Le concept d'addiction sexuelle
L’addiction sexuelle est un diagnostic proposé lorsque l’activité sexuelle est à la fois excessive, irrépressible et source de souffrance. Nommée Don Juanisme, Satyriasis, nymphomanie, la servitude sexuelle est connue depuis le 18ème siècle.

Quand la sexualité érogène est source de souffrance
Aimer boire un bon vin, un bon whisky, apprécier l'ivresse qu'ils procurent, ne conduit pas immanquablement à l'alcoolisme. Si le bon vivant se plait à goûter la vie dans toutes ses composantes, l'alcoolique cherche un refuge à une vie dont la pénibilité lui est insupportable au naturel. De façon identique la pratique quotidienne de la sexualité érogène peut être signe d'un hédonisme joyeux ou d'une dépendance à des comportements échappatoires. Ainsi la frénésie sexuelle porte son lot de conséquences fâcheuses au même titre que l'alcoolisme et la toxicomanie.
Qu'est-ce que l'addiction ?
L'addiction revêt différentes acceptions selon qu'elle est abordée sous l'angle du produit consommé ou de celui ou celle qui le consomme. Parmi les définitions lapidaires on retiendra celle de Pierre Fouquet, médecin fondateur de la Société Française d'Alcoologie, pour qui l'addiction est la perte de la liberté de s'abstenir, malgré la conscientisation des conséquences négatives sur les domaines importants de la vie sociale, professionnelle et intime.
Pour le psychiatre Aviel Goodman, l’addiction est un processus par lequel un comportement, qui peut fonctionner à la fois pour produire du plaisir et pour soulager un malaise intérieur, est utilisé sous un mode caractérisé par l’échec répété dans le contrôle de ce comportement et la persistance de ce comportement en dépit de conséquences négatives significatives. Dans la version IV du DSM l’addiction était définie stricto sensu comme un mode inapproprié d’utilisation d’un produit entraînant des signes physiques et psychiques et se manifestant par l’apparition, après une année de consommation, d’au moins trois des symptômes suivants :
- l’accoutumance, le manque ;
- l’incapacité à gérer la consommation ;
- l’allongement du temps passé à la recherche de la substance ;
- l’abandon de la vie sociale et culturelle ;
- la poursuite de la consommation malgré la conscience des problèmes engendrés.
Quoiqu'il en soit de sa conceptualisation, l'addiction est un processus évolutif qui comprend trois phases :
- La phase d’euphorie : l'individu ne perçoit que les bénéfices et les récompenses de sa consommation ;
- La phase du déni : l’individu entraperçoit les effets négatifs liés à son comportement, mais les occulte sciemment ;
- La phase de morbidité : l’individu ne ressent plus que les effets négatifs de ce qui est devenu une addiction, en a pleinement conscience, sans avoir les ressources psychiques pour la combattre.
Que ce soit en phase d'euphorie, de déni ou de morbidité, la consommation se décompose en quatre temps :
- L'obsession : l'individu est envahi par des idées obsédantes, son champ psychique est entièrement investi par l'envie irrépressible de consommer ;
- La quête : l'individu cherche une solution pour assouvir, coûte que coûte, son désir de consommer ;
- Le passage à l'acte : c'est le temps de la consommation en elle-même qui s'associe à une perspective de jouissance et de bien-être ;
- La désespérance : suite au passage à l'acte l'individu est projeté dans un vide anxiogène qui engendre un impératif de réitération.
La phase de déni est une étape paradoxale de l'addiction dans laquelle l'individu a pris conscience de sa dépendance et de ses effets toxiques, mais reste persuadé que la balance bénéfices-risques penche en faveur des premiers. Toutefois, et là est le paradoxe, il met en place des stratégies de dissimulation avant tout par peur d'être dans l'obligation de reconnaître les nuisances qu'occasionnent son addiction et celle d'en finir avec ce qu'il s'autorise encore à voir comme une source de plaisir. Remarquons que cette volonté de masquer la vérité, notamment chez les femmes, est renforcée par la honte et la culpabilité.
