L'éjaculation féminine, 1ère partie

Beaucoup d'hypothèses, peu de certitudes.
Éminemment polémique, l’éjaculation féminine intrigue. D’où vient-elle ? Quelle est la nature des liquides expulsés ? Toutes les femmes sont-elles des éjaculatrices en puissance ? Si l’intérêt croissant porté à la sexualité féminine a permis de clarifier certaines de ses composantes, l’éjaculation suscite plus d’interrogations qu’elle ne reçoit de réponses. Peu de scientifiques se sont penchés sur la question, au contraire des pornographes qui ont contribué à sa vulgarisation tout en obscurcissant la compréhension d’un sujet déjà fort nébuleux.
Le fait que les femmes puissent émettre une grande quantité de fluide durant la phase d’excitation et lors de l’orgasme est connu depuis au moins l’antiquité. Le Kamasutra y fait référence, une poésie lyrique sanskrite du 3ème siècle fait mention « d’un abondant liquide émis par la femme au moment de l’orgasme », quelques Shungas illustrent le phénomène et de nombreuses cultures attestent par leurs rituels et légendes de leur connaissance de l’éjaculation féminine. Si Hippocrate fut l’un des premiers à penser l’éjaculation féminine sous l’angle scientifique, qu’il comprenait comme un soutien à la procréation, Regnier De Graaf, médecin et anatomiste allemand du 17ème siècle, en initiera une description faisant référence à une substance entourant l’urètre, qu’il qualifiait déjà de prostate féminine, et une zone intra-vaginale érogène à laquelle le gynécologue et obstétricien Ernst Gräfenberg donnera, sans le vouloir, le nom de point G.
Aujourd’hui, la communauté scientifique montre un désir de clarification des éléments constitutifs de l’éjaculation au féminin. Son taux de prévalence, situé entre 10 et 54%, doit être évalué avec plus de précision. Les quantités de fluides éjaculés qui, selon une étude de 2013 comptant 320 participantes, varieraient de quelques gouttes (0,3 ml) à un bon demi-verre (150 ml), doit inciter à une analyse différenciée entre l’éjaculation ordinaire et celle plus abondante des femmes fontaines (squirting). Sa relation avec l’incontinence urinaire, tout comme les différences notables de sa composition chimique, devront aussi être éclaircies.
Nature et origine des fluides éjaculés.
L’éjaculation féminine, indépendamment de son importance, présente l’aspect d’une solution aqueuse, généralement incolore, translucide et inodore, mais parfois d’un blanc légèrement laiteux et nacré s’apparentant au liquide pré-éjaculatoire masculin. Quoiqu’il en soit elle se différencie des lubrifiants vaginaux émanant des glandes vestibulaires ou glandes de Bartholin. La distinction a été mise en évidence en 2011 par Rubio Casilla et Jannini EA, de l’université de Guadalajara. L’éjaculat se composant d’eau, de créatine, d’acide urique et de créatine et les lubrifiants vaginaux de cyprine, ils ont logiquement conclu qu’aucune parenté entre les deux types de fluides ne pouvait être établie.
Deux études sur le cas des femmes fontaines.
En 2014 une équipe de chercheurs français, dirigée par Samuel Salama, a travaillé le sujet avec l’appui de sept femmes dites « fontaines ». Suivant un protocole précis, il leur a été demandé, dans un premier temps, de vider leur vessie puis de passer une échographie de contrôle. Elles ont ensuite été invitées à s’engager, seules ou avec un partenaire, dans une activité sexuelle. Au cours de la phase d’excitation, les scientifiques ont réalisé une deuxième échographie qui a montré que leur vessie s’était remplie de façon significative. Enfin après avoir atteint l’orgasme et produit leur éjaculation, une dernière échographie a révélé qu’elle était à nouveau vide. Le liquide expulsé a été recueilli puis analysé pour comparaison avec les échantillons d’urine prélevés en début et en fin d’expérience. L’examen de l’éjaculat a montré des concentrations, d’urée, d’acide urique et de créatine, proches de celles observées dans les urines collectées et en sus, pour cinq des participantes, de faibles taux de PSA. Ces résultats leur ont permis de conclure que le squirting était une émission involontaire d’urine accompagnée d’une relative contribution des sécrétions issues des glandes de Skene et de confirmer qu’il doit être différencié de l’éjaculation féminine ordinaire.
Pour les tenants de l’étude, l’éjaculation de type fontaine est donc principalement alimentée par la vessie. Ils font remarquer, pour consolider leurs conclusions, qu’il n’existe aucune autre structure de l’anatomie féminine capable de stocker autant de liquide et de le propulser aussi puissamment vers l’extérieur. L’éjaculation de type squirting pourrait alors s’apparenter à une incontinence (non pathologique), le travail des muscles de la ceinture abdominale et du plancher pelvien qui accompagne l’orgasme rendant difficile, dans le cas des femmes fontaines, la rétention des liquides vésicaux.
