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Nous sommes tous des éjaculateurs précoces!

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L'éjaculation précoce : un mythe à détruire.

À contresens de ce qui est couramment admis, nous serions tentés d'affirmer que la notion d’éjaculation précoce ou prématurée, dans le cadre de la sexualité du plaisir, n'a pas d'existence objective car elle induit la prise en compte d’un facteur temps dont la détermination relève du subjectif. Ce n'est qu'en matière de sexualité reproductive que l'épithète "précoce" devrait avoir une raison d'être et précisément lorsque l'éjaculation se produit en amont de l'intromission. En dehors de ce cas, il serait donc erroné de qualifier l'éjaculation de précoce ou de prématurée.

Si l'éjaculation est rarement précoce, elle est par contre naturellement rapide. N'oublions pas que nous venons du monde animal, que dans ce monde les mâles éjaculent en quelques secondes et certainement parce que le temps du coït est un temps où ils sont vulnérables, il est préférable que la chose ne s’éternise pas. Tous les hommes sont donc programmés pour éjaculer rapidement, il en est ainsi de l'ordre naturel et leur demander de retarder leur éjaculation, de la contrôler, c’est les sommer de rompre avec leurs caractéristiques innées.

L’éjaculation précoce une histoire culturelle.

Le concept d’éjaculation précoce trouve ses fondements dans la sphère culturelle. C’est au regard de ce que l’on attend en matière de performance sexuelle et non de reproduction que l’éjaculation est qualifiée de précoce ou de prématurée. En fonction des époques, et finalement du rapport qu’elles ont entretenu avec la jouissance et particulièrement celle des femmes, on a demandé aux hommes des efforts plus ou moins importants. Au cours de la deuxième moitié du 20ème siècle, le combat des mouvements féministes pour faire reconnaître le droit des femmes à l'épanouissement sexuel porta en filigrane l'exigence d'une nouvelle approche de l'orgasme masculin. L’homme ne pouvait plus se contenter de libérer sa semence en toute insouciance, il devait apprendre à se contrôler pour en retarder au maximum l'éjaculation avec l'obligation implicite de satisfaire sexuellement sa partenaire. De facto, l'éjaculation se trouva affublée du qualificatif de précoce ou prématurée dès lors qu'elle n'entrait plus dans les critères de temps minimum pour que soit consacrée la qualité de la relation intime

Nul besoin, cependant, d’attendre le XXème siècle pour que soit soulevée la question de la rapidité de l’orgasme masculin. À l'ère babylonienne, les femmes avaient pour habitude de demander aux dieux, via des prières spécifiques, de l'endurance pour leurs amants. Aux alentours de l'an I, c'est le poète latin Ovide qui fit paraître un ouvrage initiatique, L’art d’aimer, où il recommandait à l’amant d’être attentif aux plaisirs de sa bien-aimée :

Si tu veux m’en croire ne hâte pas trop d’atteindre le terme du plaisir…Mais pilote maladroit, ne vas pas, déployant trop de voiles, laisser la maîtresse en arrière ; ne souffre pas non plus qu’elle te devance : voguez de concert vers le port. La volupté est au comble lorsque, vaincus par elle, l’amante et l’amant succombent en même temps. 

Au cours du XVIème siècle, certains théologiens suggéraient à l’homme "rapide" de dispenser des caresses post-coïtales à sa tendre et chère pour qu'à son tour elle connaisse l'orgasme. Si le but recherché n’était pas l’équité orgasmique, mais la réussite de la procréation, il marquait cependant la reconnaissance d’une disposition masculine pour atteindre rapidement le sommet de la jouissance. Cette composante naturelle de la sexualité masculine n’a toutefois pas été perçue de façon identique au fil des siècles. Au début du XXème siècle, où l'on n'accordait officiellement que peu d'importance à la volupté et la jouissance, l'éjaculation rapide ne posait aucun problème, voire était même vantée par les médecins qui affirmaient que le coït ne devait pas durer plus longtemps que la nature ne le suggérait et que seuls les alcooliques et les individus atteints de maladies nerveuses avaient besoin de longs rapports pour éjaculer. Si cette approche de l’éjaculation était plus empreinte de croyances médicales que de certitudes scientifiques, elle avait au moins l’avantage de libérer l’homme de toute anxiété de performance.

