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De la féminité après une mastectomie

De la féminité après une mastectomie

De la féminité après une mastectomie

Survivre puis revivre.

Lorsque le diagnostic tombe et que la réalité du cancer ne peut plus être occultée, la question de la survie se pose comme une évidence première aussi bien pour le corps médical que pour les patientes car si la médecine a fait d’énormes progrès dans le traitement de cette affection, elle n’en reste pas moins au niveau mondial la seconde cause de mortalité des femmes. Une fois la sentence acceptée, les conséquences d’une éventuelle opération chirurgicale se poseront comme seconde et inévitable source d’anxiété chez les patientes et ce quel que soit leur âge. Le désir de se sentir femme n’a pas de limites temporelles…

Le cancer du sein est une maladie hétérogène, elle revêt plusieurs réalités. Il n’existe donc pas un, mais des cancers du sein. En fonction de son type, de son agressivité, de sa localisation, de son stade de développement et de l’état général de la patiente, l’équipe soignante proposera la stratégie la plus adaptée pour le vaincre. Chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, hormonothérapie et thérapies ciblées forment l’arsenal des méthodes de combat, pouvant être utilisées seules ou en association. 

La mastectomie : une altération du féminin au sens large.

La chirurgie, tumorectomie et la mastectomie, reste aujourd’hui le traitement de référence de la plupart des cancers du sein. La première qui consiste à retirer la tumeur en préservant au mieux la glande mammaire, est dite conservatrice, la seconde, qui a pour but de retirer l’ensemble du sein et généralement la peau qui le recouvre (mamelon et aréole compris) est nettement plus invasive. Si la tumorectomie laisse rarement de graves séquelles, il n’en est pas de même pour la mastectomie dont les incidences esthétiques et psychologiques sont considérables.


La déconstruction de la représentation du féminin induite par la mastectomie repose sur la dissolution d’un ensemble de symboles et fonctions comprenant :

  • le symbole visuel distinguant le statut de fillette et celui de femme ;
  • la fonction nourricière ;
  • la fonction de séduction ;
  • le symbole érotique et la fonction érogène.

Les conséquences de la mastectomie ne sont pas associées à la seule modification brutale de l’image corporelle, elles dépassent largement ce cadre pour s’inscrire dans celui de l’effacement plus ou moins prononcé de fonctions et symboles essentiels de la féminité. Assumer l’altération de l’identité visuelle et du pouvoir de séduction, la diminution ou la disparition des aptitudes à nourrir la vie, la disparition d’une zone érogène et la perturbation du champ érotique, constituent le redoutable défi que les survivantes devront relever. 

Se reconstruire.

Les femmes redoutent la mastectomie à juste titre et confrontées à la perspective d’une mutilation de leur féminité, elles n’ont d’autres choix que l’acceptation du néant ou la reconstruction mammaire (si leur état de santé le permet). Cette dernière qui fait partie intégrante de la prise en charge du cancer du sein s’appuie sur des techniques chirurgicales de plus en plus fines permettant d’obtenir des résultats esthétiques convenables, mais contrairement à ce que l’on pourrait croire toutes les femmes ne désirent pas y recourir. 

Le processus de reconstruction est long, entre six et douze mois, et comporte les risques associés à toutes opérations chirurgicales : infections, hémorragies, hématomes, douleurs post-opératoires et troubles de la cicatrisation. De plus si le sein reconstitué permet de retrouver une silhouette féminine, privé de ses qualités sensorielles il ne sera plus en mesure de remplir sa fonction érogène. Pour que la patiente puisse prendre une décision éclairée, l’équipe soignante aura donc à cœur de l’informer précisément sur les avantages et inconvénients de la reconstruction et des différentes méthodes envisageables au regard de sa morphologie, de ses antécédents médicaux et de ses attentes esthétiques.  

Généralement le processus de reconstruction ne débute que plusieurs mois après la mastectomie, mais dans 10% des cas, quand le cancer est peu agressif, de petite taille, à distance de la peau et qu’il ne nécessite pas de radiothérapie post-opératoire, le chirurgien peut proposer une reconstruction immédiate pratiquée dans le même temps opératoire que l’ablation. 


La reconstruction mammaire qui autorise le rétablissement de l’image corporelle féminine est une des solutions possibles pour gagner la bataille de l’après cancer. Cependant elle ne peut prétendre à la restauration sensorielle ni à la perfection esthétique (hormis dans les cas où l’enveloppe du sein, le mamelon et l’aréole sont préservés). Elle ne doit donc pas être la seule à être envisagée pour aider les femmes à surmonter l’épreuve de la mastectomie. Aujourd’hui le tatouage artistique offre la possibilité de dissimuler les traces cicatricielles de la reconstruction, mais surtout une alternative crédible à cette dernière. Pour celles qui ne souhaitent pas en passer par le long, risqué et douloureux processus de la reconstruction, il est plus qu’une option par défaut. De nombreuses femmes y ont recours pour des résultats absolument convaincants. Le tatouage artistique a une indéniable capacité à sublimer les survivantes et de redonner à la zone opérée l’opportunité d’être à nouveau érotisée. 

Le choix des femmes, le rôle du conjoint.

Dans la perspective d’une entière acceptation du corps mutilé, le choix de la ou des solutions ne peut se faire avec d’autres considérations que celles qui impactent directement le bien-être physique et psychologique des premières concernées : les femmes. En la matière l’égoïsme est préférable à l’abnégation et les éventuelles préférences des conjoint ou partenaire ne saurait être prises en compte lorsqu’elles imposent à la femme un sacrifice supplémentaire (celui de se faire reconstruire, par exemple, alors qu’elle n’en ressent pas le besoin). Le rôle des conjoint ou partenaire dans le processus de reconquête de la féminité est avant tout celui d’accompagnateur a minima bienveillant, attentif, généreux, au mieux capable de porter une attention aimante sur la mutilation. 

La féminité existe bien au-delà des formes qui la caractérisent. L’artiste Mari Katayama, amputée des deux jambes et victime d’une malformation de la main gauche, nous rappelle avec talent que la perfection esthétique est anecdotique, que la lumière intérieure est bien plus envoutante et séduisante que la beauté plastique et in fine son œuvre authentique nous invite à réfléchir sur ce qui fondamentalement fait le féminin. 

Ce questionnement existentialiste est aussi présent en filigrane dans ce magnifique documentaire produit par l'Institut Curie et réalisé par Caroline Swysen, une série de témoignages irradiant de féminité.

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