La sexualité féminine, un eldorado commercial 2/2
Obnubilées par l'appât du gain, les industriels de la pharmaceutique, de la cosmétique et de l'esthétique, rivalisent d'imagination malsaine pour inciter les femmes à la consommation de produits aussi inutiles que nocifs.

Inventer des problématiques, le mauvais génie marketing.
La sexualité féminine n'est sérieusement étudiée que depuis un demi-siècle et reste largement méconnue, une aubaine pour générer et traiter de nouvelles anxiétés à fort potentiel commercial.
L'hygiène intime de la femme moderne.
Enjeu de santé publique depuis la fin du 19ème siècle, l'hygiène s'enrichit au sortir de la seconde guerre mondiale d'une branche spécifique : l'hygiène intime féminine. La communication s'organise autour des vocables de confort, de fraîcheur et tout est mis en œuvre pour faire comprendre qu'un entretien spécifique de la zone génitale est, pour la femme moderne, le b.a.-ba d’une sexualité sereine. Mais le concept est sous-tendu par un message anxiogène pensé pour favoriser l'éclosion d'une industrie de l'hygiène intime : le sexe féminin est malpropre. Bien que foncièrement inepte, cette assertion, qui s'inscrit dans le continuum conceptuel de l'impureté féminine, induira des comportements hygiéniques excessifs et nuisibles. Alors qu’il suffit d’un peu d’eau et de savon surgras pour toiletter la vulve et que le vagin est naturellement autonettoyant, quantité de femmes, abusées par le discours marketing, utiliseront des produits fragilisant la peau, les muqueuses et le délicat équilibre de la flore vaginale. Il en est ainsi du gel Physioflor des laboratoires IPRAD prétendument conçu pour maintenir ou rétablir l’équilibre du microbiote vaginal. Estampillé « dispositif médical », il contient, comme la plupart de ses concurrents en vente libre, des substances chimiques dont les effets toxiques sont mal connus ou sujets à controverse.
Booster la libido des quinquas.
La baisse de libido chronique, alias trouble du désir hypoactif, toucherait 10% des femmes à l'approche de la cinquantaine. Pour y remédier, deux molécules ont été approuvées par l'agence américaine du médicament, la flibansérine (Addyl) et la bremelanotide (Vyleesi). Soutenue par une partie des obédiences féministes, au nom de l'égalité de traitement des dysfonctions sexuelles, la création de la pilule rose repose sur un véritable constat : une partie des quinquagénaires connait une réelle baisse de désir. Cependant, en le définissant comme un trouble, les industriels l’identifie à une anormalité qu’il convient de corriger. Certes, lorsqu’un couple ne souhaite pas faire le deuil de sa sexualité, il est en droit d’attendre que les sexologue lui apportent soutien et perspectives. Pour autant, la prescription de molécules, déclenchant la réponse sexuelle, ne répond pas à la réalité de situations généralement corrélées à des problématiques de contexte de vie, d’estime de soi et nature des relations de couple. Mais pour l’industrie pharmaceutique les séances de psycho-sexo-thérapie ne font pas partie du business-plan. Enfin, un essai clinique de 24 semaines, portant sur 1247 femmes présentant une atrophie du désir, a surtout montré les mauvais côtés de la flibansérine et de la bremelanotide : nausées, vomissements, rougeurs et maux de tête. Vouloir forcer la survenue du désir, quand l’esprit s’y refuse, révèle une autre facette de l’objectification du corps féminin.
Un vagin de jeune fille, avoir 18 ans à nouveau.
En 2019 le site Refinery a interrogé 3670 femmes sur la façon dont elles percevaient leurs organes génitaux. 48% d'entre elles ont exprimé des inquiétudes quant leur apparence et 36% quant à leur tonicité. C’est un fait, de plus en plus de femmes ont une vision dégradée de leurs vulve et vagin. Mais en dehors des cas de béance avérée et/ou de malformation congénitale, elles ne devraient avoir aucune raison de s’alarmer. Pourtant, les opérations de vaginoplastie, de labiaplastie et nymphoplastie, ne cessent de faire des adeptes. En cause, la pornographie qui a imposé sa vision du sexe féminin : glabre, rose, symétrique et étroit.
Pour rendre au vagin sa plasticité juvénile, les professionnels ont recours à l’acide hyaluronique ou au laser vaginal, une technique pour le moins agressive. Afin de stimuler et régénérer les tissus de la paroi vaginale, le praticien, à l’aide d’un sonde, procède à de micro-brûlures. Garanti sans effets secondaires et sans douleur le process a toutefois été dénoncé par la FDA. Une fois n'est pas coutume. Le 30 juillet 2018 elle a déclaré : « Ces actes entraînent de sérieux risques et n’ont pas prouvé leur efficacité. Nous sommes très inquiets que les femmes puissent être blessées. Différents rapports ont été publiés attestant de cas de brûlures vaginales, cicatrices, douleurs pendant les rapports ou douleur chronique suite à ce type d’opérations. » Malgré cette mise en garde, le rétrécissement de la filière génitale est encore présenté et vendu comme un plus en termes de jouissance : « Recherche d’un maximum de plaisir chez des patientes ayant déjà une sexualité épanouie », « augmentation des sensations pendant l’acte sexuel », « amplification du point G pour accroître la stimulation de cette zone ». Autant d’arguments qui dénotent un déni de réalité. Car, il suffit de parcourir les forums pour comprendre ce qui poussent certaines femmes à subir ce type d'intervention : l'anxiété que leur vagin puisse ne pas satisfaire « leur homme ».
Vous avez dit libération sexuelle ?
La liste des interventions de la cosmétique, de la pharmaceutique, de l’esthétique, de la chimie, sur la sexualité féminine est presque sans fin. Pour être exhaustif, nous aurions dû rajouter : les gels pour dynamiser le plaisir sexuel, ceux pour éviter la douleur de la sodomie, les tampons et serviettes hygiéniques, le traitement médicamenteux des flux menstruels abondants, les spermicides, le stérilet, la restauration chirurgicale de l’hymen, les épilations et tous les actes de chirurgie esthétique. Alors quid de la libération sexuelle quand il s’agit de se plier aux attentes, désirs et intérêts des phallocrates ? Quid de libération sexuelle quand le contrôle du moi intime s’externalise ? Quid de cette libération, quand ce sont essentiellement les hommes et les industriels qui en tirent avantage ? Quid enfin, quand la sexualité du plaisir se résume à gérer des anxiétés corporelles, des risques pour la santé et des insatisfactions érotiques ?
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