Sphère fonctionnelle

L'orgasme féminin a-t-il une fonction reproductive ?

L'orgasme féminin a-t-il une fonction reproductive ?

L'orgasme féminin a-t-il une fonction reproductive ?

Quelle fonction pour l'orgasme féminin ?

D’une manière généralement admise par les chercheurs, l’orgasme masculin a une fonction clairement définie : permettre l’éjaculation. A contrario, la fonction de l’orgasme féminin reste sujette à caution car celui-ci ne semble pas contribuer à la réussite de la fécondation.

Cependant, après avoir étudié plusieurs espèces de mammifères, les chercheurs Pavlicev et Wagner ont proposé une théorie évolutionniste selon laquelle l'orgasme féminin aurait joué, il y a quelques millénaires, un rôle fondamental dans le processus de reproduction. Pour vérifier cette hypothèse, ils ont focalisé leurs recherches sur les sécrétions hormonales qui accompagnent l’orgasme des femmes. Ils ont ensuite porté leurs études sur d’autres espèces de mammifères. En dépit de la grande diversité des modes de reproduction de ces derniers, ils ont pu en identifier les caractéristiques fondamentales et la façon dont elles ont pu évoluer.

Chez certaines espèces de mammifères, l’ovulation est d’ordre réflexe.

Chez le chat par exemple, les femelles produisent des ovules fertilisables seulement quand elles sont stimulées par un rapport sexuel et la forte libération d’hormones qui l'accompagne. Pour cette espèce de mammifère, l'ovulation répond à un mécanisme réflexe. En revanche, les femmes comme les femelles primates ovulent de façon spontanée sans autres prérequis d’accouplement. Partant de là, il est possible de scinder l’ensemble mammifère en deux sous-ensembles au regard du mode d’ovulation, réflexe ou spontanée et d’imaginer que certaines espèces soient passées d’un sous-ensemble à un autre, particulièrement de celui de l’ovulation réflexe à celui de l’ovulation spontanée. 

Pour ces espèces, dont l’homme ferait partie, les chercheurs croient que la disparition de la fonction ovulatoire du coït a précédé la mutation de l’ovulation. Si la libération d’hormones est susceptible de provoquer l’ovulation et que par ailleurs, on observe un tel phénomène chez les femmes au moment de l’orgasme, on peut poser l’hypothèse qu’à un moment de son histoire, ce dernier a eu un rôle à jouer dans la reproduction de l’espèce humaine. Toutefois, en passant du mode réflexe au mode spontané, l’ovulation aurait fait perdre à l’orgasme féminin toute utilité.

D’autres éléments sont en mesure de concourir à l’édification de l’hypothèse d’une fonction révolue de l’orgasme féminin.

En observant l’appareil génital de certaines espèces de mammifères comme le chat, le lapin ou le chameau, on s’aperçoit que le gland du clitoris, le capteur sensitif le plus efficace pour déclencher les réactions orgasmiques, est placé à l’intérieur du vagin. On peut supposer qu’en des temps reculés, l’appareil génital de nos lointaines aïeules ait été structuré ainsi et que toute copulation était assortie d'un orgasme. Mais la mutation du mode ovulatoire réflexe aurait, selon les scientifiques, entraîné une migration du gland clitoridien de l'intérieur du vagin vers la face externe de la vulve. De fait, l'orgasme aurait perdu sa qualité d'invariant chez les femelles soumises au processus d'ovulation spontanée. Il serait alors logique que peu de femmes puissent de nos jours atteindre l’orgasme par simple pénétration. Mais cette hypothèse, on s’en doute, ne fait pas l’unanimité parmi les scientifiques.

Elisabeth Lloyd, chercheuse près l’Université de Kinsey, a recensé les différentes théories ayant trait à la fonction de l'orgasme féminin.

Dans un ouvrage publié en 2005, The case of the femal orgasm, passant en revue les nombreuses théories publiées sur le sujet, elle en vient à la conclusion qu’elles se répartissent en deux groupes.