Lorsque il ne peut satisfaire son envie de consommer l'addict ressent un état de manque se traduisant par des réactions allant de la tristesse profonde à l’agressivité en passant par des sueurs froides, tremblements, crises de tachycardie et insomnies. Pour réduire les sensations de manque, il peut se livrer à des actes compensatoires de boulimie, de consommation excessive d’alcool, lorsqu'il est toxicomane, de stupéfiants, lorsqu'il est alcoolique, voire d'automutilation.
L'addiction sexuelle
L’addiction sexuelle est un diagnostic proposé lorsque l’activité sexuelle est à la fois excessive, irrépressible et source de souffrance. Nommée Don Juanisme, Satyriasis, nymphomanie, la servitude sexuelle est connue depuis le 18ème siècle. Le concept de dépendance sexuelle est quant à lui plus récent. Il aurait été élaboré dans les années 70 et repris par le docteur Patrick Carnes, spécialiste des troubles sexuels, dans les années 80 sous la dénomination d’addiction sexuelle.
D'une manière générale, l'addiction sexuelle ou dépendance sexuelle, se définit par une perte progressive de contrôle du désir, caractérisée par des pensées et des comportements sexuels compulsifs dont les effets, pourtant perçus par l’individu comme nocifs, ne suffisent pas à enrayer le processus. Le sex-addict persiste dans ses comportements pathologiques malgré les risques encourus pour sa santé, sa socialisation, ses performances professionnelles, sa sécurité matérielle, la qualité de ses relations amicales, amoureuses et éventuellement, sa liberté. Comme dans tous les autres types d’addiction ou de dépendance, les répercussions toxiques sur le sujet et son entourage gagnent en intensité au fil du temps car pour atteindre le même niveau de satisfaction émotionnelle, le sex-addict doit intensifier la fréquence de ses rapports et/ou se livrer à des comportements de plus en plus transgressifs. Le risque associé semble d'ailleurs devenir un élément érogène majeur des conduites sexuelles de l'addict. Pour une partie des praticiens le diagnostic d'addiction sexuelle se pose dès lors que sur une période d’au moins six mois l'individu a :
- De récurrents et intenses fantasmes, des envies irrépressibles de sexe accompagnées de passage à l’acte ;
- Compromis ses activités professionnelles et ses obligations par le temps consacré à la sexualité ;
- Échoué, malgré des efforts répétés, à contrôler ou même à réduire sa consommation de sexe ;
- Répondu à un sentiment dysphorique : anxiété, dépression, ennui, irritabilité, ou à des stress de la vie quotidienne par une consommation de sexe ;
- Oblitéré les conséquences négatives, psychologiques et/ou physiques de ses actes, que ce soit pour lui-même ou pour autrui ;
- Souffert de cet état de fait.
L'addiction sexuelle un concept controversé
Le concept d’addiction sexuelle ne fait pas l’unanimité parmi les addictologues car il implique que puisse se développer une addiction sans produit addictif. Ce qui est, à priori, contre-intuitif. Toutefois, avant que la consommation d'une substance addictive, alcool ou stupéfiant, n'entraine des sensations de manque et l'impérieuse nécessité de consommer, l'individu est d'abord accroc à ses effets qu'il perçoit comme une plus-value en termes de bien-être, d'intégration sociale, de désinhibition, de qualité de vie, de performance intellectuelle ou physique. Ainsi développe-t-il, insidieusement, une dépendance à ces effets "vertueux" qui lui assure un "mieux-vivre". La véritable question de l'addiction est donc celle des bénéfices dont l'individu devient dépendant pour bien vivre. Finalement le caractère addictif d'une substance ne crée pas la dépendance, mais concourt à son renforcement.
