Témoignage : comprendre l'érection de l'homme vieillissant
Diplômé de l'Institut de Sexologie du docteur Jacques Waynberg, Eric Royer répond aux questions des abonnés.es.

Le culte de l'éternelle jeunesse sexuelle à l'épreuve du réel
Monique, 70 ans, retraitée de la fonction publique
Je viens d’avoir soixante-dix ans et depuis un an et demi je suis inscrite sur un site de rencontres libertines. Si après la mort de mon mari et pendant quinze ans je n’ai eu aucune sexualité, aujourd’hui je me suis découvert une libido très active. Le problème est que j’effraie les hommes de ma génération parce que je suis rapidement en état de faire l’amour alors qu’eux ont besoin de longues séances de caresses et autres gâteries avant d’avoir une pleine érection. On me reproche d’être trop précipitée et pas assez attentionnée. Je trouve que les hommes d’une certain âge agissent comme des enfants gâtés et je concède ne pas avoir un bon instinct maternel. Pensez-vous qu’il existe des hommes de mon âge capables de m’accepter comme je suis ? Je veux bien changer quelques habitudes mais pas de personnalité.
Je que j’en pense
Tout d’abord merci pour votre témoignage qui me permet de (re)préciser certaines choses concernant la sexualité érogène masculine. Si dans ses plus jeunes années le désir masculin s’éveille à la moindre sollicitation et s’accompagne d’une réponse génitale immédiate, autrement dit d’une érection complète sans nécessité de stimulation physique, le temps passant les choses évoluent "défavorablement". C’est en premier lieu la réactivité du désir qui s’émousse, devient plus exigeante en termes de stimulations contextuelles. Au passage de la cinquantaine c’est au tour de la réactivité sensorielle du pénis de connaître une affaiblissement. De fait même lorsque le contexte est suffisamment érogène, l’érection requiert, comme vous le dîtes, des séances de caresses et autres gâteries. Pour un septuagénaire il n’y a rien d’anormal à ce que la durée de ces séances s’éternisent quelque peu et il est hors de propos de lui demander de réagir comme un jeune premier. L’éternelle jeunesse sexuelle est un fantasme contemporain qui n’a d’autres débouchés que commerciaux. Le vieillissant est une réalité incontournable et nous n’avons d’autres choix que de composer, intelligemment, avec cet état de fait. Il est clair que dans le réel, l’âge avançant, l’exercice épanouissant de la sexualité érogène demande des aménagements, des compromis voire des renoncements, sans pour autant que cela induise, de facto, un affadissement des retours émotionnels. Bien au contraire, la restriction des possibles innés, ouvre la voie à l’exploration plus subtile de l’érotisme et à la découverte d’un champ d’émotions jusque-là masqué par l’exercice standard de la sexualité.
Vous concernant, il ne s’agit pas de savoir s’il existe des hommes capables de vous accepter telle que vous êtes, car là n’est pas la question. Ce qui est en jeu est votre capacité à comprendre et accepter la nature sexuelle des hommes vieillissants et dans l’idéal de pouvoir transformer ce qui vous apparait comme une corvée en un jeu érotique. Remarquez par ailleurs, l’érection étant facilement contrariée par l’anxiété, qu'il est forcément contreproductif de stigmatiser ce qui vous semble être un manque de réactivité. Cela ne peut qu’accentuer la difficulté de vos partenaires à produire une érection complète. Pour conclure je vous enjoins à revoir votre positionnement, à défaut, sauf à rencontrer l’homme-exception qui confirmera la règle, il est écrit que vos expériences sexuelles continueront d’être marquées par le sceau de la déception.
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