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Témoignage : les hommes et les menstrues

Témoignage : les hommes et les menstrues

Diplômé de l'Institut de Sexologie du docteur Jacques Waynberg, Eric Royer répond aux questions des abonnés.es.

Témoignage : les hommes et les menstrues

Faire l'amour en période de règles

Marc, 45 ans, artisan-pâtissier

Voilà deux ans que je suis en couple avec une femme de 42 ans, on partage une passion pour la danse de salon et une autre pour les voyages à l’étranger. Avec elle la vie est super et nous sommes très amoureux. Sa fille et mon fils sont en cité universitaire, ce qui fait que nous avons tous loisirs de nous amuser quand cela nous chante. Le problème est que ma compagne a de grosses envies lorsqu’elle a ses menstrues et que moi la vue du sang je ne supporte pas, c’est maladif, hyper stressant, et je n’arrive pas à maintenir une érection. Comme je n’assure pas quand elle est au top j’ai l’impression qu’elle me met des stops de vengeance quand je la sollicite en dehors de ses périodes. On en a discuté, mais elle refuse de comprendre que le sang me tétanise. Pour elle c’est naturel, donc elle ne voit pas ce qui me choque, je serais de la vieille école. Est-il possible de changer ça ? Qu’est-ce que je peux faire ?

Ce que j’en pense

Tout d’abord merci pour ce témoignage qui permet de parler d’un sujet sensible avec lequel nombre de couples sont en délicatesse. 

La vue du sang génère, chez la plupart d’entre nous, un puissant et déstabilisant retour émotionnel pouvant aller jusqu’à l’évanouissement. Synonyme de blessure, de mise en danger, de perspective mortifère, l'écoulement du sang reste dans l’imaginaire collectif associé à l'épouvante. Aucun film gore ne pourrait faire recette sans alimenter sa dramaturgie avec des sceaux d'hémoglobine. C'est un fait, le sang ne suscite pas spontanément des réactions hédonistes et joyeuses.

Le sang des menstrues ne fait exception à la règle d'autant plus que de nombreuses cultures et religions en on fait un tabou : la femme en période de règles étant alors impure, une impureté contaminante nécessitant une désocialisation temporaire. Si dans les sociétés occidentales les règles ne sont pas un motif d'exclusion sociale, il n'en demeure pas moins que jusqu'à un passé recent les publicités pour les serviettes hygiéniques se refusaient de montrer la réalité en usant d'un liquide bleu pour démontrer l'efficacité du produit. Persiste donc un rapport émotionnel au sang des menstrues parfaitement mis en exergue par votre témoignage.

Bien que le cocktail d’hormones le plus favorable à l’expression de la sexualité soit délivré au temps de l’ovulation, comme un certain nombre de femmes, votre compagne est particulièrement disposée à l’aventure érotique pendant ses périodes de règles. Si la phase des menstrues est citée comme un temps privilégié pour la rencontre intime, alors que le contexte hormonal n’y est pas typiquement favorable, on supposera que la garantie absolue de ne pas tomber enceinte offre, inconsciemment, une liberté d’action fortement érogène. Ce qui n'a rien d'étonnant, les modulations hormonales rythmant la libido pulsionnelle féminine n'étant que partiellement impliquées dans l’ouverture au désir, au contraire des facteurs environnementaux qui jouent un rôle primordial en accentuant, affaiblissant ou jugulant leurs effets. 

Quoiqu’il en soit votre compagne et vous-même n’êtes pas sur la même longueur d’onde. L’aversion que vous décrivez, qui peut-être flirte avec le dégoût, justifie vos pertes d’érection et sa mutation en un facteur neutre ou mieux érogène a peu de chances de se produire. Se présente donc une pierre d’achoppement sur le chemin de votre histoire, un obstacle qu’il vous faudra franchir si vous lui souhaitez un avenir. S’il est possible de se "reprogrammer", la plasticité du cerveau autorisant beaucoup de choses, le sang semble avoir trop d’emprise sur votre imaginaire pour que vous puissiez espérer en modifier la perception sans l’appui d’un ou d’une thérapeute. Idem pour votre compagne qui doit revoir sa position et comprendre que votre bonne volonté, votre amour, ne peuvent suffire à réprimer vos émotions négatives.

Les réflexions proposées s’établissent sur les faits que vous rapportez. Pour poser un diagnostic il est indispensable d'avoir la vision la plus holistique possible de votre situation et la consultation en couple est la seule option envisageable.

* Credit illustration : Âme Sauvage.

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