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La bartholinite, une affection vulvaire méconnue

La bartholinite, une affection vulvaire méconnue

Généralement bégnine la bartholinite peut se développer sous une forme extrêmement douloureuse et invalidante lorsqu'elle n'est pas traitée à temps. Diane en a témoigné pour Osphères.

La bartholinite, une affection vulvaire méconnue

S'inquiéter en temps et en heure pour éviter le pire

Diane, 25 ans, a contracté en 2021 une affection génitale rare qui touche principalement les jeunes femmes : la bartholinite aiguë, une infection d’une ou des deux glandes de Bartholin. Parce que l’éducation à la sexualité, dispensée aux jeunes filles, reste coincée au stade embryonnaire des informations et recommandations les plus basiques, elle n’a pas pu identifier les signes avant-coureurs de cette pathologie et a vécu un calvaire inutile. Si elle nous a proposé de raconter son histoire, c’est un peu pour elle, mais surtout pour toutes les filles de sa génération, pour qu’elles puissent, le cas échéant de l’apparition des premiers symptômes, se poser les bonnes questions et ne pas attendre le dernier moment pour se faire examiner. Car si, chez les moins de trente ans, cette affection vulvaire est en soi bégnine, elle peut conduire à une ablation des glandes de Bartholin, une intervention qui impactera la qualité des relations intimes.

* Nous remercions chaleureusement Diane pour son témoignage et le courage dont elle a fait preuve en acceptant de se replonger dans une expérience pour le moins douloureuse.

La bartholinite

Les glandes de Bartholin ou glandes vestibulaires majeures (nouvelle terminologie anatomique) sont de petites glandes ovoïdes, légèrement aplaties, hormonodépendantes, non palpables, profondément enchâssées dans la partie postéro-latérale de l’orifice vaginal. Décrites pour la première fois au 17ème siècle par l’anatomiste Danois, Casper Bartholin le Jeune, elles ont pour fonction de secréter un mucus qui assure la lubrification de la vulve et de l’entrée vaginale. Le dit mucus se diffuse via des canaux excréteurs qui s’ouvrent sur deux petits orifices situés de part et d’autre de l’extrémité inférieure du vagin.

Chez la grande majorité des femmes les glandes de Bartholin assurent discrètement leur fonction tout au long de la vie. Toutefois, quand leurs canaux excréteurs se bouchent, le mucus s’accumule et induit la formation d'un kyste. La plupart du temps ce kyste est asymptomatique. Cependant, lorsque son volume dépasse celui d’une noisette, il entraine une gêne en position assise, lors de la marche et des rapports sexuels. Dans certaines conditions il peut s’infecter, évoluer en abcès et la glande prendre la dimension d’un œuf de poule. Cette inflammation porte le nom de bartholinite aiguë, une pathologie extrêmement douloureuse et invalidante. Il est noté qu’en général une seule glande est impactée, sans que l’on sache exactement pourquoi. 


Il existe plusieurs méthodes thérapeutiques pour soigner la bartholinite, qui évolue favorablement lorsqu’elle est traitée à temps. La principale complication est la récidive que l’on constate dans 5 à 15% des cas. Lorsque les récidives sont récurrentes, ou que la bartholinite se développe dans une forme aiguë (abcès), une ablation de la glande peut être proposée. Il est noté que cette dernière peut entrainer l’apparition d’une dyspareunie ( douleurs lors des rapports coïtaux), due aux tissus cicatriciels et/ou à un défaut de lubrification. À noter que chez certaines femmes l’exsudation des vaisseaux vaginaux est suffisamment importante pour compenser la perte des sécrétions lubrifiantes bartholiennes. Dans le cas contraire il est recommandé l’usage d’un lubrifiant externe, bio si possible.

Diane témoigne

Tout a commencé le jour où j’ai vu apparaitre entre mes cuisses, à la frontière entre l’orifice inférieur du vagin et l’anus, une petite grosseur. Comme elle gonflait un peu plus chaque jour, qu’elle devenait plus volumineuse, j’ai commencé à vraiment m’inquiéter. Progressivement l’inquiétude a fait place à des sensations de malaise, accompagnées de bouffées de chaleur, puis à la douleur. À son apogée la douleur a impacté sérieusement mon quotidien. Le simple fait de m’assoir était devenu insupportable. Mais c’est surtout ma féminité qui en souffrait et parallèlement les relations intimes avec mon conjoint.

J’ai fini par prendre rendez-vous avec une gynécologue qui m’a prescrit une pommade, mais qui n’a eu aucun effet. C’est alors que le mal a empiré, la douleur est devenue intolérable, et j’ai fait un vrai malaise. J’ai contacté mon médecin traitant qui m’a envoyée directement aux urgences d’une clinique privée (clinique qui entre parenthèses m’a demandé d’avancer les frais de la prise en charge). Là on m’a dit que la protubérance était la conséquence d’une bartholinite, c’est-à-dire d’une inflammation d’une des glandes de Bartholin. Nouvelle auscultation et diagnostic accablant : en l’état la bartholinite ne pouvait être opérée, je devais attendre que l’inflammation se résorbe avant que le chirurgien puisse procéder à une ponction, voire à l’ablation de la glande. J’ai donc attendu quelques jours, non sans mal. Le jour J a été une terrible épreuve, parce qu’à la douleur et l’angoisse de l’opération s’est rajoutée ma phobie des milieux hospitaliers. Mais mon calvaire ne faisait que commencer. C’est d’abord l’anesthésiste qui s’est loupé et m’a coincé un nerf, ensuite au réveil, alors que je voulais partir au plus vite (comme je l’ai dit j’ai horreur des hôpitaux), j’ai senti une chaleur bizarre entre mes cuisses et stupéfaction j’ai vu une petite flaque rouge sur le sol et compris que je perdais du sang. Je me souviens du regard des infirmières à cet instant, de leurs chuchotements embarrassés et du fait qu’elles ont aussitôt appelé le chirurgien. Retour au bloc opératoire, pour une nouvelle intervention, mais cette fois sans anesthésie. Le personnel médical faisait son possible pour m’éviter de trop souffrir, mais malgré toute leur bonne volonté, je ne parvenais pas à garder mon calme, j’étais dans un état de panique absolue, et n’avais qu’une envie : prendre mes jambes à mon cou et quitter cet enfer.

