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Troubles fonctionnels et psychologiques de la ménopause

Troubles fonctionnels et psychologiques de la ménopause

Informer les femmes sur les mécanismes physiologiques et psycho-sociaux de la ménopause est essentiel pour leur permettre de vivre cette étape généralement difficile de leur vie dans les meilleures conditions. Après avoir abordé les différentes particularités, historiques et sociales, cet article met le focus sur les différents troubles fonctionnels et psychologiques de la ménopause.

Troubles fonctionnels et psychologiques de la ménopause

Troubles fonctionnels de la ménopause et sexualité

La ménopause est une période critique, c’est véritablement un cap que doivent passer les femmes qui, à la cinquantaine, se sentent souvent « en crise », fragilisées dans leur corps comme dans leurs représentations personnelles de la féminité. Elles ressentent durement le phénomène du « temps qui passe » et de l’urgence d’en profiter alors qu’elles sont loin d’être au mieux de leur forme. À travers la symptomatologie climatérique (ensemble des symptômes liés à la ménopause) et le vieillissement, leur rapport à la séduction est mis à mal.

La santé sexuelle fait partie intégrante de la santé, du bien-être et de la qualité de vie dans son ensemble.

Nombre de publications mettent en évidence une association entre l’avancée en ménopause et la baisse de la satisfaction sexuelle. Il est donc essentiel d’informer, de dédramatiser le phénomène dès la péri-ménopause, sans toutefois banaliser ou esquiver la question, « ça passera ! » n’étant pas la réponse adéquate. Une consultation dédiée durant laquelle il ne faudra pas oublier de parler d’éventuelles difficultés sexuelles est même recommandée afin d’établir un bilan ménopausique. Le but de cette consultation sera de soulager la patiente et, si nécessaire, de lui proposer une prise en charge thérapeutique.

Perception de la sexualité à la ménopause.

Beaucoup de femmes pensent que leur intérêt pour la sexualité va décroître avec l’arrivée de la ménopause. Cependant, une étude(1)  menée en 2004 dans 29 pays sur 26 000 femmes de 40 à 80 ans a démontré que ce désintérêt pour la sexualité change en fonction de leur avancée en âge. En effet, plus elles vieillissent, plus elles repoussent la probabilité de cette baisse d’intérêt. 51% de ces patientes âgées de 40 à 49 ans, pensent que la perte d’intérêt pour la sexualité n’interviendra qu’aux alentours de 60-64 ans. Pour 53% des 50-59 ans et 65% des 60-69 ans, ce n’est qu’entre 70 et 74 ans que cette baisse doit se manifester. Il y a donc l’idée que ces difficultés seront plus tardives.
Quand on observe la répercussion de la symptomatique climatérique, on voit qu’il y a des conséquences sur la vie personnelle, professionnelle, sociale et bien sûr, la vie conjugale et sexuelle, notamment en raison des bouffées de chaleurs et des sueurs nocturnes particulièrement invalidantes, souvent accompagnées de maux de têtes et troubles du sommeil.

Quelles sont les modifications de la sexualité à la ménopause ?

Ce sont des modifications physiologiques, physiques, biologiques (du fait de la carence hormonale et du vieillissement), accompagnées de facteurs psychologiques, familiaux, conjugaux et socio-culturels.

Du point de vue du physique, il y a altération de l’image corporelle chez la femme qui se « voit vieillir », avec une incidence sur son rapport à la séduction, au désir et au plaisir sexuel, une auto-dévalorisation par ailleurs encouragée par le regard et l’attitude négative de la société. La cinquantaine est également un moment de modification du contexte familial avec notamment, le départ des enfants qui déstabilise le paradigme conjugal. Il s’agit donc d’un modèle bio-psycho-social.

Les origines des problèmes sexuels à la ménopause prennent leur source dans toutes ces difficultés socio-culturelles, professionnelles, biologiques et psychologiques, entraînant des troubles de la réponse sexuelle comme :

  • l’insuffisance de désir ;
  • l'anhédonie(2) ;
  • les troubles de la phase d’excitation (génitale, subjective, mixte) ;
  • l’anorgasmie (partielle ou complète) ;
  • les douleurs sexuelles (dyspareunies, vaginisme).

