance coïtale. Sans juger de la valeur émotionnelle qu’un couple accorde au rituel du coït, il est possible de l’inviter à repenser sa sexualité à l’aulne de pratiques où il ne constitue pas la centralité de l’expérience érotique. Ce qui est appréhendé en terme d’handicap peut être l’occasion d’inventer d’autres manières d’en jouir. La notion d’éjaculation prématurée dans le cadre de la sexualité érogène, dont le coït n’est qu’un des possibles, n’a finalement de sens que dans une conception sommaire et normative des relations intimes.

La requête de performance
Lorsque la sexualité érogène du couple s’établit sur des bases typiquement coïtales, que les deux parties en partagent le désir et la frustration, la demande de "performance" doit être entendue pour ce qu’elle est. Pour autant, on n’y répondra pas, en termes de thérapie sexocorporelle et encore moins de traitements médicamenteux ; des solutions préconisées par l’écrasante majorité des sexologues, sexothérapeutes et sexiatres, sur la base d’une approche mécaniste de l’orgasme, d’une mécompréhension dramatique de sa nature. Car l’orgasme est essentiellement une fulgurance émotionnelle, le débordement explosif d’un trop-plein de stimuli, physiques, sensoriels, intellectuels. Le contrôle du réflexe éjaculatoire et de l’orgasme sont en conséquence tributaires du contrôle de l’émotivité, de l’emballement émotionnel.
D’expérience il est constaté que les hommes colériques, impulsifs et/ou qui manifestent une difficulté à contenir leurs larmes en public, à taire leur douleur, qui sont facilement déstabilisés, rouges de honte, explosifs dans le rire, etc.. ont aussi des difficultés à contenir leurs émotions érogènes. En définissant l’orgasme comme une décharge émotionnelle, au même titre que la colère éruptive ou le rire, on comprend que la maîtrise de l’éjaculation n’est pas affaire d’éducation par la masturbation. De fait le plaignant doit entendre que le potentiel de contention de ses émotions érogènes ne peut se développer en dehors d’une prise de conscience que c’est l’émotivité au sens large qu’il faudra travailler. Raison pour laquelle, dans une perspective thérapeutique, les compétences des sophrologues, yogistes, ou de tout autre praticien travaillant sur la maîtrise de soi, peuvent être requises.
Cependant, on considérera les doléances avec circonspection. Tout d'abord parce qu'il peut être fait un usage frauduleux de l'incapacité à contenir l'éjaculation pour dissimuler l'égoïsme, la fainéantise ou le désintérêt. Ensuite parce que la requête de "performance" peut ne pas être partagée par les deux partenaires, ce qui arrive lorsque madame n’apprécie guère les prestations de monsieur et redoute la perspective d’une version longue du coït. On le voit, rien ne va jamais de soi dans l'expertise des problématiques sexuelles...
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