Témoignage : les caprices de l'érection
Diplômé de l'Institut de Sexologie du docteur Jacques Waynberg, Eric Royer répond aux questions des abonnés.es.

De la précarité de l'érection
Armand, 52 ans, conducteur de train
J’ai 52 ans et ma partenaire 39. Nous sommes en couple depuis quatre mois. Notre vie sexuelle est horrible parce que je ne parviens pas à la satisfaire. Elle envisage de me quitter à cause de ça. Jusqu’à présent je n’avais jamais eu aucun problème et toutes mes ex étaient pleinement comblées par mes performances, or ce n’est plus le cas. J’aime ma compagne, mais dès nos premiers rapports j’ai connu des problèmes d’érection. Je suis maintenant terriblement anxieux dès qu’il s’agit de faire du sexe, je perds tous mes moyens et je n’arrive pas à maintenir mon érection. Ce qui est rageant est que dès qu’elle est partie je me sens déstressé et mon érection revient. Je ne comprends pas ce qui se passe.
Ce que j’en pense
Votre témoignage permet d’aborder un sujet délicat : la fragilité cachée de l’érection. Contrairement à ce que sous-tend le culte phallique, le pénis en érection porte une puissance exclusivement symbolique, autrement dit le sexe masculin est pragmatiquement parlant un sexe faible. La réponse érectile est un phénomène précaire qui, hors condition médicale, se trouve naturellement sous l’influence de multiples facteurs environnementaux et émotionnels. En toute lucidité nous devrions considérer la stabilité de l’érection comme un évènement exceptionnel et non comme une normalité, reconnaître que les dysfonctionnements érectiles sont perçus à tort comme des échecs ou des anomalies.
Si dans leurs plus jeunes années les hommes voient leurs érections principalement perturbées par l’anxiété de la performance et le complexe du petit pénis, l’âge avançant c’est la qualité érogène de la relation qui devient source de la majorité de leurs désagréments érectiles. La pulsion sexuelle, ou le désir spontané, qui la plupart du temps motive le passage à l’acte chez les plus jeunes s’efface peu à peu pour laisser place à un désir conditionné, réactif aux seules émotions érogènes. Ainsi, selon un principe mis en évidence par le docteur-sexologue Jacques Waynberg, plus ils sont âgés et plus les hommes sont tributaires de la puissance érotique de leur partenaire.
Cela dit, vous concernant, il est déjà certain que vous pouvez écarter un quelconque problème d’érection qui mériterait une consultation médicale. Votre problématique est à la fois de l’ordre du contexte et du cercle vicieux. Les premiers rapports entachés par un sentiment d’échec ont déclenché une anxiété du raté fondamentalement toxique à la libre et pleine expression du désir. Il s’est mis en place une dynamique de l’impossibilité de mobilisation sereine de votre potentiel émotionnel. Pour remédier à votre problème il est donc indispensable d’orienter votre réflexion sur les pistes suivantes :
1- Je peux présumer que votre partenaire est à vos yeux d’une séduisante jeunesse et que vous pensez que cet atout se suffit à lui-même pour alimenter votre désir. Mais comme je l’ai fait remarquer, passé un certain âge, et d’autant plus si l’exigence émotionnelle est élevée, le désir répond à des stimuli érogènes dont la subtilité se niche au-delà de la plastique corporelle. Par analogie on conviendra qu’un mélomane averti sera plus pointilleux dans ses choix musicaux qu’un amateur de musique de variétés. Quoiqu’il en soit, suivant cette première hypothèse la cause de votre instabilité érectile serait à chercher dans une discordance entre le potentiel érotique de votre partenaire et vos attentes aphrodisiaques. Si tel est le cas, je vous conseille d’initier une discussion sur le thème afin de déterminer si votre couple a ou non un avenir érotique.
2- Je peux aussi imaginer que la perspective de fonder un couple avec une partenaire beaucoup plus jeune et/ou plus brillante que vous et/ou affichant de hautes ambitions érotiques, représente, à vos yeux, un défi et que celui-ci vous impose une charge de responsabilité trop lourde. Autrement dit, vous vous seriez persuadé, dès la genèse de vos relations intimes, de devoir être à la hauteur, d’être spécialement performant, de relever un challenge, une attitude qui se traduit par une confusion des objectifs, votre attention étant alors focalisée sur la reconnaissance de vos talents au détriment de celle nécessaire au partage enthousiasmant de l’instant présent.
Les réflexions proposées s’établissent sur les faits que vous rapportez. Pour poser un diagnostic il est indispensable d'avoir la vision la plus holistique possible de votre situation et la consultation en couple est la seule option envisageable.
* Crédit montage Osphères.
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