Les troubles sexuels de la ménopause vont toucher environ 50% des femmes qui auront au moins 1 symptôme, pouvant être relié à la relation au partenaire. Quand on parle de dysfonctions sexuelles féminines, telles que décrites dans le DSM5, il faut bien savoir qu’elles ne sont considérées comme telles que si elles touchent la majorité des relations sexuelles, durent depuis au moins 3-6 mois et sont responsables d’une souffrance psychologique. Cette baisse du désir sexuel, aussi appelée hypo-désir féminin, intervient surtout après l’annexectomie(3) mais ce que l’on va surtout noter, c’est la symptomatologie de la sécheresse vulvo-vaginal et du syndrome génito-urinaire qui va toucher plus de 50% des femmes et nécessite une prise en charge thérapeutique, souvent rapide, afin d’éviter des répercussions sur les autres fonctions sexuelles ainsi que l’estime de soi. En effet, la sécheresse vaginale va occasionner une dyspareunie, qui à son tour entraînera un espacement des rapports sexuels et une baisse du désir. Les répercussion de la ménopause sur la sexualité peuvent aussi provenir de toutes les pathologies chroniques ayant leurs conséquences propres ainsi que des thérapeutiques prescrites pouvant s'avérer délétères.

Les difficultés sexuelles sont loin de n'être corrélées qu'à l'âge et à la carence hormonale.

Elles sont aussi souvent liées à des troubles psychologiques ; dépression, troubles de l’humeur, de l’estime de soi, parfois ambivalence des sentiments pour le partenaire et difficulté à mettre en place et développer ses scripts sexuels. Le contexte conjugal est également à prendre en compte. Car il faut bien garder à l’esprit qu’une femme peut évoquer des difficultés sexuelles via l’alibi de la ménopause alors qu’elles existaient antérieurement au niveau du couple.

La baisse du désir sexuel dépend de facteurs psycho-affectifs et neuro-biologiques.

Toute altération de l'état de santé peut amener à une baisse du désir. Certaines causes sont d'ordre biologique :

  • l'âge ;
  • les hormones (baisse des androgènes, hypothyroïdie) ;
  • les troubles psychiatriques ;
  • le handicap ;
  • les maladies chroniques ;
  • les thérapeutiques médicamenteuses (anti-hormones, anti-hypertenseurs, chimiothérapie...)

D'autres sont d'origine psychologiques :

  • les problèmes relationnels avec le partenaire
  • les problèmes personnels, d'image de soi, de son corps, anxiété de performance...
  • et toutes les causes socio-culturelles (bas niveau socio-économique, conditions de travail, normes et éducation sexuelles).

Les différents impacts des œstrogènes sur la libido (effet Domino).

Les œstrogènes ont une action au niveau cérébral sur les neuromédiateurs qui interviennent sur le désir et le plaisir via la dopamine, la sérotonine et l’histamine, et qui ont une action périphérique sur la trophicité(4) vulvo-vaginale, sur la lubrification et la réceptivité mammaire ainsi que sur l'augmentation du flux sanguin dans la zone génitale. Ils ont également une action sur la qualité de vie qui, lorsqu'elle est altérée - notamment par des sueurs nocturnes, des troubles du sommeil ou un syndrome dépressif -  peuvent avoir des répercutions négatives sur la sexualité.

Un traitement œstrogénique produira un effet sur cette qualité de vie, sur la trophicité vulvo-vaginale et donc du fait d'une possibilité de rapport sexuel qui se passera mieux avec une amélioration et une satisfaction, un effet domino permettra à nouveau une augmentation du désir. On sait que les androgènes ont un effet sur le désir sexuel. Nombre d'études ont montré que l'oestrogénothérapie seule ne suffisait pas à augmenter les sensations génitales, le désir, la satisfaction et donc la fréquence des rapports sexuels.

Syndrome génito-urinaire de la ménopause (SGM).

L'urètre et le trigone vésical sont dérivés du même tissu embryologique : le sinus uro-génital, très riche en œstrogènes, ainsi que la vulve, le vestibule et le vagin. Il en est de même pour les récepteurs des androgènes. Ainsi, une patiente qui a des symptômes du bas appareil urinaire a beaucoup plus de risques de dyspareunie(5).


En 2012, la NAMS et l'International Society for the Study of the Women's Sexual Health (ISSWSH) ont décidé de créer une nouvelle terminologie pour remplacer le terme d'Atrophie Vulvo-Vaginale, jugé inadéquat et inexact pour décrire les symptômes vulvo-vaginaux (brûlures, prurit, inconfort, sécheresse) et urinaires (nycturie, dysurie, pollakiurie, impériosité, infections...) Toute cette symptomatologie est en rapport avec l’hypo-oestrogénie de la ménopause, responsable de nombreux troubles sexuels (dyspareunie, perte du plaisir et du désir). Ces difficultés sont loin d'être négligeables et il est important de pouvoir les dépister et les mettre en évidence afin d'apporter des solutions parce qu'elles ont des conséquences très négatives sur l'image du corps et l'estime de soi. En effet, nombre de femmes vivent ces troubles (sexuels et même urinaires) comme une fatalité, en ont honte et ne les évoquent pas. De plus, comme les études le montrent, les médecin ne les évoquent pas non plus. Il est donc important, dans le cadre de la prise en charge, que les professionnels de santé soient suffisamment ouverts pour permettre à la patiente de les exprimer. Car l'impact de l'hypoestrogénie peut être majeur ; des parois vaginales beaucoup plus fines, des petites lèvres qui disparaissent, une peau dépigmentée et qui devient fine, une atrophie au niveau de l’épithélium vaginal, des fibres collagènes, de la musculature péri-vaginale et parfois même, un rétrécissement du canal vaginal et du vestibule rendant la pénétration difficile, voire impossible. 