À partir des années 50, les progrès technologiques, l’évolution des mentalités, les nouvelles représentations sociales vont modifier en profondeur la société et particulièrement son rapport au corps et au plaisir. L'épanouissement sexuel comme facteur de bien-être trouvera une première reconnaissance dans la réforme de la notion de devoir conjugal. Dès le milieu des années 1950, les juges ne lient plus les relations sexuelles à la seule procréation, mais admettent la licéité du plaisir. La cour d’appel de Lyon condamnera en 1956 un mari pour des rapports si imparfaits qu’ils ne procuraient à la femme, ni espérance de maternité, ni plaisir.  La compréhension de cette mutation du devoir conjugal ne peut faire l’économie d’une mise en parallèle avec l’émancipation des femmes qui désormais revendiquent, au moins à mots couverts, un droit à la jouissance. Les thérapeutes des années 50 s'accordent pour définir le temps en dessous duquel un rapport sera jugé insatisfaisant pour la femme. Il se dit alors qu’un coït doit durer au moins trente secondes. Quelques années plus tard on estimera qu'une minute est le minimum recevable, puis se sera deux minutes, trois minutes pour atteindre dix minutes à la fin des années soixante. Suite à la révolution sexuelle, la norme prendra en considération l’orgasme stricto sensu et on qualifiera de prématurée l’éjaculation de l’homme jouit avant l’orgasme de sa partenaire dans plus d’un rapport sur deux. À ce stade il n'existe plus beaucoup d'hommes ayant des dispositions naturelles les autorisant à échapper au verdict de l'éjaculation précoce. On pourrait aisément en rire si le concept n’était pas sorti de son cadre culturel pour entrer dans le champ plus anxiogène des troubles de la sexualité. 

L’éjaculation précoce un mythe destructeur.

L’éjaculation précoce est un mythe qui détruit des vies, des histoires conjugales et il est temps de dire halte à la mystification. Si nous admettons, et comment pourrions-nous faire autrement, que d’une manière presque universelle les hommes jouissent plus vite que les femmes, nous ne saurions valider l’idée que l’éjaculation rapide relève du dysfonctionnement sexuel. Que les femmes puissent jouir pleinement lors d’une relation sexuelle est tout à fait légitime comme l’est leur souhait de la partager avec un partenaire attentif. Toutefois il n’existe pas un seul et unique chemin pour accéder à la volupté et l’orgasme et pour éviter le piège des fausses idées, nous devons engager une réflexion sur ce qui doit présider à la bonne réalisation de l’acte sexuel. 

Soigner l’éjaculation précoce c’est avant tout repenser la sexualité.

En premier lieu, il convient de reconsidérer le rôle du pénis ou du moins la place qu’il doit occuper dans la sphère érotique. Il est évident que l’historique reproductif de l’accouplement a donné au pénis un rôle central et bien que plusieurs millions d’années se soient écoulés depuis que l’homme a pris conscience de la récompense associée à la copulation, transformant cette conséquence en objectif à part entière, il continue de penser la sexualité du plaisir en termes de performances phalliques. La culture pornographique qui a sacralisé le dogme du pénis tout puissant en est l’expression moderne la plus flagrante. Mais en s'accrochant à l’idée fallacieuse d’une virilité assujettie aux bonnes rigidité et endurance de son organe sexuel, le mâle donne en quelque sorte le "bâton" pour ce faire battre, car dans le réel de l'intimité il est un sexe faible. Nonobstant que l'on soit en présence d’une supercherie multimillénaire, on ne peut que déplorer l’immobilisme qu’elle a entraîné. Si nous voulions nous laisser aller à quelques trivialités, nous dirions que l’homme d’aujourd’hui baise avec dans la tête les mêmes idées primitives que ses très lointains aïeux et on ne peut que s’en désoler. Même si la pénétration est un acte important et que nombre de femmes ne sauraient s’en passer, nous devons lui donner un statut conforme à ses potentialités érotiques. En d’autres termes, la décentraliser pour en faire un accessoire du plaisir et non un principal et ainsi tordre le cou aux frustrations et sensations d’inaccomplissement. 

En prenant à rebours les poncifs sur l’éjaculation rapide il est possible de voir ce pseudo handicap comme un avantage. À l’instar du mal voyant qui développe ses autres sens à l’extrême, les éjaculateurs rapides vont pouvoir donner à l’expression de leur désir des formes beaucoup plus diverses, variées et raffinées. D’ailleurs pour bien comprendre que le pénis n’est en aucun cas un incontournable, il suffit de s’arrêter quelques instants sur la vie érotique des femmes homosexuelles. Dépourvues de cet attribut, elles n’en sont pas moins de formidables partenaires sexuelles qui connaissent un taux de réussite orgasmique bien supérieur à la moyenne de leurs consœurs hétéros. Donc, messieurs, des solutions existent pour pallier les petites faiblesses de votre organe, laissez donc derrière vous les stéréotypes de la sexualité masculine et découvrez avec votre partenaire un autre monde érotique riche de mille parfums voluptueux. 

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