La présence de PSA dans les fluides recueillis a toutefois intrigué les chercheurs. Chez les hommes les PSA sont produits par la prostate. Si les femmes en sont dépourvues, leurs glandes de Skene ou glandes para-urétrales ou « prostate féminine », sont composées de tissus susceptibles d’en produire. Sachant que ces glandes, qui longent la partie basse de l’urètre, peuvent s’écouler dans cette dernière via des conduits spécifiques, ils ont supposé que leur production était susceptible d'entrer dans la composition des fluides émis lors du squirting.
Compte tenu du faible nombre de participantes à l’étude, les chercheurs français n’ont pas manqué de souligner l’importance de mener des expériences à plus grande échelle, avant de poser des conclusions définitives quant à la nature urinaire du squirting. Cela est d’autant plus nécessaire qu’il est admis que les fluides expulsés, n’ont ni l’odeur, ni l’apparence de l’urine. Remarquons cependant qu’il est possible de produire des urines inodores et claires comme de l’eau notamment dans le cas de cystite interstitielle.
En 2001 une expérimentation conduite par Gary Schubach, Docteur en Éducation, et impliquant sept femmes, avait donné des résultats sensiblement identiques à ceux obtenus par l’équipe de Samuel Salama. La méthode utilisée consistait à isoler l’urètre par la pose d’un cathéter pour s’assurer que les liquides éjaculés ne puissent être contaminés par les sécrétions des glandes de Skene. Suite à l’expérience, Gary Schubach a conclu que si le liquide expulsé lors de la phase orgasmique venait de la vessie, compte tenu des faibles taux d’urée et de créatine observés, qu’il ne pouvait être qu’une forme altérée d’urine. Celle-ci serait produite durant la phase d’excitation sexuelle, et techniquement parlant, sous l’influence de l’aldostérone et/ou de l’augmentation de la tension artérielle, deux modérateurs potentiels des niveaux d’urée et de créatine. Fait intéressant, à plusieurs reprises, l’expulsion d’une substance de type muqueux et d’un blanc laiteux, sortant de l’urètre sans passer par le cathéter, a été remarquée sans être analysée. Toutefois, en se référant, aux recherches de Samuel Salama et du pathologue slovaque Milan Zaviacic, on peut envisager d’attribuer sa provenance aux glandes de Skene.
Des recherches complémentaires indispensables.
En résumé, trois cas de figure seraient envisageables : une éjaculation de type fontaine, mélange d’urine altérée et de fluide prostatique, une éjaculation de type fontaine sans fluide prostatique et une éjaculation ordinaire constituée uniquement de liquide prostatique. Ce dernier cas étant synonyme de petits à insignifiants volumes d’éjaculat. Si le squirting de par les quantités de fluides émis, semble devoir se différencier d’une éjaculation ordinaire, certains ont avancé que la taille des glandes de Skene, variant dans de grandes proportions, pourrait expliquer pourquoi certaines femmes expulsent de grandes quantités de liquides et d’autres quelques gouttes. L’hypothèse parait difficilement soutenable, lesdites glandes produisant au mieux quelques millilitres de liquide. Par contre les écarts notables de dimension des glandes de Skene, parfois presque inexistantes, fourniraient une explication recevable quant à l’absence de PSA dans certaines éjaculations.
Pour conclure cette première partie, nous devons reconnaître que beaucoup reste à faire pour élucider tous les mystères qui entourent encore le phénomène de l’éjaculation féminine. Nous pouvons regretter que la sexualité des femmes ait été aussi longtemps négligée par la communauté scientifique et espérer que la recherche prenne à cœur de combler le déficit de connaissance en la matière.
Sources et références :
- International online survey: female ejaculation has a positive impact on women's and their partners' sexual lives.
- Squirting, orgasm, and female ejaculation: what’s the difference?/ The Femedic.
- Nature and Origin of “Squirting” in Female Sexuality. Samuel Salama, MD,* Florence Boitrelle, MD, Amélie Gauquelin, CM, Lydia Malagrida, MD, Nicolas Thiounn, PhD, MD, and Pierre Desvaux, MD.
- Urethral Expulsions During Sensual Arousal and Bladder Catheterization in Seven Human Females/ Gary Schubach
- Zaviacic/ The human female prostate : From Vestigial Skene’s Paraurethal Glands ans Ducts to Woman Functional Prostate.
{reply-to}{comment}{status-info}
Poster un commentaire