Sphère fonctionnelle

De l'esthétique du pénis, entre présupposés et malentendus

De l'esthétique du pénis, entre présupposés et malentendus

Fait étrange ou renversement de situation, l’objectification du corps, qui jusqu’à peu concernait essentiellement les femmes, semble aujourd’hui toucher les hommes et ses répercussions sont identiques : perte de confiance, d’estime de soi et problèmes relationnels.

De l'esthétique du pénis, entre présupposés et malentendus

Les hommes et leur pénis, une histoire de taille !

Symbole culturel de virilité, de puissance et de domination, le culte du pénis surdimensionné n’a cependant pas été une réalité transcendant les époques et les sociétés. Dans la Grèce antique, la statuaire, qui s’efforçait de rendre compte d’un équilibre parfait entre le corps et l’esprit, s’interdisait de représenter d’imposants pénis alors signes d’une sexualité exacerbée, mal maîtrisée, quasi bestiale. L’homme en tant qu’être rationnel, intelligent, civilisé, se devait de dépasser son animalité et prendre l'ascendant sur ses pulsions sexuelles, un état de vertu morale dont la taille réduite du pénis portait signification. Ainsi le terme "posthion" (petit sexe), que le dramaturge Aristophane aimait à employer, ne servait pas d’insulte, mais de compliment. A contrario, les pénis volumineux en érection étaient attribués à la figuration des satyres, des rustres et individus sous l’emprise de la luxure. 

La norme Rocco Siffredi.

Au 20ème siècle, dans une société de plus en plus androcentrée, l’essor des productions pornographiques, définissent une représentation de la masculinité où la taille du pénis devient le référent absolu. Parallèlement, à partir des années 60, les féministe revendiquent un droit à l'orgasme et revisitent les contours de l'amant idéal : un homme attentionné en capacité de pouvoir à leurs légitimes exigences. Milieu des années 80 les performeurs du porno, à l'instar de Rocco Siffredi, imposent leur vision de la jouissance féminine qui enracine, dans la psyché masculine, l'idée que les femmes n'apprécient que les "grosses queues endurantes". 

Si la norme Siffredi induit pour les hardeurs l’obligation de présenter des mensurations et d'accomplir des performances dignes de l’étalon italien, pour le commun des mortels elle génère des complexes anxiogènes aux conséquences délétères. C'est ainsi que nombre d'hommes, physiquement en pleine possession de leurs moyens, connaissent des épisodes de dysfonction érectile de nature psychogène. Dans ce contexte se développe une approche fonctionnelle et médicalisée des problèmes sexuels masculins : viagra pour les pannes d'érection et pénoplastie pour le complexe du petit sexe.

La chirurgie de la verge, une tendance à la hausse. 

La pénoplastie n'attire pas uniquement des individus pourvus d'un micro-pénis (moins de 8 cm en érection). En Europe on estime que 45% des hommes, hétéros et homos, ne seraient pas contre une modification de leur pénis. Entre 2013 et 2017, les membres de la Société internationale de chirurgie esthétique (ISAPS) ont pratiqué 45 604 pénoplasties à travers le monde. Le phénomène est aujourd'hui planétaire et touche toutes les classes sociales. Mais tous les hommes ne peuvent s'offrir les compétences d'un chirurgien et certains font avec les moyens du bord. En Papouasie Nouvelle-Guinée, la mode est à l'auto-injection de silicone ou de l’huile de cuisine dans le pénis, pour des résultats plus ou moins probants et souvent catastrophiques.

Fait étrange ou renversement de situation, l’objectification du corps, qui jusqu’à peu concernait essentiellement les femmes, semble maintenant toucher les hommes et ses répercussions sont identiques : perte de confiance, d’estime de soi et problèmes relationnels. La société du "paraître" n’en finit pas d’alimenter le mal-être de ses sujets et les discours vantant les bienfaits de l’acceptation de soi ne trouvent pas à ce jour beaucoup d’oreilles réceptives. Cela est d’autant plus regrettable que dans la sphère des rapports intimes, 80% des femmes se déclarent satisfaites de la taille du pénis de leur(s) amant(s). 


©Charles-Elie Chauvaux. Collage tiré du projet Pénis Pics Art.

La pénoplastie : allongement et/ou l'élargissement de la verge.

La pénoplastie d'allongement se réalise en sectionnant, partiellement ou totalement, le ligament suspenseur du pénis. Cette opération permet d'extérioriser une partie de son segment interne et d'obtenir, à l'état flaccide, un gain de deux à quatre centimètres de longueur. Il est important de souligner que cette augmentation ne modifie pas ou peu la taille du pénis en érection. L'allongement est avant tout une chirurgie de confort psychologique. Comme l’explique le docteur Gilbert Vitale, président de la Société Française des Chirurgiens Esthétiques Plasticiens, les patients qui demandent ce genre d’intervention sont souvent victimes du "complexe du vestiaire" qui naît dans l’ambiance virile des douches collectives. L'intervention est pratiquée en ambulatoire et sous anesthésie locale. Coût de l'opération : entre 2500 et 4000 euros.

L'élargissement du pénis est réalisé par injection de la propre graisse (purifiée) du patient entre le fourreau cutané et les corps caverneux de la verge. Certains praticiens y ajoutent du plasma enrichi en plaquettes afin d'optimiser la prise des cellules graisseuses. On estime qu'environ 75% des tissus auto-greffés survivront définitivement. Trois séances d'injection sont généralement recommandées pour l'obtention d'un résultat optimal. Il est à noter que la verge en érection, bien que plus volumineuse, perdra en dureté, le surplus de circonférence étant constitué de matières graisseuses et molles. L'intervention est pratiquée en ambulatoire et sous anesthésie générale.  Coût de l'opération : entre 3000 et 4000 euros. 

Pour un mieux aléatoire.

On ne peut envisager le recours à la pénoplastie dans la perspective de substantiels gains de "performance". Car la physiologie de la jouissance féminine n'est pas tributaire des qualités volumiques de la verge. D'ailleurs quand elles ne trouvent pas satisfaction dans leurs rapports sexuels, les femmes n’avancent que très rarement des raisons d’ordre anatomique, leurs doléances portant plus généralement sur le manque de savoir-faire de leur(s) amant(s). Toutefois, pour quelques femmes l'esthétique de la verge porte une véritable charge érogène qui exalte leur perception psychique du coït et leur procure un indéniable supplément de volupté, une "délicieuse sensation liée au sentiment d'être pleinement remplies de l'être aimé". Cela dit, d'une manière générale, sauf à être pourvus d’un micro-pénis, les hommes n’ont pas de réelles raisons de focaliser sur les mensurations de leur organe. Et malheureusement ce n'est pas le gain d'un ou deux centimètres de circonférence qui leur assurera de réussir là où jusqu’alors ils n’avaient essuyé que des déconvenues. 

Rappelons que tout acte chirurgical doit faire l'objet d'une consultation médicale préalable et qu'en tout état de cause il est recommandé, avant de prendre une décision, d'en parler avec une ou un sexologue.


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