Comment traiter le syndrome génito-urinaire de la ménopause ?

L'œstrogénothérapie systématique ou vaginale à faible dose demeure le meilleur traitement mais il n'est en revanche pas indiqué d’associer un progestatif aux œstrogènes vaginaux à faible dose car les données de sécurité endométriale ne sont plus disponibles au-delà d'un an de traitement. L'œstrogénothérapie vaginale peut être poursuivie aussi longtemps que persistent les symptômes sous-couvert évidemment, d’une surveillance clinique appropriée. Enfin bien sûr, pour les femmes qui ont des antécédents de cancer du sein ou cancer de l'endomètre, c'est l'oncologue qui devra déterminer la pertinence de l’œstrogénothérapie locale.

Les traitements non hormonaux sont essentiellement des hydratants vaginaux plus ou moins probiotiques. Ils ont une  efficacité  parfois  suffisante, sont sans  risque mais nécessitent un traitement au long cours. On voit arriver aussi de plus en plus les lasers vaginaux, le laser CO2 fractionné ou laser de type Erbium qui pourraient semble-t-il remodeler le tissu vaginal conjonctif et augmenter le stockage en glycogène dans l'épithélium, ainsi que l'apport oestrogénique. Ainsi, traiter correctement la trophicité vaginale permettra de retrouver désir et plaisir.

Le syndrome génito-urinaire de la ménopause touche plus d'une femme sur deux mais elles sont souvent sous-informées, ignorant qu'il existe une possibilité de traitement. Ces femmes sont alors sous-diagnostiquées et donc sous-traitées parce que les médecins ne posent pas suffisamment la question d'éventuelles difficultés sexuelles.

On sait que le traitement hormonal de la ménopause génère une amélioration sur le plan sexuel quand il est proposé en début de ménopause (cinq ans avant son installation). Il est important, en plus de cet apport du traitement hormonal, d'avoir une approche psycho-sexuelle en s'intéressant à l'histoire de cette femme, le contexte personnel et conjugal dans lesquels elle évolue. Quant à la prescription de testostérone, des études ont révélé qu'elle pouvait remédier à un désir sexuel hypo-actif. Toutefois, il n'existe pas de recommandations officielles sur ce sujet.

En conclusion, le rôle du professionnel de santé, c'est bien d’en finir avec le tabou de la sexualité à la ménopause.

Il faut informer, dédramatiser et cela dès la péri-ménopause puisqu’une symptomatologie peut déjà s'installer à ce stade. Il ne faut pas banaliser, esquiver, et surtout ne pas prendre pour référence sa propre sexualité. Il faut évidemment rechercher tous les  facteurs qui peuvent interférer, les pathologies chroniques avec leurs symptomatologies mais aussi les thérapeutiques. Il  faudra faire un bilan gynécologique complet (de la trophicité, du périnée, de l'éventualité d'un prolapsus), analyser le contexte, l'attitude du partenaire et prescrire un traitement adapté. Ce traitement devra être poursuivi aussi longtemps que nécessaire et il faudra peut-être envisager en plus une prise en charge psychologique voire sexologique.











Références  : pns-mooc.com

- Centre Virchow-Villermé
- Université Paris Descartes
- Université de Genève -
- Faculté de médecine

1 - EO. Laumann 2004

2 - L'anhédonie est un symptôme médical retrouvé dans certaines maladies psychiatriques et parfois chez le sujet exempt de trouble. Il caractérise l'incapacité d'un sujet à ressentir des émotions positives lors de situations de vie pourtant considérées antérieurement comme plaisantes.

3 - L'annexectomie est l'ablation chirurgicale d'une trompe de Fallope et de l'ovaire correspondant.

4 - La trophicité désigne l'ensemble des mécanismes qui concourent à la nutrition et à la croissance des cellules, des organes et des tissus.

5 - Constantine GD - Incidence of genitourinary conditions in women whith a diagnosis of vulvas/vaginal atrophie. Curr Med - res Opin rev 2014;30(1) : 143-8



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