La relation de couple sans cesse à l’épreuve

La relation de couple sans cesse à l'épreuve.
Un article signé Céline Van Nieuwenborgh, sexologue.
De plus en plus souvent, dans ma consultation, je reçois des individus ou des couples qui se plaignent de vivre l’un à côté de l’autre, comme des partenaires de vie plutôt que l’un avec l’autre, comme un couple. Il me semblait important de refaire un topo sur les transformations que le couple vit à travers le temps, au rythme des évènements de vie.
La dynamique de couple est un processus sans cesse en mouvement.
Etapes de la vie à deux :
- Fusion : les deux partenaires sont en complète symbiose, ils ne voient que les ressemblances et les points communs. Les partenaires, qui s’idéalisent, recherchent une proximité incessante. C’est à ce moment qu’on relève la passion. Ce stade est nécessaire pour créer la complicité du couple et permettre aux partenaires de s’accrocher l’un à l’autre.
Cette période dure en moyenne 2 à 3 ans. L’équation qui y correspond pour définir la vision du couple est 1 + 1 = 1
- Différenciation : la passion s’estompe pour laisser place à un retour à la réalité. Les partenaires découvrent leurs différences. Ils prennent conscience de leurs divergences, ce qui est nécessaire pour rencontrer l’autre dans sa complexité, au-delà de l’image idéalisée et projetée de ses attentes. C’est dans ce stade que les partenaires retrouvent du temps pour eux-mêmes, pour leurs intérêts et donc une certaine indépendance, qui ne nuit pas au couple, au contraire. C’est le stade le plus critique car cette désidéalisation de l’autre et de la relation de couple demande des réaménagements afin de le faire perdurer. Si certaines personnes arrivées à ce stade, se posent la question de la perte d’amour, c’est parce qu’ils associent la relation d’amour à la phase de fusion, qui inévitablement prend fin à un moment donné. C’est la tradition romantique qui crée des croyances erronées sur ce qui définit l’amour. La grande difficulté de ce stade est que les deux partenaires n’atterrissent pas de leur petit nuage en même temps. La clef pour dépasser ce stade et permettre au couple de continuer à s’épanouir autrement est la communication.
Cette phase arrive souvent autour des 7 ans de couple, ce qui explique pourquoi on parle souvent de la « crise des 7 ans », après avoir survécu à « l’amour dure 3 ans ». L’équation qui y correspond pour définir la vision du couple est 1 +1 = 2
- Le rapprochement : une fois la fusion puis la dé-fusion vécue, le couple peut s’engager ensemble, en premier lieu symboliquement, en ayant des projets communs. Dans cette phase, les partenaires peuvent se redéfinir, mesurer la comptabilité de leurs attentes respectives et des moyens que chacun peut et veut déployer pour faire fonctionner le couple de manière épanouissante. Après la passion et la différenciation, place à la sérénité harmonieuse. C’est un contrat (symbolique) durable qui est passé entre les partenaires.
L’équation qui y correspond pour définir la vision du couple est 1 +1 = 3. Les deux partenaires ont chacun leur identité propre et créent une troisième identité reprenant ce qui est partagé et mis en commun. La difficulté de ce stade est la routine qui peut s’installer insidieusement. Avec la durée de la relation, et souvent la cohabitation, il y a un risque de perte d’érotisme au profit d’une relation d’amitié.
Dans les deux premières phases, le couple connaît beaucoup d’action et de dynamisme.
La fusion du début de relation est marquée par la découverte des premières fois ensemble, qui peuvent être très nombreuses et célébrées comme telles. Chaque nouvelle expérience ensemble est une occasion de créer du lien et des émotions. Au niveau de la sexualité il en va de même, c’est une phase lune de miel, où la sexualité est souvent très présente et dans laquelle les deux partenaires sont demandeurs. La deuxième phase est moins marquée par ces découvertes et échanges fusionnels, mais est tout aussi dynamique, à cause des réajustements nécessaires. Les conflits, les discussions, essentiels au recadrement et réajustement, dynamisent le couple. Cette tension dans le couple peut être convertie en énergie érotique et sexuelle au profit de la vie sexuelle du couple.
C’est souvent dans la troisième phase que les partenaires risquent de se sentir en difficulté ou même en détresse par rapport à la passivité ou l’inertie du couple.
