Depuis mon accouchement je n’ai plus aucune envie sexuelle et je m’inquiète que cela ne revienne jamais
Diplômé de l'Institut de Sexologie du docteur Jacques Waynberg, Eric Royer répond aux questions des abonnés.es.

La sexualité érogène dans la période post accouchement
Louise, 36 ans, informaticienne
J’ai accouché il y a cinq mois et je n’ai toujours pas retrouvé d’appétit sexuel. Pire, je me sens mal à l’aise quand mon mari commence à me caresser. Tout doit être absolument doux et lent. La pénétration est impossible, ou très brièvement. Mon mari est compréhensif jusqu'à présent et accepte sans trop de problème que je le repousse, ce qui arrive très souvent. Je ne crois pas que mon accouchement ait été particulièrement traumatisant. J’allaite toujours et je dors dans la chambre de mon bébé. Est-ce que cela peut avoir un lien ? Jusqu’à présent notre vie sexuelle était super, nous étions à l’écoute l’un de l’autre et il n’y avait que du plaisir. Mais aujourd’hui je n’ai plus d’envie et même quand mon mari s’applique à être doux, je n’éprouve que des sensations désagréables. Une amie m’a dit qu’il fallait que je me force un peu, parce que je risquais de briser mon couple. Je suis désespérée et j’aimerai savoir si cela va revenir naturellement ou s’il faut que je fasse quelque chose ?
Ce que j'en pense
En premier lieu, ce qui vous arrive s'inscrit dans les suites connues et normales de l'accouchement. L’immense majorité des femmes montre un désintérêt, voire une répulsion, pour la sexualité érogène dans les semaines, les mois, suivant la mise au monde de leur enfant. L’accouchement est l’expérience humaine la plus intense, la plus hors-norme, la plus éprouvante, sur les plans émotionnel et physique, une expérience transformatrice qui sonne l’avènement d’une femme nouvelle, d’un nouveau départ. Comme le fait remarquer le docteur Jacques Waynberg, impossible de ne voir dans l’accouchement que l’épilogue de neuf mois de grossesse, un « heureux évènement » : la naissance est à la sexualité ce que la prière est à la foi, la voie de passage du trivial au spirituel, du profane au sacré. La chose n'est jamais dite dans nos sociétés contemporaines où la parturition se conçoit comme un évènement purement mécanique, médicalisé, déshumanisé, désacralisé.
Ensuite, pour en revenir aux fondamentaux, l’attention de la mère dans cette période se focalise instinctivement sur le nouveau-né, toute son énergie, tout son potentiel émotionnel, lui sont dévolus, ce que l’on comprend aisément lorsqu’on prend conscience que la maternité se place dans une perspective de pérennité de l'espèce. La sexualité érogène, dans ce temps où l’enfant doit être la priorité absolue, n’a donc pas lieu d’être. Comprenez que pour l'instant vous êtes "intouchable", c’est-à-dire que vous n’êtes pas en capacité de répondre aux sollicitations érotiques de votre partenaire qui doit s’effacer et attendre patiemment que vous reveniez vers lui.
S'il n'y a jamais de norme, et que certaines femmes retrouvent rapidement le désir de faire l'amour, on estime qu’il faut entre six et dix-huit mois avant que la mère soit en mesure de redevenir une amante en pleine possession de sa fonction érotique. Ce n’est qu’au-delà que l'absence de désir, de plaisir, peut légitimement être questionnée et qu’une consultation sexologique peut s’envisager. Étant donné que vous êtes dans les tous premiers mois post accouchement, il n’y a pas lieu d’être désespérée. Vivez avec joie votre maternité, profitez-en autant que possible sans vous poser d'autres questions que celles de votre bien-être et celui de votre enfant. Le reste reviendra naturellement sans que vous ayez à vous obliger de quelques manières que ce soit. Par contre il serait bien que vous puissiez faire part de mes remarques à votre époux pour qu’il ne vous sollicite plus, même en douceur, et qu’il s’évite, par là-même, d’être confronté à vos refus qui, bien que motivés, pourraient à terme lui faire croire à votre désamour. Je suppose que vous aurez compris que les bons conseils de votre amie n’en sont pas. Enfin rien ne vous interdit de partager d'autres moments de complicité émotionnelle que ceux attachés à la sexualité érogène. En espérant avoir répondu à vos questionnements.
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