Une fois l’opération passée, j’ai vite oublié cette éprouvante aventure, d’abord parce que j’avais compris que la bartholinite était une maladie bégnine, ensuite parce que l’intervention chirurgicale semblait avoir résolu le problème. Mais aussi grâce à mes parents et mon compagnon qui m’ont soutenue dans cette épreuve et ont fait le nécessaire pour m’aider à me rétablir physiquement et psychologiquement. Il faut aussi savoir que j’essaie toujours de positiver et de minimiser ce qui m’accable, ayant toujours l’espoir que le mal peut disparaitre aussi naturellement qu’il est apparu. J’ai donc repris le cours de ma vie, mais le répit ne fût que de courte durée, car après quelques semaines de tranquillité, la glande opérée s’est à nouveau infectée. Et oui, la première intervention avait eu pour objectif de drainer la glande, pas de la retirer. Du fait de ma désastreuse expérience dans la clinique privée, j’ai décidé de me rendre à l’hôpital public. Un choix que je n’ai pas regretté, car les soignants ont fait les choses comme il faut. Nouvelle opération, nouvelle anesthésie, réussie cette fois, et première ablation, je dis première parce qu’après la glande gauche, c’est la glande droite qu’il a fallu enlever lors d’une troisième et dernière opération. 

À ce jour je n’ai donc plus de glandes de Bartholin, je n’ai plus de risque d’en souffrir une quatrième fois. Mais, car il y a un mais, tout n’est pas fini. Physiquement, la cicatrice due à la première intervention me fait toujours souffrir, les massages et les soins que l’on m’a prodigués n’ont pas suffi pour m’apaiser, même si la douleur s’estompe avec le temps. Psychologiquement, les auscultations à répétition et les opérations ont laissé des traces. Il n’est pas facile d’exposer encore et encore son intimité à des étrangers, quand bien même ils seraient des professionnels de santé. J’ai eu beaucoup de mal à me ré-ouvrir à mon conjoint, d’autant plus que j’avais la sensation d’avoir dissocié mon sexe du reste de mon corps. La réappropriation de mon sexe surtout dans le cadre des relations sexuelles fut longue et douloureuse, pour moi d’abord et notre couple ensuite qui d’ailleurs a fini par exploser, même si les suites de la bartholinite n’en sont pas les seules raisons.

Après plusieurs mois passés dans un état second, j’ai décidé de reprendre les choses en main. J’ai cherché par tous les moyens à me réconcilier avec mon intimité. L’achat de nouveaux sous-vêtements, le soutien de mes amis et les témoignages de certains m’ont beaucoup aidés. Il me fallait absolument passer par cette étape avant d’imaginer renouer avec le sexe opposé. L’amour de l’autre passe avant tout par l’amour de soi. Les hommes qui ont depuis rythmé ma vie sont uniquement des personnes avec lesquelles j’ai pris le temps d’installer une relation de confiance. Cette période m’a permis de mesurer l’importance du dialogue entre partenaires. 

Aujourd’hui j’ai retrouvé de bonnes sensations et si la perte des glandes de Bartholin n’est pas anodine, que parfois (pas de tout le temps), je suis obligée de recourir à un lubrifiant externe, cela ne m’empêche pas d’être épanouie. Parfois je ressens encore une douleur sur le côté gauche, qui peut gonfler un peu lorsque le désir monte, mais avec un partenaire attentionné qui a du savoir-faire tout se passe pour le mieux. 

Plus que la souffrance, l'atteinte à l'intimité

Au-delà de la pénibilité physique et psychologique de son expérience, Diane a mis en évidence une réalité toujours négligée, celle de la reconstruction, de la réappropriation de la féminité lorsque celle-ci a été altérée par une intervention chirurgicale, mais plus encore dans son cas, par des auscultations répétées d’une zone généralement dévoilée dans le seul secret de la relation amoureuse. On ne peut douter que la conjugaison de ces deux facteurs a induit le processus de dissociation qu’elle mentionne dans son témoignage, dissociation que l’on doit comprendre comme une réaction de protection, de préservation, face à la double agression de son intimité par les examens à répétition et la chirurgie. Certainement grâce à un potentiel cognitif particulièrement efficient, une capacité à prendre les choses en main, une volonté de revivre pleinement, Diane a pu, se reconstruire et réinvestir émotionnellement sa sexualité érogène. Cependant, il serait inconséquent de croire que toutes les jeunes femmes ont la même force de caractère. Il serait donc souhaitable que le corps médical abandonne son approche distanciée, déshumanisée, de la maladie, et admette que la guérison n’est pas seulement une affaire de prise de médicaments et d’intervention chirurgicale.

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