PrEP, une avancée en matière de lutte contre le VIH
AVERTISSEMENT OSPHÈRES : Nous rappelons que l’automédication via des sites internet est à proscrire. Seul un médecin est à même de juger de la pertinence d'un traitement PrEP.

La PrEP en quelques mots.
Depuis la fin des années 1980, tout le monde était sur la même longueur d’onde et personne, hormis les barebackers, n’aurait songé faire la promotion du condomless sex. Mais aujourd’hui, l’industrie pharmaceutique vient brouiller le message de prévention en mettant sur le marché le Truvada, une pilule bleue (encore !) qui associe deux antirétroviraux, Emtricitabine et Ténovofir Disoproxil, permettant aux personnes séronégatives de ne pas être contaminées par le VIH-1 à la suite de relations sexuelles non protégées avec une personne séropositive. Le Truvada est un médicament entrant dans le cadre d’un traitement préventif du sida, appelé prophylaxie pré-exposition (PrEP). Les premiers essais cliniques français Ipergay avaient montré une réelle efficacité de la PrEP sans pour autant garantir son efficacité à 100%. En Juillet 2018, l’étude menée par l’ANRS Prévenir sur 1435 volontaires, essentiellement des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) et fortement exposés au risque d’infection par le VIH, a démontré la très grande efficacité de la PrEP car aucun des séronégatifs n'a été contaminé au cours l’expérience. Ces résultats présentés à l’occasion de la conférence AIDS2018 d’Amsterdam ont aussi mis en relief la bonne tolérance de la PrEP, les effets indésirables étant relativement bénins, nausées, diarrhée, douleurs abdominales et maux de tête.
En France, il y aurait à ce jour environ 7 000 personnes bénéficiant de ce traitement préventif. La PrEP est actuellement recommandée pour tous les adultes engagés dans des pratiques sexuelles à risque. Seul un médecin expérimenté dans la prise en charge de l’infection par le VIH, exerçant à l’hôpital ou dans un "Centre gratuit d’information de dépistage et de diagnostic" peut faire la première prescription de la PrEP. Pour le renouvellement de l’ordonnance, dans la mesure où il est fait dans le cadre imposé du suivi trimestriel, tout médecin est compétent. Le protocole de prise du Truvada, seul médicament autorisé en France, prévoit deux cas de figure. En continu, soit 1 comprimé par jour, le traitement est efficace après 7 jours pour les hommes et 21 pour les femmes. En discontinu, le traitement nécessite trois prises. La première doit se faire entre 2h et 24h avant le rapport sexuel, la deuxième 24h après la première et la troisième 24h après la deuxième. Notons qu’en cas d’infection par les virus des hépatites B et C, le schéma de prise discontinue est proscrit. Toutes les informations sur la PrEP sont disponibles sur :
- le site de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Ansm) ;
- les sites du Conseil national du sida et des hépatites virales (Cns) et de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (Anrs) ;
- les sites dédiés AIDES et Act-Up ;
- le site des Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic.
Le Truvada se vend par boîte de 30 comprimés. Son prix de vente est d'environ 180 euros. Le taux de remboursement sécurité sociale est de 100%.
La PrEP, entre soulagement et inquiétude.
Nous pouvons nous réjouir de la mise sur le marché de ce médicament mais il faut rappeler que la syphilis, la gonococcie, les infections à chlamydiae, le papillomavirus ou encore l’herpès génital ne sont pas sensibles à cette prophylaxie. Ce qui veut dire que, quoi qu’il en soit, le préservatif reste le meilleur allié des personnes ayant des rapports avec une grande variété de partenaires. Ce qui nous préoccupe dans cette méthode de prévention des risques de contamination se décline en deux points.
S'adapter pour survivre à tout prix.
Le premier est relatif à la faculté d’adaptation de toutes les formes du vivant. Le virus de l’immunodéficience humaine est, comme tous les organismes vivants, gouverné par deux principes fondamentaux : sauvegarde de l’individu et perpétuation de l’espèce.
Le VIH appartient à la famille des rétrovirus, soit des virus à ARN dont le cycle de vie passe par une rétrotranscription de leur matériel génétique, constitué d’acide ribonucléique (ARN), en ADN. Cette synthèse d’un brin d’ADN à partir d’une matrice ARN est fondamentale dans le processus de l'infection à VIH. Les virus à ARN, contrairement aux virus à ADN, manifestent un taux de mutation élevé qui leur permet de s’adapter rapidement à toutes sortes de changement du milieu dans lequel ils vivent et notamment ceux induits par la prise de médicaments antiviraux. D’une manière générale, la survie des virus dépend entièrement des cellules qu’ils infectent et l’on peut comprendre que cette dépendance ait façonné leur formidable capacité d’adaptation.
