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Ados, pornographie et éducation érotique.

Ados, pornographie et éducation érotique.

Ados, pornographie et éducation érotique.

Le porno est le premier éducateur sexuel des adolescents. 

Paul a 16 ans, c’est un garçon paisible et bien équilibré. Brillant dans ses études, il a l’ambition de devenir ingénieur. Comme tous les jeunes gens de son âge, il s’est éduqué à l’érotisme via la pornographie mais en garde un souvenir désabusé. 

Elyan, 17 ans, a regardé son premier porno à 13 ans et estime que cela fait partie de la vie d’un ado actuel. “Les gars qui prétendent n’avoir jamais vu un porno sont des menteurs”. Il reconnaît aimer le porno hard et avoir vu des vidéos très particulières.

Harry n’a pas de petite amie régulière et sait que le porno a modifié son approche de la relation homme-femme. “Il est évident que ça change ce que vous attendez d’une fille et la manière dont vous considérez son corps.” 

Les adolescents d’aujourd’hui sont très au fait des différentes pratiques sexuelles et dans un même temps, absolument ignorants de ce qui fonde une vie érotique saine, équilibrée et épanouie. Lorsque l’on aborde la notion du consentement, on se rend compte à quel point les esprits sont pollués par la rhétorique pornographique qui dépeint les filles comme étant à priori consentantes. 

Avant l’expansion d’internet, la pornographie n’était accessible que par des voies étroites, les sex-shops et certaines librairies spécialisées. Aujourd’hui, les jeunes gens n’ont pas besoin de se démener, la pornographie vient à eux sans même qu’ils en fassent la demande. Plusieurs études ont montré que dans 80% des cas, l’initiation à la pornographie est fortuite. Elle est omniprésente sur le net et il est quasiment impossible de ne pas y être confronté d’une manière ou d’une autre.

La pornographie a envahi nos écrans et les pornographes se sont arrogés le statut d’éducateurs sexuels. Les conséquences de cette “éducation” se traduisent par une augmentation des comportements à risque, notamment chez les plus jeunes. Un jeune Anglais de 12 ans accusé du viol de sa sœur de 7 ans, a plaidé coupable et reconnu avoir voulu “essayer la chose” après avoir visionné des films pornos sur le net. La corrélation entre la recrudescence des actes violents envers les jeunes filles et la prolifération des contenus pornos violents n’est plus une hypothèse mais un fait. Si l’on ne peut affirmer que la pornographie d’aujourd’hui soit plus hard que celle d’hier, on ne peut nier que les formes les plus extrêmes, autrefois réservées à un public d’initiés, sont devenues mainstream

Le libre accès à la pornographie n’est qu’une composante de nos sociétés hypersexualisées et nul ne peut échapper à son emprise.

Nous sommes bombardés d’images où des corps objets, principalement ceux des femmes, servent des desseins mercantiles. Les pop-stars comme Miley Cyrus s’habillent à la mode porno, les publicitaires en reprennent les codes. Dans ce contexte il n’est pas surprenant que les adolescents pornographisent leurs comportements sexuels et nous ne devons pas nous étonner de l’essor des sextos et autre revenge porn. 

La grande majorité des garçons a une conception très limitée du consentement et une méconnaissance totale des conséquences juridiques et psychologiques que des actes non consentis peuvent entraîner. Pour David, 18 ans, si une fille envoie à son petit ami une photo où elle apparaît dans le plus simple appareil, elle prend le risque que la photo soit divulguée et elle doit assumer son erreur. Pourtant, ce genre de pratique tombe sous le coup de la loi au titre d’une atteinte au droit à l’image et à la vie privée. Son auteur peut se voir condamné à un an d'emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Les dommages psychologiques de la victime sont encore moins compris alors qu’ils peuvent la conduire au suicide !

Bien sûr, loin de nous l’idée de blâmer les garçons en nous plaçant dans une perspective purement féministe. Non, pour saisir correctement le pourquoi du comment, il faut replacer les choses dans leur contexte et admettre qu’il n’est pas si simple de grandir dans un monde où les adultes référents sont amoraux. Quand la société n’offre plus de repères structurants, elle expose sa jeunesse à tous les errements. Il en est de même pour la sexualité.  Les garçons d’aujourd’hui ne sont pas foncièrement différents de ceux d’hier et au fond d’eux-mêmes, ils ne désirent rien d’autre que trouver une chouette petite amie. Il est d’ailleurs étonnant de voir leur soulagement quand ils découvrent que la sexualité n’est pas forcément porno et que l’intimité et l’amour sont des ingrédients érogènes puissants. 

Pour lutter contre la pornographisation de la société et la confusion qu’elle induit dans la compréhension des relations érotiques, il serait opportun de miser sur l’éducation.

Mais actuellement, peu de personnes sont suffisamment qualifiées pour éduquer la jeunesse à la complexité de la sexualité. Les valeurs morales que l’on aimerait voir fonder toute relation érotique doivent se confronter à la réalité des comportements adolescents, souvent fougueux et irréfléchis. Il faut donc être en mesure de promouvoir un idéal relationnel tout en restant pragmatique. 

Beaucoup d’experts se plaignent de l’absence d’éducation érotique. Apprendre à poser un préservatif sur une banane, parler de grossesse, de MST, de pornographie c’est bien mais c'est loin d’être suffisant. Une bonne éducation devrait être érotique plus que sexuelle et aborder les notions de plaisir, de volupté, d’orgasme en rendant compte des diverses pratiques susceptibles d’y conduire. La pornographie a banalisé la sodomie brutale comme forme de jouissance extrême mais dans les faits, c’est une expérience qui peut s’avérer fort désagréable si elle n’est pas réalisée avec un minimum d’égard et de tact. Cette pratique tend à se généraliser chez les ados, les garçons s’encourageant les uns les autres à tenter l’expérience mais pour les filles, l’aventure est généralement douloureuse. 

L’éducation reste donc le seul et unique moyen de sortir les ados de l’ornière dans laquelle le porno les enfonce. Une approche éducative pertinente devrait se baser sur le sexe-positivisme. Cela permettrait de prendre en compte la diversité des expressions érotiques, refuser les stéréotypes, et mettre l’accent sur les notions de sécurité et de consentement. Diverses études européennes ont montré que les ados qui sont coachés intelligemment sont à même d’aborder les épineuses questions de la misogynie et du consentement, tout en développant les capacités émotionnelles indispensables au bon fonctionnement relationnel.

La tâche est ardue mais nous devons nous y atteler sans plus attendre.


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