Covid 19 et cycles menstruels
Depuis plus d'un an un coronavirus d'un type nouveau bouleverse notre façon de vivre. Au-delà de la pénibilité d'une situation qui parait vouloir s'imposer durablement, les effets collatéraux et pernicieux de la propagation virale sont parfois déroutants.

Le dérèglement des cycles menstruels, l'effet le plus inattendu du coronavirus.
Depuis un an, un virus particulièrement retors nous contraint de vivre à moitié reclus. Cette situation extraordinaire à laquelle nous nous adaptons cahin-caha, a une multitude de conséquences. Certaines étaient prévisibles, d’autres beaucoup moins. Il était par exemple acquis que le confinement allait déboucher sur un baby-boom et il n’en sera rien. C’est même l’inverse qui s'est produit, un recul de la natalité qui pourrait atteindre 15% au niveau mondial. En France, après un répit en 2019, la baisse de la natalité s’inscrit à nouveau dans le déclin amorcé en 2010, mais de façon plus significative. Le confinement n’a donc pas favorisé la sexualité de couple. En cause le stress, un facteur connu pour nuire à la vitalité de la libido et pas seulement.
La mutation soudaine de notre écosystème, qui a rebrassé les cartes de nos relations sociales, accentué les incertitudes liées à l’emploi, fait craindre le pire pour notre santé et pour beaucoup jeté un voile noir sur l’avenir, a eu une autre répercussion inattendue sur la sexualité : un dérèglement du cycle menstruel qui a été suffisamment constaté pour qu’il ne soit pas anecdotique. Les témoignages se sont multipliés sur les réseaux sociaux. Le Guardian a dernièrement mentionné un sondage informel réalisé par la docteure Anita Singh faisant apparaître que plus de 60% des 5.677 femmes interrogées avaient noté un réel bouleversement de leur cycle menstruel et/ou de ses répercussions.
Covid 19 et cycles menstruels : perturbation d'un processus subtil et délicat.
Pour esquisser une explication il est important de rappeler le déroulement et la complexité d’un cycle menstruel. En théorie sa durée est de 28 jours, c’est une moyenne statistique, rien d’autre. Durant ces plus ou moins quatre semaines, se déroule un processus divisé en trois phases principales.
- La phase folliculaire. Du premier jour des règles et durant les 12-14 suivants, plusieurs follicules ovariens entament leur maturation. Durant cette phase une compétition s’engage entre les différents follicules sélectionnés dont un seul parviendra au stade de maturité requis : le follicule de Graaf. Rappelons qu’un follicule est un petit sac contenant un seul et unique ovocyte et que les ovaires en abritent une réserve de deux et à trois cent mille unités ;
- l’ovulation. Aux alentours du 14 jour le follicule de Graaf rompt sa membrane pour libérer son ovocyte mature qui, expulsé de l’ovaire, migre vers la trompe de Fallope pour une éventuelle fécondation dans les 12 à 24 heures ;
- la phase lutéale. Une fois son ovocyte libéré, le follicule de Graaf sous l’effet d’une hormone spécifique, se transforme en une glande, nommée corps jaune, pourvoyeuse de la progestérone nécessaire à la préparation la muqueuse utérine. Ténue en début de cycle, elle s’épaissit dans d’importantes proportions jusqu’au 20ème jour, instant à partir duquel l’utérus est prêt à recevoir l’ovocyte fécondé. Le cas échéant tout est en ordre pour son bon développement.
La variabilité du syndrome prémenstruel.
Si l’ovocyte n’a pas été fécondé, le corps jaune se désintègre induisant, un changement brutal des concentrations hormonales, l’amorce de la dégradation des tissus de nidation, le tout signant l’entrée dans la période prémenstruelle. Ce temps s’accompagne souvent d’un syndrome éponyme dont les principales manifestations sont l’anxiété, la labilité émotionnelle, les douleurs mammaires, les céphalées, la fatigue intense, l’insomnie, l’irritabilité, la dépression et les crampes utérines. Toutefois le syndrome prémenstruel n’impacte pas toutes les femmes, ni avec la même sévérité. Inexistant ou imperceptible pour certaines, plus ou moins léger pour d’autres, il ne revêt que rarement une forme grave et handicapante, 5% des cas, on parle alors de trouble dysphorique prémenstruel. Généralement les symptômes liés à ce syndrome disparaissent avec le début des règles.