Le VIH est un virus complexe dont les mutations fréquentes ont empêché la création d’un vaccin. Récemment, des chercheurs français ont mis en évidence une mutation spécifique du VIH qui résiste aux inhibiteurs d’intégrase. L’intégrase est l’enzyme qui rend possible l’intégration du génome du VIH dans les chromosomes de la cellule hôte (lymphocyte T4 entre autres), étape considérée jusqu'à présent comme indispensable à sa réplication. Autrement dit, quand l’action de cette enzyme est bloquée, le virus est en théorie incapable de se multiplier. Mais, Olivier Delelis et Isabelle Malet ont montré que des souches résistant au Dolutégravir (inhibiteur d’intégrase) gardaient leur capacité de réplication sans que leur matériel génétique ne soit intégré à celui d’une cellule hébergeante. L'intégration était avec la rétro-transcription, un des dogmes centraux de la rétrovirologie. Si pour l’instant les scientifiques ne s’alarment pas outre mesure, il est important de comprendre que le virus cherche des solutions pour réagir aux agressions qui lui sont faites et en cela rien d’extraordinaire.
En découvrant la pénicilline en 1928, Alexander Fleming ouvrait la porte d’une recherche que tout un chacun estimait porteuse d’un avenir sanitaire radieux. 90 ans plus tard, la communauté scientifique commence à comprendre l’efficience des processus adaptatifs du vivant et de l’indéniable « intelligence » de l’ADN. Certaines bactéries se sont modifiées pour devenir des super bactéries résistantes à tous les traitements antibiotiques disponibles. Nous pourrions aussi évoquer l’agriculture et la lutte chimique contre les nuisibles. On estime qu’entre 500 et 1 000 espèces de bioagresseurs ont développé une résistance à un pesticide. Le risque majeur que l’on peut donc craindre dans le cas du VIH réside dans l’apparition d’une nouvelle mutation rendant le virus insensible à la PrEP. Ce qui serait dramatique pour tous ceux qui, se croyant protégés par le traitement, auraient abandonné toutes autres formes de protection.
Le danger de l'abandon du préservatif.
Le second point qui motive notre inquiétude repose sur le constat, confirmé par de nombreux témoignages, de l’abandon de l’usage du préservatif (qui n'est cependant pas uniquement le fait de la PrEP). La communauté gay est particulièrement touchée par le phénomène. Il est vrai que l’apparition de la prophylaxie pré-exposition a quelque peu "détendu" la vie amoureuse et sexuelle des HSH. Il est évident que les rapports sexuels avec et sans préservatif ne procurent pas les mêmes sensations. Il est incontestable, comme le rapportent ses fervents supporters, que la PrEP permet « de se libérer la tête d’une myriade de tracas » et que la qualité des relations intimes s’en ressent pour le meilleur. Plus d’appréhension quant à la résistance d’un préservatif soumis à l’enthousiasme et l’ardeur passionnée du partenaire, plus de crainte d’une séropositivité non diagnostiquée ou masquée. Avec la PrEP, certains ont l’impression d’être revenus aux années pré-sida, libérés de l’épée de Damoclès qui planait sur leur tête. Malheureusement la réalité nous rappelle que le virus court toujours, que le nombre de contaminations annuelles en France se maintient autour de 6 000 cas et que selon une modélisation de l’Inserm, autour de 25 000 personnes n’auraient pas connaissance de leur séropositivité.
Que la PrEP éradique le risque de contamination au VIH est une chose dont nous pouvons nous féliciter, mais d’autres menaces persistent. Syphilis, gonococcie, infections à chlamydiae, papillomavirus ou encore herpès génital progressent fortement au sein des populations à risque. Si à cette heure ces infections peuvent être traitées correctement lorsque le diagnostic est posé à temps, il n’en demeure pas moins qu’elles peuvent se révéler de redoutables ennemies difficiles à combattre si le patient, par négligence ou ignorance, leur laisse le temps de se développer. Rappelons par ailleurs que la bactérie neisseria gonorrhoeae, qui dans la plupart des cas infecte le corps sans engendrer de symptômes, a produit une souche mutante que l’OMS a classée dans la catégorie des super bactéries résistantes à tous les traitements antibiotiques.
La PrEP va-t-elle faire exploser les IST ? Possible si le mouvement d’abandon du préservatif se généralise, ce qui est malheureusement à craindre. Pour les « prépeurs », très majoritairement des HSH, la prophylaxie pré-exposition s’accompagnant d’une obligation de suivi médical trimestriel, devrait au contraire permettre de dépister d'autres IST et de les soigner à temps.
Aurélien Beaucamp, président de AIDES, précise d'ailleurs que "le risque d’abandon du préservatif existait déjà bien avant l’arrivé de la #PrEP par ailleurs les études issues de Londres, Melbourne et San Francisco montrent une baisse des nouvelles infections VIH sans commune mesure depuis l’arrivée de ce nouvel outil. Associé au dépistage régulier et répété, c’est clairement la clé pour réduire l’incidence au VIH auprès des populations les plus vulnérables. Quand au dépistage positif IsT il a effectivement d’abord augmenté. Pourquoi ? Parce qu'auparavant, on ne les dépistait que très peu."
La PrEP est donc un moyen prophylactique efficace de lutte contre le VIH qui présente également l'avantage de permettre le diagnostic et le traitement immédiat d'autres IST que seules des pratiques sexuelles plus sûres, dont l'usage du préservatif, peuvent prévenir.
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