Ils dénoncent souvent une lassitude, « la routine ». Comme si tout roulait… un peu trop bien. On peut se surprendre à fournir moins d’effort pour l’autre ou pour la relation, on communique moins explicitement, car tout à l’air d’être compris « d’un seul regard », il n’y a que peu de découvertes à faire ensemble « on a déjà tout vécu »…. Du moins c’est ce qu’ils pensent. La sexualité est souvent désinvestie par manque de temps, d’énergie, d’effort. Comme si ce n’était plus cette sphère là qui recevait la priorité. Le couple est plutôt axé sur les tâches ménagères, l’organisation du quotidien et du foyer, les demandes professionnelles.
Ajoutons à cela que les couples qui ont fait le choix d’avoir des enfants ont été fortement mobilisés dans les premiers temps en accueillant leur enfant, par la fatigue et les réajustements nécessaires, ce qui augmente les conflits et diminue la communication, ce qui à son tour renforce les conflits. Une fois le réajustement de la famille fait, le couple est souvent laissé à l’arrière-plan et sans les efforts nécessaires le couple est négligé au profit de la famille. S’il me semble évident que la famille est une structure dont il faut prendre soin, il en va de même pour le couple. Souvent, erronément les partenaires pensent qu’en passant du temps en famille et en prenant soin de leur famille, ils prennent également soin du couple. Ceci est faux. Le couple n’a pas les mêmes besoins que la famille et il est donc important de traiter ces deux systèmes avec beaucoup d’attention et de soin pour leurs spécificités respectives.
Il n’y a évidemment pas que l’arrivée d’un enfant qui mettent le couple, comme entité, en danger.
- Le temps est le principal ennemi du couple qui se laisse aller à la routine et aux habitudes.
- Les smartphones, tablettes, ordinateurs portables et téléviseurs dans la chambre, sont autant d’intrus dans le couple qui le décentrent vers l’extérieur.
- Les évènements marquants ou stressants vont également mettre le couple à l’épreuve. Chacun ayant une tolérance et une manière de réagir différente, cela peut engendrer des discordes et nécessiter une période d’adaptation.
- La retraite est également citée comme un cap de vie pour les partenaires qui, s’ils avaient des enfants, peuvent se retrouver avec le dit « syndrome du nid vide ». Que ce soit avec ou sans enfant, le couple se décentre du monde extérieur, principalement représenté par le milieu professionnel, pour se retrouver à (presque) temps plein ensemble. Cette période demande également des aménagements pour que chacun y trouve du confort et de l’épanouissement. Pourquoi pas s’organiser pour avoir en alternance un moment par semaine seul à la maison, ou en dehors avec des amis, sans systématiquement la présence du partenaire. Pour continuer à profiter du temps passé ensemble il faut parfois être vigilant à ne pas s’étouffer.
Voici 5 clefs pour continuer à prendre soin de votre couple, malgré la durée de la relation et les évènements de vie :
1. Faites régulièrement des sorties en couple (resto, promenade, ciné, musée,..) autres que des sorties entre amis ou en famille. Demandez à des proches de garder vos enfants, si vous en avez, ils seront probablement ravis de passer un moment de qualité avec eux, et vos enfants seront ravis de retrouver des parents épanouis le lendemain.
2. Mangez régulièrement face à face sans avoir la télévision allumée ou le gsm à proximité. C’est l’occasion d’échanger sur votre journée, de faire le bilan de vos projets, de partager vos ressentis et émotions.
3. Trouvez/persévérez dans une activité d’intérêt commun. Au delà des différences que vous avez relevées entre vous, mettez l’accent sur ce qui vous rassemble. Idéalement de la danse de couple, qui crée de la complicité et de l’intimité physique et mentale. C’est aussi un excellent catalyseur érotique.
4. Organisez 1 fois par semaine un conseil de couple. Le même principe peut être appliqué pour la famille en incluant les enfants, mais celui-ci ne doit pas remplacer celui du couple, il y est ajouté à un autre moment de la semaine. C’est l’occasion du bilan et d’une communication franche et bienveillante. Si vous vous rendez compte que c’est difficile, pourquoi ne pas allez voir un professionnel pour vous accompagner là-dedans ?
5. Communiquez ! Le plus possible. Et dans cette communication, essayez au mieux d’appliquer les principes de la communication non-violente : OSBD.
Observez : mais ne faites pas de jugement de valeurs, ne généralisez pas.
Sentiment : exprimez ce que vous ressentez, vos émotions.
Besoin : Derrière chaque émotion se cache un besoin satisfait (sentiment positif) ou insatisfait (sentiment négatif), identifiez ce besoin.
Demande : n’attendez pas que l’autre devine ce besoin et la manière dont vous souhaitez qu’il y réponde, exprimez le clairement.
Pour aller plus loin dans la communication non-violente : « Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) » de Marshall Rosenberg

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