  • Premièrement, celles qui entrent dans la catégorie des "By-product theory" : 

Le by-product serait une structure qui n’aurait aucune fonction mais serait la conséquence accidentelle de quelque chose. Dans les deux premiers mois de leur vie, les fœtus ne sont ni mâles ni femelles. La différenciation sexuelle s’opère vers la huitième semaine, à partir d’un socle génétique commun aux deux genres. Donc pour Lloyd, si les mâles ont des mamelons, c’est qu’ils sont indispensables aux femelles qui doivent assurer la lactation. Inversement, les femmes peuvent parvenir à l’orgasme parce que ce processus est indispensable aux mâles et qu’il fait partie du socle commun dont nous venons de parler.

  • Deuxièmement, les théories qui font partie du groupe des "Pair-bond theory" :

En biologie, le pair-bond décrit les liens très forts qui peuvent unir deux individus mâle et femelle d’une même espèce. Pour ces théoriciens, l’orgasme féminin a pour fonction de renforcer la relation homme-femme. Le plaisir ressenti lors de l’orgasme tendrait à rendre la femme plus attachée, plus amoureuse en quelque sorte. La pair-bond theory est aussi basée sur le concept d’adaptation qui veut qu’une caractéristique se développe si elle apporte une contribution et un avantage pour l’évolution de l’espèce. En matière de reproduction, l’adaptation doit permettre d’engendrer un plus grand nombre de descendants. Si effectivement l’orgasme féminin est le fruit de l’adaptation, alors les femmes les plus sujettes à l’orgasme devraient avoir la descendance la plus nombreuse, mais ce n’est pas le cas. Une étude réalisée sur 8 000 femmes n’a pu établir aucune corrélation entre capacité orgasmique et descendance. Celles qui ont le plus souvent des orgasmes ne sont pas obligatoirement celles qui ont le plus d’enfants.

Peut-on encore croire que l’orgasme féminin a une fonction ?

Le manque de preuve concernant le caractère adaptatif de l’orgasme féminin ne peut être compris comme la confirmation qu’il est un simple by-product de l’orgasme masculin et qu’il n’a aucune fonction. Pour Barry Komisaruk, de l’université Rutgers, les propriétés absolument uniques de l’orgasme féminin permettent de croire qu’il a bien une raison d'être mais qu’elle reste encore inconnue. Komisaruk étudie l’orgasme féminin depuis de nombreuses années mais son intérêt pour la chose s’est déclaré alors qu’il étudiait le réflexe de grossesse nerveuse de la rate copulant avec un mâle vasectomisé, réflexe provocant une fausse grossesse avec changements hormonaux et développement d’un placenta. En examinant l’activité des cellules nerveuses des rates dont on stimule le vagin, il découvre que le réflexe de grossesse nerveuse semble s’accompagner d’une élévation du seuil de douleur. Mais comment peut-on être sûr que les rates en question ressentent moins la douleur quand on stimule leur vagin ? Et serait-il possible que l’on observe le même processus chez les femmes ? Pour répondre à la question, le professeur, assisté d’un ancien élève, Beverly Whipple, réalise alors une série d’expériences. Les résultats sont édifiants, au moment de l’orgasme, le seuil de douleur des femmes s’élève considérablement. Sur une échelle de 1 à 10 une douleur notée 5 dans un contexte lambda était notée 1 pendant l'orgasme. Voulant aller plus avant dans ses recherches, Komisaruk cartographie l’activité cérébrale féminine durant les quatre phases de la réponse sexuelle : excitation, plateau, orgasme et résolution. Pour le professeur, ce qui se passe dans le cerveau est si incroyable, c’est quelque chose de si énorme qu’il y a forcément quelque chose à découvrir. Contrairement à Pavlicev et Wagner, Komisaruk ne veut pas faire de lien entre orgasme et réflexe ovulatoire, pas plus qu’entre excitation clitoridienne et ovulation : "L’orgasme féminin doit jouer un rôle plus ou moins important en matière de sélection du partenaire" dit-il, "Grâce à l’orgasme et au plaisir associé, la femme sera plus à même de rester avec son partenaire. D’un autre côté, l’orgasme de la femme ressenti par l’homme comme preuve de sa virilité, pourrait induire au regard de la Pair-bond theory, une consolidation de la relation amoureuse." 

En conclusion Komisaruk pense que l’orgasme féminin n’est ni le vestige de quelque fonction passée, ni une erreur, et qu’il a forcément une fonction. Mais laquelle ?


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