Dans le cadre de la sexualité, cette plus-value est associée à l'obtention de shoots émotionnels, soit la recherche d'états d’euphorie, de bien-être intense et éventuellement de déconnexion d'un réel que l'on suppose anxiogène. Si l’on retient comme définition de l’addiction la notion d’attachement nocif et que l’on privilégie une approche sociologique, davantage axée sur le sujet qui consomme que sur le produit consommé, alors on peut raisonnablement croire qu'il est possible d'être addict au sexe.
Il est important de noter que le fait de multiplier les partenaires et les expériences n'est pas en lui-même problématique. Ce n'est que dans la mesure où la sexualité érogène perturbe la vie, met en souffrance et est susceptible de nuire à l'intégrité physique, psychique de l'individu et/ou celle de ses partenaires qu'il faut s'en inquiéter.
Les fondements de l’addiction sexuelle ne sont pas précisément établis et aucune relation de cause à effet systématique n'a été mise en évidence. Néanmoins, les traumatismes subis pendant l’enfance, les dysfonctionnements familiaux et le stress social sont des paramètres à prendre en compte dans sa survenue.
En cas de suspicion n'hésitez pas à faire le test de Carnes
1 - Avez-vous été victime d'abus sexuel pendant l'enfance ou l'adolescence ?
2 - Vous êtes-vous abonné ou avez-vous régulièrement acheté des revues érotiques ?
3 - Vos parents avaient-ils des troubles sexuels ?
4 - Êtes-vous souvent préoccupé par des pensées de nature sexuelle ?
5 - Avez-vous le sentiment que votre sexualité n'est pas normale ?
6 - Votre partenaire a-t-il (elle) déjà souffert ou s'est-il (elle) plaint(e) de votre comportement sexuel ?
7 - Avez-vous des difficultés à maîtriser votre comportement sexuel quand vous savez qu'il n'est pas approprié ?
8 - Vous êtes-vous déjà senti mal à l'aise vis-à-vis de votre comportement sexuel ?
9 - Votre comportement sexuel a-t-il déjà été à l'origine de difficultés pour vous ou votre famille ?
10 - Avez-vous déjà recherché de l'aide pour un comportement sexuel que vous n'aimiez pas ?
11 – Avez-vous déjà craint que des personnes puissent se renseigner sur vos activités sexuelles ?
12 - Est-ce que quelqu'un a déjà été choqué moralement par vos pratiques sexuelles ?
13 - Certaines de vos activités sexuelles sont-elles hors-la-loi ?
14 - Vous êtes-vous déjà fait la promesse d'abandonner certains aspects de votre sexualité ?
15 - Avez-vous déjà fait des efforts et échoué pour abandonner un certain type de comportement sexuel ?
16 - Devez-vous dissimuler certains aspects de votre sexualité aux autres ?
17 - Avez-vous tenté d'arrêter certaines de vos activités sexuelles ?
18 - Vous êtes-vous déjà senti dégradé par votre comportement sexuel ?
19 - Le sexe a-t-il été une façon pour vous d'échapper à vos problèmes ?
20 - Vous sentez-vous déprimé après un rapport sexuel ?
21 - Avez-vous ressenti le besoin d'espacer une certaine forme d'activité sexuelle ?
22 - Votre activité sexuelle a-t-elle déjà interféré avec votre vie familiale ?
23 - Avez -vous déjà eu des rapports sexuels avec des mineurs ?
24 - Vous sentez-vous dirigé par votre désir sexuel ?
25 - Pensez-vous parfois que votre désir sexuel est plus fort que vous ?
Le test de Carnes n'a pour objectif de poser un auto-diagnostic. Si vous avez répondu oui à plus de 13 des 25 questions, vous pouvez toutefois interroger votre sexualité érogène en consultant un ou une sexologue qui sera en mesure de déterminer si problème il y a et de vous proposer, le cas échéant, des thérapies comportementales et cognitives adaptées à votre situation. La recrudescence des demandes d’assistance en lien avec des conduites sexuelles compulsives fait que cette problématique particulière est aujourd’hui bien comprise des thérapeutes.
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