La phobie de la pénétration sans lien avec le vaginisme

La peur de la pénétration en l'absence de douleurs.
Les dysfonctions de la sexualité féminine englobent les troubles du désir, de l’excitation, de l’orgasme ainsi que ceux en lien avec les contacts et rapports sexuels douloureux qui selon le DSM-5 sont dûs à une dyspareunie ou un vaginisme. Les scientifiques estiment qu’en fonction de l’âge 6% à 45% des femmes sont concernées par la première et 1% à 6% par le second. La dyspareunie fait référence à des douleurs en rapport avec des problèmes de type gynécologique tels que la dermatose, la vulvovaginite, l’inflammation du pelvis, l’endométriose ou encore la fibromyalgie. Le vaginisme se définit par une contraction involontaire et incontrôlable des muscles péri-vaginaux, tendant à empêcher la pénétration et rendant toute forme d’intromission douloureuse. Si dyspareunie, vaginisme et anxiété des rapports sexuels forment un ensemble bien connu des spécialistes de la santé génésique, la peur des relations sexuelles sans lien avec une quelconque douleur est plus énigmatique. Pour déterminer les caractéristiques spécifiques de ce trouble, il est important de l’étudier comme phénomène à part entière et notamment de le distinguer du vaginisme.
Le vaginisme.
Dans la dernière version du DSM, le terme vaginisme a été remplacé par la catégorie diagnostique « douleur génito-pelvienne/trouble de la pénétration » introduisant une approche moins rigide de la question. Ainsi le diagnostic de « douleur génito-pelvienne/trouble de la pénétration » sera établi dès lors que la personne en souffrance présentera au moins deux des problématiques suivantes : difficulté pour avoir des rapports sexuels, douleurs génito-pelviennes, peur de la douleur ou de la pénétration et tension des muscles du plancher pelvien.
Lorsqu’une femme souffre de vaginisme, la simple perspective d’être pénétrée déclenche en elle une profonde anxiété, voire une véritable terreur, traduit par des comportements d’évitement : resserrement brusque des cuisses et verbalisation parfois violente du refus de la pénétration. L’évitement est une stratégie d’adaptation mise en place pour se prémunir de la confrontation avec une situation vectrice de stress et d’anxiété, en l’occurrence la pénétration et les douleurs associées. Cependant en évitant tout type de pénétration, telles l’insertion d’un tampon hygiénique, la masturbation vaginale et bien sûr l’intromission du pénis, toute possibilité de désensibilisation naturelle est impossible. En conséquence, et en l'absence de traitement gynécologique, le trouble s’exprimera chaque fois que se présentera un contexte potentiellement « à risque ». Le vaginisme a des conséquences sur la vie sexuelle des femmes, des couples et aussi sur la qualité des examens gynécologiques. Bien souvent ces derniers ne peuvent être réalisés entièrement alors qu’ils sont les seuls à pouvoir déterminer si les douleurs sont induites par un hyper tonus des muscles péri-vaginaux ou par d’autres pathologies telle la vestibulite vulvaire.
Le vaginisme ne peut être assimilé à une phobie sexuelle, soit à des réactions de répulsion à la simple évocation de l’excitation, des jeux érotiques, de l’orgasme, des sécrétions naturelles, etc., et il a par ailleurs été noté que les femmes atteintes par ce trouble avouent ressentir une attraction sexuelle normale pour leur partenaire. Il est aussi intéressant de signaler que l’on rencontre rarement des cas de vaginisme dans la population lesbienne et que la pathologie n’a pas d’équivalent chez les gays.
Phobie de la pénétration vaginale.
Si la peur de la pénétration vaginale est souvent en lien avec la souffrance, pour quelques femmes il n’en est rien. Les gynécologues confirment que ces femmes supportent les examens internes sans manifester une once de douleur. Cependant il est important de mentionner qu’elles développent les mêmes réflexes d’évitement, que l’on ne saurait à priori distinguer de ceux décrits dans les cas de vaginisme, et sont aussi sujettes à une anxiété anticipée de la pénétration, conséquente d’une peur enkystée de la relation intime. L'anxiété anticipée est un élément bien identifié du trouble panique, un trouble anxieux caractérisé par des attaques paniques sévères, qui joue un rôle capital dans la dégradation de la qualité de vie.
Si les stratégies d’évitement permettent dans le cas du vaginisme de se protéger contre une douleur intolérable, dans celui de la phobie de la pénétration elles sont destinées à se préserver des attaques paniques. Cette forme d’anxiété extrême, à la limite de la terreur, n’est pas moins insupportable que la douleur et légitime les réflexes d’évitement. Bien que la peur panique soit généralement irrationnelle, à l’instar de celle qui pousse le claustrophobe profond à faire 20 étages à pied plutôt que prendre le risque de se trouver coincé dans l’ascenseur, les stimuli qui la provoque ne sont pas anxiogènes par nature. Il en est ainsi des papillons, des ascenseurs, des lieux publics et de la pénétration vaginale en l’absence douleur.
La distinction entre vaginisme et phobie de la pénétration vaginale non motivée par des raisons de douleur est malheureusement peu documentée dans la littérature scientifique. Dans une étude, cette phobie particulière est clairement identifiée mais reste accolée au concept de vaginisme, ce qui est regrettable car cette pathologie constitue plus vraisemblablement un sous-groupe de l’ensemble des troubles anxieux dont le traitement devrait être confié à des professionnels de la santé mentale spécialisés dans les thérapies cognitives et comportementales. En clair on peut dire que le diagnostic et le traitement du vaginisme appartiennent au domaine de la gynécologie quand ceux de la phobie de la pénétration sont du ressort de la psycho-sexologie. De la compréhension de cette différence dépend le sort de la patiente, le support du spécialiste ad hoc garantissant le meilleur traitement possible de la pathologie.
La phobie de la pénétration en l’absence de douleur doit être reconnue comme une pathologie à part entière appartenant à la catégorie des dysfonctions sexuelles. Une fois diagnostiquée, les thérapies cognitives et comportementales semblent être les plus efficaces pour la traiter. Quelques études cliniques ont montré que les femmes souffrant de ce trouble étaient dans la plupart des cas assez jeunes et désireuses de pouvoir consommer l’acte sexuel in extenso, il serait donc dommage qu’elles passent à côté du bon diagnostic et fassent un trait définitif sur leur sexualité.
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