Le fait que les femmes soient affectées à divers degrés par le syndrome prémenstruel n’est pas clairement compris. On affirmera néanmoins que l’explication ne se trouve pas seulement dans le biologique, dysfonctionnement hormonaux, et/ou la génétique, prédisposition à réagir plus ou moins fortement aux variations hormonales. L’environnement dans lequel nous évoluons avait, préalablement à la phase pandémique actuelle, été pointé comme un facteur perturbateur, plusieurs études démontrant que des conditions de travail particulièrement stressantes favorisaient l’intensification du syndrome prémenstruel. Au regard du nombre de femmes ayant eu jusqu’à peu des cycles réguliers exempts de complications notables et qui expérimentent aujourd’hui l’exact contraire, on admettra que ces conclusions ne sont dépourvues d’intérêt scientifique.
L'hormone du stress en cause.
Nous savons que le cerveau adapte la production d’hormone du stress, le cortisol, en fonction des situations. Sans un bon dosage de cette dernière nous sommes dans l’incapacité de répondre correctement à une menace. Pour déterminer la dangerosité d’un évènement et libérer la bonne dose de cette hormone le cerveau peut au choix :
- s’en remettre autoritairement aux informations fournies par les yeux, les oreilles, le nez ou la peau. Dans ce cas, il opère de son propre chef, c’est pourquoi lorsque nous entendons un son agressif, soudain, d’origine inconnue, un réflexe inné nous fait porter les mains aux oreilles et baisser la tête ;
- s’en remettre à la perception consciente de l’individu. Dans cette perspective, face à un danger objectif, un agresseur muni d’un couteau, ou subjectif, une petite araignée, il se fie niveau de stress, d’émotions négatives, provoqué par l’évènement.
Actuellement nous sommes confrontés à un mélange de dangers objectif, le virus, et subjectif, le confinement. Les émotions induites, anxiété quant à l’avenir, angoisse de la contamination, peur du vaccin, ennui, désespoir, etc. sont vectrices d’un stress constant et en toute hypothèse d’une production inhabituellement élevée de cortisol qui, pour la docteure Heather Currie, expliquerait les dérèglements du cycle menstruel observés depuis quelques mois chez de nombreuses femmes.
L'indispensable bonne santé de notre écosystème.
Retard de règles, allongement de leur durée, accentuation des syndromes prémenstruels, mais aussi hausse des états anxieux et dépressifs, la pandémie a sans conteste confirmé que l’altération de notre écosystème allait de pair avec celle de notre santé physique et mentale. Cinq siècles avant notre ère, le célèbre Hippocrate de Cos avait saisi toute l’importance de cette relation en soulignant que l’apparition des épidémies n’était pas un fait divin, mais une question d’écosystème. Autrement dit qu’une épidémie était le symptôme d’un environnement perverti. 2500 ans plus tard force est d’admettre que nous n’avons rien retenu de ses enseignements. Entièrement tournés vers la recherche de vaccin ou de molécule miracles, notre ambition se résume à tenter d’éradiquer les épidémies par le traitement préventif ou curatif des individus. Cette approche thérapeutique n’est pas exclusivement réservée aux invasions virales et finalement s’inscrit dans un système général de penser les problèmes de santé. Nous pouvons d’ailleurs souligner que nous agissons de manière identique avec les plantes agricoles dont les pathologies sont abordées sous l’angle phytosanitaire, alors que la dégradation des sols, donc de leur écosystème, est responsable de la majeure partie de leurs maladies.
Sans doute dans quelques mois nous parlerons du covid au passé. Du moins espérons-le. Pour autant si nous persistons à n’apporter aucune attention à notre environnement, nous devons nous préparer à subir d’autres pandémies. C’est inéluctable, les mêmes maux produisent toujours les mêmes symptômes.
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